Alors que la Coupe du Monde de Rugby 2023 bat son plein, Enzo-Malik Fenkrouz, Directeur Délégué à l’Emploi et Formation au sein de du Comité d’Organisation France 2023, fait avec nous un premier bilan sur le programme RSE lancé par le comité : Campus 2023.
Pouvez-vous nous présenter le projet « Campus 2023 » ?
Pour reprendre la genèse, la France, via la Fédération Française de Rugby, avait déposé sa candidature pour être pays hôte de la Coupe du Monde de Rugby 2023 et, dans ce dossier, il y avait un volet RSE qui devait être couvert. Pour l’aspect social, il y avait comme ambition de favoriser le travail des jeunes et l’idée de créer un programme d’apprentis avait été imaginé.
Après la victoire du dossier français, Campus 2023 a donc été créé avec l’ambition de recruter des jeunes, de les former sur des métiers de autour de l’administration d’une structure sportive incluant l’évenementiel, du tourisme et de la sécurité. En effet, il a été constaté, qu’après une Coupe du Monde de Rugby, un afflux de nouveaux licenciés dans les clubs apparait, de l’ordre de 30%. Les clubs ne sont souvent pas assez structurés, pas assez mâtures en termes de gestion pour absorber ce flux et cela crée de la déception voir des départs de ces nouveaux inscrits.
Un CFA (Centre de Formation d’Apprentis) a donc été créé sur une mécanique de CFA d’entreprise avec une structure dédiée, des objectifs pédagogiques avec la particularité que le CFA d’entreprise est également employeur. Ses salariés alternants sont donc recrutés et formés à travers le CFA. Nous avons recruté jusqu’à 1500 apprentis dans le dispositif, et ce, au plus proche des territoires puisqu’il s’agit d’un CFA « hors murs ». Nous les avons placés dans des structures d’accueil, des clubs sportifs rugby ou hors rugby et nous avons signé des partenariats avec des organismes de formation dans lesquels les alternants allaient compléter leur parcours de formation. Nous avons ainsi crée trois parcours et onze diplômes.
L’objectif initial était donc de pérenniser cette Coupe du Monde de Rugby en formant des personnes capables d’accueillir, après la compétition, l’afflux de nouveaux licenciés pour faire perdurer le rugby en France ?
Exactement mais pas seulement pour le rugby. Il y avait vraiment une volonté sociale et économique large, dans la famille du sport, avec pour objectif de professionnaliser la façon dont on pilote les structures sportives qui, aujourd’hui, sont majoritairement pilotées par des personnes bénévoles dans les clubs. L’objectif était, qu’à la fin de leur parcours, un certain nombre de jeunes soient embauchés par la structure d’accueil pour professionnaliser leur gestion.
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Par rapport au choix de ces jeunes, quels ont été vos critères de sélection ?
Nous avons des parcours entre Bac +1 et Bac +5 donc, bien évidemment, il y a des pré requis de niveau académique à l’entrée mais, pour ceux qui n’avaient pas le niveau, nous leur avont fait passer des formations complémentaires pour passer au niveau suivant. Les critères sont simples : nous avons accueilli les candidats qui avaient le minimum requis pour pouvoir rentrer dans la filière et nous avons privilégié les projets de reconversion.
Concrètement, comment avez-vous organisé ces différents parcours ?
Nous avons monté des programmes pédagogiques, en fonction des différents diplômes, en nous adossant à des diplômes existant de l’éducation nationale mais pas uniquement. Nous nous sommes également adossés sur des certificats enregistrés au répertoire France Compétences mais surtout, nous avons en en avons créés de nouveaux.
Nous avons estimé pertinent de créer des blocs de compétences répondant à ce dont une personne à besoin pour gérer une structure sportive. Nos deux certificats ont été déposés chez de France Compétences et là, actuellement nous déposons un titre à finalité professionnelle et sommes en attente de sa validation. Lorsqu’il sera validé, les organismes de formation qui le souhaitent pourront continuer à délivrer ces programmes. Cela fera partie de l’héritage du GIP France2023.
Pour donner ces cours, comment avez-vous fait ?
Nous n’avons pas organisé une structure pédagogique en propre mais nous nous sommes appuyés sur des organismes de formation dans les territoires. Nous aurions pu faire le choix de partir sur de la formation à distance en créant un pôle pédagogique « virtuel » mais nous avons trouvé plus pertinent de nous associer avec des organismes existants ayant déjà l’expertise et les infrastructures pour recevoir les alternants. Nous leur avons confié les référentiels de diplômes et certification et eux ont déroulé les programmes pédagogiques.
Parmi ces 1500 jeunes dont vous parliez, combien participent activement à la Coupe du Monde de Rugby ?
Sur les 1500, il y en a 1100 qui participent à la Coupe du Monde de Rugby 2023. La proposition de France 2023 quand les alternants sont rentrés dans le dispositif, a été de leur dire : « vous rentrez dans un parcours de formation et, à la fin et si vous le souhaitez, vous pourrez participer à l’organisation opérationnelle de la Coupe du Monde ». Quand nous avons fait le recensement en mai dernier, il y en donc 1100 qui ont levé la main et à qui on a fait passer des entretiens en fonction de ce qu’ils aiment, de ce qu’ils savent faire, on leur a demandé d’émettre des choix et on est revenu vers eux. En fonction de leurs demandes et de nos besoins, nous les avons repartis par site de compétition. Par exemple, un alternant qui vient de Lyon n’est pas forcément activté sur le Stade de Lyon mais peut-être activé sur celui de Saint Etienne ou de Marseille. Nous leur avons donné l’opportunité de voyager en prenant en charge leurs frais de transport et de logement. De plus, ils sont sur du temps employeur et ne sont donc pas considérés comme des bénévoles.
Pour l’avenir, qu’espérez-vous de ces 1100 jeunes ?
Pour ceux qui sont arrivés de leur cursus de formation, ils vont se retrouver sur le marché de l’emploi. Soit en étant pérennisés dans leur structure d’accueil, soit en allant travailler, par exemple, pour les JO de Paris grâce à des passerelles que nous avons mis en place.
Sinon, pour ceux qui le souhaitent, ils vont continuer leurs études. C’est notamment pour cela que nous avons un delta entre les 1500 apprentis et les 1100 qui participent à l’organisation de la Coupe du Monde de Rugby. En raison des rentrées scolaires de septembre, certains qui ont enchainer et n’ont pas pu être disponibles pour la compétition avec nous.
Quel bilan tirez-vous de ce dispositif ?
Je pense que c’est l’un des projets les plus ambitieux dans l’univers de la formation professionnelle . Avoir créé un écosystème pédagogique jusque dans les territoires d’outre-mer (de la Polynésie française à la Nouvelle-Calédonie), en aussi peu de temps. D’avoir réussi à monter la structure opérationnellement, les parcours pédagogiques, d’avoir formé les jeunes, de les avoir amenés aux examens, d’avoir organisé des jurys de délibération, de leur faire vivre la compétition, tout cela en moins de trois ans, c’est une belle réussite.
Cela répond à la vision qui avait été posée au démarrage. Avec 85% de réussite aux examens, le bilan est vraiment intéressant. Nous allons laisser une trace en termes de compétences pour la famille du sport en espérant que, lorsque nous réaliserons dans un an les enquêtes d’insertion, l’impact de ce parcours sera très positif pour ces jeunes. En tout cas, d’un point de vue théorique et pédagogique, c’est un succès.
D’ailleurs, pour bien mesurer l’ambition initiale du projet, il suffit de constater qu’aucune autre organisation, qu’elle soit professionnelle ou associative, qui a tenté d’ouvrir un CFA de cette envergure. A aujourd’hui, ne s’est lancé dans un projet pédagogique de cette envergure, ce que je trouve personnellement dommage parce que ça vaut vraiment le coup, l’impact économique sur l’emploi des jeunes est vraiment extraordinaire.
Propos recueillis par Louis-Marie Valin
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