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CEO sous LBO : 6 conseils pour dresser un plan de création de valeur


Par Rénald Béjaoui, Managing Director et Co-Head de l’activité Private Equity Performance Improvement (PEPI), Alvarez & Marsal France et Yann Varin, Senior Director, Alvarez & Marsal France Tensions géopolitiques diverses et variées, inflation, hausse des prix des matières premières, disruption des chaines d’approvisionnement, difficulté à trouver du financement, etc. Ne...

Yann Varin et Rénald Béjaoui

Par Rénald Béjaoui, Managing Director et Co-Head de l’activité Private Equity Performance Improvement (PEPI), Alvarez & Marsal France et Yann Varin, Senior Director, Alvarez & Marsal France

Tensions géopolitiques diverses et variées, inflation, hausse des prix des matières premières, disruption des chaines d’approvisionnement, difficulté à trouver du financement, etc. Ne noircissons pas davantage le tableau. Malgré tout, de nombreuses entreprises sous LBO et leurs actionnaires, les fonds d’investissement, doivent s’interroger sur le lancement d’un plan de création de valeur afin d’ancrer, de manière pérenne, une culture continue d’amélioration de la performance.

Les prérequis sont multiples mais s’il ne fallait en retenir qu’un, il s’agit de l’alignement. Le conseil d’administration, le fonds, le CEO, son équipe de management doivent être alignés sur les objectifs à atteindre. Quand la tête va, tout va. Les visions différentes, jeux de pouvoir destructeurs, non-dits et autres désalignements d’intérêts et d’incentives précipiteront l’échec de l’ambition.

Une fois ce constat posé, comment dresser un plan de création de valeur ? 6 points d’étapes.

1. Embarquer plutôt qu’imposer

Si le fonds de Private Equity use de son autorité, de sa majorité, pour imposer un cabinet de conseil, dans le but d’accroître la rentabilité financière de l’entreprise pendant la période du LBO, ce sera souvent peine perdue : une énergie importante sera dépensée pour produire un rapport qui ne remportera jamais l’adhésion du management et restera lettre morte… Pas d’implémentation, pas d’impact et des frais gaspillés de façon dispendieuse.

2. Définir la timeline et un champ d’intervention réalistes

Faire un bon diagnostic multi-dimensionnel, factualisé avec des données (quantitatif) et du contexte (qualitatif) pour faire émerger les vrais thèmes, les bonnes énergies, cela ne prend pas 3 semaines. Dans un laps de temps court, il est présomptueux de penser pouvoir rentrer dans le fond des sujets qui ont de l’impact et, surtout, il sera impossible de créer le consensus essentiel au niveau du top management.

Un diagnostic solide prend environ deux mois et cela reste à géométrie variable selon la complexité du projet (footprint, concentration ou fragmentation, complexité de la chaîne de valeur, niveau de rupture de la transformation, etc.) – un aspect dont il faut impérativement discuter avant de lancer le diagnostic.

3. Eviter le « faux départ » en impliquant toutes les parties prenantes

Il est primordial de commencer par de multiples entretiens (jusqu’à 30-50) des membres du management, de leurs N-1 et certains de leurs N-2, au cours d’une première phase qui peut s’étendre sur une ou deux semaines. Ces entretiens en tête-à-tête permettent de recueillir des points de vue différents et d’appréhender l’entreprise depuis des angles complémentaires.

Toutes les fonctions de l’entreprise doivent bénéficier du même temps d’écoute attentive :

  • Le CEO ;
  • La stratégie et le M&A ;
  • Les sales et le marketing ;
  • Les opérations au sens large (achats, logistique, production) ;
  • Les fonctions support, clés dans toutes les transformations ;
  • La finance pour piloter les économies ;
  • Les ressources humaines pour faire évoluer l’organisation ;
  • La tech et le digital pour accélérer sur l’intégration des systèmes, la digitalisation et l’automatisation ;
  • Le juridique pour les modifications de contrats clients et fournisseurs.

Cela assure de dresser un panorama complet de l’entreprise et de comprendre son quotidien, fonctionnement, et potentiel réel d’amélioration. En parallèle, une demande de données précise et circonstanciée doit être effectuée pour factualiser les recommandations, à commencer par s’aligner sur la baseline en appréhendant la base de coûts avec les personnes responsables de chaque ligne.

4. Ne pas tarder à « size the prize »

L’issue des deux 2 semaines est cruciale. Les données quantitatives et de nombreuses informations qualitatives ont été récupérées lors des entretiens ; il faut alors être capable de prendre de la hauteur, de faire preuve d’un vif esprit d’analyse et de synthèse pour cristalliser les enjeux sur 4-5 thèmes clés qui génèreront 80% de la valeur.

A ce stade, les initiatives de création de valeur sont identifiées par une approche inductive, « top-down » sur la base de premières hypothèses. C’est ainsi que l’on met en exergue une ambition (un chiffre et des moyens) qui devra être capable de répondre à un double-objectif : être ancré dans la réalité (pour engager et ne pas sembler déconnecté) et donner une aspiration (pour montrer la voie et tirer vers le haut).

Un point d’étape avec le fonds d’investissement et l’équipe de management est alors nécessaire, pour susciter un rapport d’étonnement et préciser l’ambition. Avec une précaution importante : le travail granulaire réalisé et validé par les équipes n’a pas encore été réalisé.

5. Aller au fond des sujets pour remporter l’adhésion du management

Au cours de cette phase qui prendra 4 à 5 semaines, il faut précisément quantifier, documenter, itérer pour confirmer, puis planifier l’ensemble des initiatives avec les personnes qui incarneront le plan de création de valeur. Avec une approche beaucoup plus déductive, les analyses sont alors très fines et nécessairement ad-hoc sur différentes dimensions : organisation, gouvernance, maturité des process et des systèmes, analyses de productivité, benchmarks interne et externe sur des indicateurs de performance, etc. Les frais ponctuels et les dépenses d’investissements sont quantifiés, le retour sur investissement des initiatives transformantes est vérifié.

L’ambition initiale est ajustée, validée et dans un objectif d’opérationnalisation des initiatives, reste alors un travail d’arbitrage et de séquençage à mener aussi collectivement que possible. Toutes les parties prenantes de la transformation future s’engagent ainsi à réaliser les gains qui ont été confirmés.

6. Rapidement pivoter vers l’implémentation

La dernière semaine consiste à la transition et la mobilisation : transition car il faut vite pivoter vers l’implémentation pour ne pas faire retomber l’énergie collective impulsée ; mobilisation car le projet est devenu collectif et fédérateur. Une feuille de route détaillée a été établie avec toutes les actions, tout comme les différents jalons à atteindre à court terme et moyen terme.

Le projet devient littéralement un projet d’exécution. Et maintenant, action !

Rénald Béjaoui et Yann Varin

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