Le champagne est une passion française, au cœur de notre patrimoine viticole et gastronomique, qui continue à motiver des petits producteurs, bien décidés à se faire une place aux côtés des grandes maisons qui exportent dans le monde entier.
Le marché français des ventes de champagne recule sur la France depuis 2010 avec une baisse de plus de 20% des ventes de cols (185 millions à l’époque). L’export poursuit cependant sur sa lancée, et les petits producteurs doivent faire preuve d’imagination pour retrouver une dynamique.
D’autres voies que l’export
Il paraît que les jeunes générations préfèrent la bière ou les cocktails, ce qui est fâcheux pour les producteurs, qui se voient quasiment condamner à aller prospecter l’étranger. Or l’export est quasiment réservé aux grandes maisons et marques de champagne. Les petits producteurs n’ont pas souvent les moyens de prospecter à l’étranger, ils investissent donc différemment, en s’alliant, en allant vers le mono-cépage, vers le bio, ou la mise en valeur de leurs particularités et de leur savoir-faire. Alors que les grandes maisons peuvent compenser la chute du marché français par l’international, ces voies de développement s’avèrent indispensables pour les petits producteurs, qui parfois découragés, vendent plus simplement leurs raisins aux négociants. D’autres ont décidé d’investir et de développer de nouveaux produits, car petit volume ne signifie nullement moindre qualité.
Bonne ou mauvaise nouvelle ?
Les Français consomment 51,2 litres de vin annuellement, soit -28% de moins qu’en 2000. Le marché du champagne s’élève à 302 millions de bouteilles (dont 155 millions sur la France) pour un CA total de 4,9 milliards d’euros.
La mise en avant du terroir
L’un des atouts des petits producteurs est bien évidemment la mise en avant de leur terroir. Une étude fin 2016 faisait dire à Sébastien Goulard, directeur de laboratoire à l’Institut Œnologique de Champagne, que cette voie était la plus logique pour se faire connaître et vendre mieux. Les marchés de connaisseurs peuvent entendre ces nouvelles voix qui s’élèvent et parlent parcelles, élevage en barrique et faible dosage. Les clients français sont bien entendu ouverts à ce type de langage, tous comme les Américains, Britanniques et autres Japonais. Pour parvenir à percer, il faut cependant rester à des prix de marché acceptables, d’où le partage d’utilisation d’équipements ou de main d’œuvre, afin de réduire les coûts de production. Voici quelques exemples d’initiatives qui permettent aux petits producteurs de tirer leur épingle du jeu.
« Producteur artisan de qualité »
Cette définition du Collège Culinaire de France est particulièrement bien adaptée au monde de l’alimentaire, avec pour objectif de lutter contre la standardisation : transmettre la passion et le savoir-faire de son métier, utiliser des méthodes artisanales raisonnées de fabrication, de culture et d’élevage, et cultiver les goûts originels et authentiques.
CHAMPAGNE R. POUILLON ET FILS
Un authentique Champagne de Vigneron
Ce vigneron produit environ 60 000 bouteilles sur 6,5 hectares de vigne répartis sur 36 parcelles. Fabrice est la troisième génération, le domaine ayant été créé en 1947. Son exemple est symbolique du mouvement de diversification de l’offre. Situé dans un terroir plutôt dédié au pinot noir, il a décidé de sortir de la voie classique afin de se démarquer et de valoriser sa production. Les Pouillon ont ainsi sorti un pur chardonnay « Les Valnons », et une cuvée parcellaire à partir de chardonnay et de pinot noir « les Blanchiens », mis en avant par la Revue du Vin Français, ainsi qu’un extra-brut, le « Solera ». Cette personnalisation des cuvées a permis de redynamiser l’offre de l’entreprise. Une autre initiative intéressante fut la candidature à l’appellation « Producteur Artisan de Qualité » Vigneron auprès du Collège Culinaire de France en 2018, validée à l’unanimité par les membres du Comité Ethique de Sélection des Vignerons et des Chefs fondateurs et co-fondateurs.
À PEINE ARRIVÉ, ÉDOUARD LABRUYÈRE
Vigneron de l’année du guide Hachette 2019
Edouard Labruyère est bourguignon, propriétaire en Beaujolais, Meursault et Pomerol. Il est donc un vigneron chevronné. Sa nomination par le guide Hachette porte cependant sur le premier millésime de son champagne. En effet, l’exploitant a été en quête de terres en Champagne pendant plusieurs années avant de porter son choix en 2012 sur l’achat du récoltant-manipulant Christian Busin, idéalement placé. Ce domaine de 5,5 hectares ne lui permettait pas d’atteindre selon lui une véritable taille critique, il a donc trouvé un peu plus loin Quenardel et ses 7,5 hectares. 13 hectares au total, dont 7 en grand cru, en voici assez pour créer « Champagne Labruyère » auprès des deux autres marques rachetées. Edouard Labruyère a donc touché en plein cœur avec son grand cru Prologue, peu dosé, élaboré avec des raisins bien mûrs. Pas de cocorico cependant, ce vigneron pourtant aguerri sait qu’il est « nouvel arrivant en Champagne » et que c’est un véritable défi d’arriver dans un nouveau territoire. Bien qu’il l’ait fait avec panache à vrai dire.
CHAMPAGNE DIAN DIALLO
10 000 bouteilles exportées en Afrique !
Le guinéen Mamadou Dian Diallo a aussi lancé son champagne ! Fin connaisseur, puisqu’il a travaillé pour la société Moët Hennessy, et installé dans le Champagne, il est aussi sensible au fait que les Africains, contrairement aux Français, apprécient les vins doux, fruités et préfèrent le demi-sec au brut. Arrivé à 19 ans en France, c’est en 2017 qu’il décide de lancer un champagne spécifique à la marque Dian Diallo en association avec Rémi Jacques, installé à Baye depuis 1932. Il produit ainsi un tradition, un rosé et un blanc de blanc. Il exporte déjà 10 000 bouteilles vers des pays africains. Une belle aventure qui ne fait que commencer !
EPC, LA START-UP D’EDOUARD ROY
Il raconte l’histoire des petits producteurs
EPC, voici le nom de la start-up de ce jeune homme, fils et petit-fils de vigneron dont le concept a pour objectif de s’adresser aux 25-35 ans, via le digital, avec une offre originale : un prix unique pour toutes les bouteilles proposées. Une idée qui séduit, tant BPI France que le fonds Kima Ventures, sans oublier quelques business angels : 1,5 million d’euros ont en effet été levés pour la développer. Le jeune créateur positionne EPC à l’opposé des grandes marques qui proposent des produits d’une grande régularité via des assemblages complexes. Son offre s’articule sur deux plans : des champagnes élaborés sur un cépage, une année et un territoire uniques, à la traçabilité parfaite, et une gamme éphémère qui, sur une année, raconte l’histoire de certains petits producteurs, sur du « frais, fruité, léger ». Pas de vocabulaire compliqué pour ne pas faire peur aux jeunes clients. Enfin, dernier volet du projet, un incubateur a été créé qui accueille déjà un producteur pour lancer sa propre marque avec l’assistance du jeune entrepreneur.
CHAMPAGNE TERROIR
En direct des vignerons indépendants
Emilien Marchal, le vigneron, Pierre Guégo, l’informaticien, et Sébastien Boher, le spécialiste marketing se sont associés pour créer ce site de e-commerce d’un genre nouveau. Le site présente l’idée de façon très claire : « Achetez votre Champagne en direct aux Vignerons ». L’idée de départ a germé il y a cinq ans entre ces trois amis passionnés aux compétences complémentaires qui souhaitaient mettre les petits producteurs en avant. Le concept ? Offrir une vitrine aux vignerons de champagne qui ne disposent pas ou peu de surface médiatique contrairement aux grandes maisons. Ils savent pourtant eux aussi produire de grands champagnes. La sélection porte sur des champagnes de vignerons reconnus par les grands guides œnologiques ou primés lors de concours.
L’AVENTURE « MEONHILL » DE DIDIER PIERSON
Son effervescent traverse la Manche
Les petits vont parfois plus vite que les plus gros. Cette agilité, Didier Pierson en a fait preuve il y a quelques années, devançant les grandes maisons. Ce vigneron d’Avize travaille en Champagne avec les 3 frères Frèrejean-Taittinger avec qui il s’est associé. Cette affaire a bien grandi, avec société de négoce, de distribution et six belles cuvées dédiées aux belles tables. Prisées également du guide Michelin qui en a fait son champagne officiel, elles sont essentiellement vendues à l’export. Mais Didier Pierson est surtout connu pour avoir décidé de traverser la Manche bien avant Taittinger et Vranken-Pommery. Il a étudié les sols avant de s’installer là-bas en vue des modifications du climat dès 2005. Il plante 5 hectares de pâturages du Hampshire en s’associant avec Ian Kellett, industriel de l’agroalimentaire, et propriétaire du domaine d’Hambledon. Il a sorti ses premières 5 000 bouteilles de vin effervescent sous la marque « Meonhill » et dépasse déjà largement les 30 000 aujourd’hui. Son associé en produit 120 000. Tout est planté en pinot noir et chardonnay pour être vendu sur place.
L’initiative de France Valley Champagne
Ce fonds a été lancé le 11 avril 2019 avec l’objectif d’investir 10 millions d’euros par an dans les vignes pour les louer à l’exploitant déjà en place avec un bail de 25 ans. Pourquoi ? Parce qu’en Champagne, une majorité d’exploitants est locataire de ses vignes, et en cas de vente des terres par le propriétaire, le rachat est rarement possible vu les prix. Avec France Valley, en cas de mise en vente, le vigneron locataire, coopérateur ou pas, peut en informer le Syndicat Général des Vignerons, la Fédération, ou la Safer. Le fonds pourra ainsi intervenir pour se porter acquéreur de la parcelle et signer le bail, avec un métayage nature au tiers pour le fonds (la part se vend à 1000 euros). Une condition cependant : les vignerons doivent être certifiés ou en cours de certification Haute Valeur Environnementale. La région est clairement en recherche de solutions permanentes pour aller de l’avant avec un produit d’excellence, partie intégrante du patrimoine français.
A.F.