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Ces entrepreneurs qui préparent leur succession


Dans un souci de pérennité et de stabilité de leur entreprise, de plus en plus d'entrepreneurs misent sur une transmission en douceur.  

Entreprendre - Ces entrepreneurs qui préparent leur succession

Dans un souci de pérennité et de stabilité de leur entreprise, de plus en plus d’entrepreneurs misent sur une transmission en douceur.
 

Le marché de la cession/transmission d’entreprise concerne 60.000 entreprises par an, dont 30.000 cessent purement et simplement leur activité faute de repreneur, détruisant au passage près de 37.000 emplois.

Surtout, près de 185.000 entreprises sont potentiellement susceptibles d’être cédées ou transmises chaque année, de quoi sauvegarder quelques 750.000 emplois et d’en créer 150.000 nouveaux ! Seule source de réjouissance ? Les entreprises récemment transmises connaissent des taux d’investissement, de rentabilité et de survie supérieurs à celles qui n’ont rien anticipé.

La France mauvaise élève

Compte tenu de la démographie de leurs dirigeants, dans les 10 années à venir, près de la moitié des ETI seront amenées à se transmettre, avec plus d’un million d’emplois potentiellement en jeu.

Nos voisins européens ont parfaitement compris l’enjeu de la transmission puisque l’immense majorité des pays a adopté un régime fiscal facilitant et encourageant la transmission, dont le coût est à ce jour nul comme en Allemagne ou extrêmement réduit comme en Belgique (3%) ou en Espagne (0,02%), en contrepartie du respect de plusieurs engagements tels que la durée de conservation des titres ou le maintien de la masse salariale.

La France est-elle pour autant le mauvais élève européen ? «Il ne faut pas faire de la France une exception. La transmission d’entreprise est un sujet qui touche l’ensemble des pays où l’entrepreneuriat est développé. Les instances européennes ont pris conscience de l’urgence de la situation puisque, dès 2003, un guide des bonnes pratiques et des mesures de soutien à la transmission a été édité par la Commission Européenne.

Chaque année, en Europe, 610.000 PME sont susceptibles de changer de main, avec une incidence sur 2,5 millions d’emplois. ⅓ des entreprises changeraient de main dans un intervalle de 10 années. En 2016, la dernière analyse du CROCIS, le centre d’observation de la CCI Paris Île-de-France, montrait que ce ratio était également applicable en France.

Nous ne sommes pas mauvais élèves car la transmission a été prise à bras-le-corps, mais nous ne sommes pas non plus au tableau d’honneur car une transmission en France est nettement plus coûteuse que dans d’autres pays européens», tempère Dominique Restino, président de la CCI Paris et membre de TRANSFAIR, les rencontres de la transmission d’entreprise.

Lever les freins

Outre une fiscalité plus lourde, la transmission est surtout un processus qui effraie bon nombre de dirigeants. «Beaucoup de chefs d’entreprise ont déjà pensé à la transmission mais il existe plusieurs freins à lever avant qu’ils ne passent à l’action. Le 1er est d’ordre psychologique ou émotionnel.

Beaucoup d’entrepreneurs qui ont tout investi dans leur entreprise sont très réticents à l’idée même de partir. Ils retardent jusqu’au dernier moment la décision de transmettre et n’organisent pas suffisamment cette étape importante. Le 2ème est lié à la complexité du processus de transmission, qui allonge le délai de cession.

Le 3ème concerne l’inadéquation entre l’offre et la demande. De nombreux repreneurs, âgés de 40 à 45 ans et souvent de formation supérieure, recherchent des PME de 20 à 30 collaborateurs à reprendre. Or la réalité du marché est différente : 97% des entreprises à transmettre ont moins de 20 salariés. Le marché pourrait être rééquilibré en misant sur la capacité des jeunes à reprendre les TPE, notamment dans les filières professionnelles et les territoires plus fragiles», souligne Dominique Restino.

Une situation principalement due à une information insuffisante, tant pour les cédants que pour les repreneurs potentiels, et un manque cruel de préparation dans le processus de transmission.

La transmission intrafamiliale

Transmettre à ses enfants, petits-enfants… n’est pas le mode de transmission privilégié des dirigeants. Pour autant ce n’est pas un phénomène marginal.

«La transmission familiale concerne environ 16% des cessions de PME-ETI. En plus d’assurer une certaine continuité, elle joue un rôle particulier en faveur du maintien d’un tissu industriel territorial, particulièrement dans les zones qui sont les moins denses en entreprises», indique Alain Tourdjman, directeur des études économiques du Groupe BPCE. Pourtant la France est à nouveau derrière ses voisins européens. De l’autre côté du Rhin, 51% des transmissions d’entreprises s’effectuent au sein de la famille, jusqu’à 80% en Italie.

Une disparité qui peut s’expliquer par un rapport au temps différents des entrepreneurs français. «La transmission dans un cadre familial ne s’improvise pas. Il faut une gouvernance adaptée qui peut passer par la mise en place d’une charte de transmission, un actionnariat familial motivé si l’entreprise le permet, une affirmation des valeurs de l’entreprise, un premier parcours du repreneur en dehors de l’entreprise familiale.

Tous ces mécanismes permettent de gommer les effets affectifs. Les entreprises familiales se placent dans un temps long en termes de stratégie, et cela impose au chef d’entreprise d’entretenir cette vision à long terme qui favorise à la fois l’intérêt de la famille et l’intérêt de l’entreprise», explique Dominique Restino. Enjeu économique majeur, à la fois en termes de dynamisme et d’attractivité des territoires, et après plusieurs années d’absence dans le débat politique, la transmission fait désormais l’objet de nombreux rapports et autres études économiques. Quant à savoir ce qu’il en ressortira…

Quelles mesures pour faciliter la transmission d’entreprise

Pour inciter les chefs d’entreprise à privilégier la transmission à la cession, l’exécutif a mis en place certains avantages fiscaux.

– Le régime de taxation des plus-values de cession : les plus-values de cession de titres de société sont, depuis 2014, soumises à l’impôt sur le revenu, au barème progressif. Cette taxation est atténuée par l’application d’un abattement général applicable en fonction de la durée de détention des titres cédés (50% de 2 à 8 ans, 65% au-delà de 8 ans).

Dans 3 situations (cession de titres d’une PME nouvelle, cession de titres dans le cadre d’un groupe familial, cession de titres à l’occasion d’un départ à la retraite), le cédant peut, par dérogation à l’abattement général, bénéficier du dispositif d’abattement renforcé (50% pour une durée de détention de 1 à 4 ans, 65% de 4 à 8 ans et 85% au-delà). Les plus-values réalisées par les dirigeants de PME partant à la retraite bénéficient, avant l’application de l’abattement proportionnel majoré, d’un abattement fixe spécifique de 500.000.€.

– L’apport à une holding avant cession : l’apport des titres de la société d’exploitation à une holding permet de bénéficier du report de l’imposition de la plus-value à un événement ultérieur. La holding doit toutefois être assujettie à l’impôt sur les sociétés (IS).

– Le pacte Dutreil : ce pacte permet, pour une entreprise familiale et sous certaines conditions, de bénéficier d’une exonération de droits de mutation à titre gratuit à concurrence des trois-quarts de sa valeur.

– La donation avant cession : un dirigeant qui souhaite céder son entreprise peut procéder à la donation préalable à ses enfants d’une partie des titres, ce qui permet d’effacer deux taxations successives : l’impôt sur la plus-value lors de la cession, puis les droits de succession.

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