Après Lafarge-Holcim, Essilor-Luxottica ou PSA-Stellantis, c’est le leader français et européen de l’inspection et de la certification qui est en voie de se faire avaler sous couvert d’un rapprochement avec son rival suisse SGS.
Avec une valorisation bien supérieure du groupe helvète SGS de 17,6 milliards d’euros par rapport aux 13,8 milliards de son concurrent français Bureau Veritas, sans même parler de l’écart de chiffre d’affaires (7 milliards d’euros d’un côté, 5,9 de l’autre), il serait logique d’un point de vue boursier que SGS lance une OPA sur Bureau Veritas et que le groupe coté sur Euronext abandonne ainsi son contrôle. Un coup dur pour la bourse de Paris, mais aussi pour le capitalisme tricolore dans son entier, qui risquerait de perdre la direction de l’un de ses fleurons des services aux entreprises. Wendel, qui détient 26,5 % de Bureau Veritas, verrait sa participation clairement diluée. Reste à savoir quel sera le rôle de Bpifrance qui, avec 4 % du capital, n’a guère son mot à dire, même si Nicolas Dufourcq est très vigilant sur ce plan. Seul le gouvernement, par la voix de Marc Ferracci ou d’Éric Lombard, peut réellement s’y opposer.
L’affaire est jugée d’importance par François Bayrou car, outre le lieu du siège social qui pourrait passer de Paris à Genève, c’est de la crédibilité et de la capacité du capitalisme tricolore à défendre ses plus beaux fleurons que symboliserait une telle mise sous tutelle. Sans parler de la bourse parisienne qui, avec le départ de Bureau Veritas, valeur qui venait tout juste d’intégrer le CAC 40, perdrait une nouvelle belle valeur de poids. Sans parler du social avec un effectif mondial de 81 500 salariés, dont 8 500 rien que dans l’Hexagone. L’enjeu est donc plus important que ne le dit notre presse financière et économique, obnubilée par les seuls aspects boursiers.
En comparaison, les médias italiens, Il Messagero en tête, ne se font pas prier de leur côté pour s’inquiéter du projet en cours de rapprochement entre Natixis et Generali pour marier leurs gestions d’actifs et créer la deuxième plateforme européenne. Savoir défendre notre patrimoine économique et financier est devenu essentiel, comme le rappelle souvent et à juste titre un certain Arnaud Montebourg.
D’autant qu’il y a d’autres solutions pour le groupe français, telles que, par exemple, racheter son challenger britannique Intertek pour aller ensuite discuter avec le Suisse à poids équivalent ! Et si on arrêtait de n’être que des proies consentantes ?
Robert LAFONT
Éditorialiste, fondateur d’Entreprendre