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Ces nouveaux terroirs de vin qui apparaissent en France


De Sens dans l’Yonne à Grisy dans le Calvados, aux coteaux de la Vézère en Corrèze, qui sont ces nouveaux vignerons d’un autre temps, celui d’un certain changement climatique ?

Entreprendre - Ces nouveaux terroirs de vin qui apparaissent en France

Il ne faut pas être un professionnel de la culture des vignes pour savoir que ces dernières n’apprécient pas vraiment le surplus d’humidité et de froid, ni l’extrême chaleur. Face au changement climatique, les évolutions sont déjà en cours depuis plusieurs années.

Les Bourguignons achètent de nouvelles terres plus au nord, les recherches sur les cépages résistants à la chaleur et leurs plantations se multiplient, impossible de rester sur un statu quo dans un environnement qui se transforme plus rapidement que prévu.

D’autant que les passionnés de la vigne ne travaillent pas que pour eux, mais également pour ceux qui vont leur succéder.

L’Europe du Nord, nouvel Eldorado ?

Aujourd’hui, les vignobles français les plus connus se situent sur les zones côtières, en Bourgogne et Champagne, et sur un arc qui va du Sud-Est au Bordelais. Les pays voisins de la Méditerranée sont également tous producteurs pour la plupart, or, on prévoit que la géographie viticole va totalement se transformer d’ici à 30 ans seulement. Les zones les plus adaptées mises en avant par les prévisionnistes se situeraient au nord de l’Espagne, sur toute la moitié nord de la France, de nouvelles zones devraient émerger au nord et à l’est de l’Europe en remplacement d’autres plus au sud.

Si l’on ajoute à cela une certaine tendance à la baisse de consommation chez les jeunes, qui boivent de plus en plus de bière aux dépens du vin, la situation est complexe.

La réaction est en marche

Bernard Farges, président du CNIV (Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine à indication géographique) a indiqué en janvier que les professionnels se sont attelés à un plan pour la filière. Huit groupes de travail planchent désormais sur le sujet, avec des participants issus de toutes les régions françaises. Une première tendance se dessine, celle de l’arrachage sur la base du volontariat, le président évoque 100 000 hectares, soit environ 13 % du vignoble français.

Il n’est pas question de laisser ces terres en jachère, mais de les transformer pour y faire pousser des cultures du sud, telles qu’amandiers, oliviers, etc., ce qui requiert l’acquisition de nouvelles compétences. Certains vignerons n’attendent plus, ils sont déjà au travail pour l’avenir dans des régions qui n’étaient jusqu’à présent pas réellement au centre de leurs préoccupations.

Renaissance autour de Sens

Dès 2019, trois associés ont décidé de relancer la viticulture autour de Sens. Florian Ruscon, Marie et Frédéric Duponchel ont trouvé un nouvel éden, à Paron dans l’Yonne. Il s’agit d’une belle histoire de famille. Frédéric, le père, Marie la fille, Florian le gendre. Les vacances sont le temps de la réflexion, du recul, parfois de projets un peu fous qui avortent dès la rentrée.

Pas cette fois-ci. En 2017, le trio revient de vacances avec une idée en tête, faire revivre la viticulture près de Sens. Frédéric Duponchel en rêvait depuis longtemps, cet ancien d’Arthur Andersen, cofondateur d’Accuracy, gros cabinet de conseil aux chefs d’entreprise, connaît bien l’histoire de la région et sait que le vignoble existait avant qu’il ne soit décimé comme beaucoup d’autres par le phylloxéra. À vrai dire, la vigne était présente dès l’époque gallo-romaine, au XIXe, il s’étendait même sur 400 hectares.

L’aventure s’est concrétisée, le Domaine des Sénons a vu le jour officiellement en 2018, et concrètement les premières vignes ont été plantées dès l’année suivante. Les parcelles achetées étaient en friche, non exploitées, il s’agit donc d’une réelle valeur ajoutée pour la région. En 2021, un tout nouveau chai gravitaire a été construit qui surplombe la vallée de l’Yonne et la ville de Sens. Les caves du domaine sont taillées dans la craie et font partie du circuit œnotouristique de la région.

Si le domaine a vu le jour grâce à l’idée paternelle, ce sont les jeunes qui gèrent. Florian est responsable des vignes, il dispose d’une licence de production végétale et d’un diplôme d’ingénieur. Marie s’occupe de la cuverie. Son master de Gestion publique à Dauphine lui sert sans aucun doute, mais sûrement moins que son BTS de viticulture-œnologie.
La concrétisation est en place, le volume des vendanges 2023 a doublé par rapport à l’année précédente, les premières bouteilles 2022 ont été vendues après une année 2021 qui a subi des périodes de gel. Le travail continue, la production se développe, l’aventure continue pour cette famille qui s’est lancée dans une aventure difficile et passionnante.

Le Domaine des arpents du soleil, IGP Calvados-Grisy

Gérard Samson, notaire de son état, a eu la folle idée de planter ses vignes sur le calcaire de Grisy, dans le Calvados, il y a presque 30 ans. Les caractéristiques du sol font que l’on qualifie parfois l’endroit de « Bourgogne normande », toutes proportions gardées. Gérard Samson avait bien étudié l’histoire du lieu et savait que la vigne avait vécu sur ces terres par le passé. Des traces en attestent dès l’époque médiévale, grâce à la typicité des sols, et par ailleurs au microclimat sec de cette zone.

En 2022, Étienne Fournet a repris les quasiment 7 hectares du domaine. À 35 ans, il a appris à connaître l’ancien propriétaire, bénéficie de son savoir-faire, et a décidé de poser son empreinte en passant en biologique sur ses cépages de pinot noir, chardonnay ou auxerrois. À lui et son épouse de reprendre le flambeau. Pour soutenir le mouvement, la Région et la Chambre d’Agriculture ont créé l’association Les Vignerons de Normandie début 2022 avec pour mission la réunion d’une trentaine d’exploitants ayant déjà planté ou en train de mettre sur pied un projet viticole dans la région du cidre ou du Calvados, qui visiblement ne craint pas la concurrence.

Anne Florin

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