Avec près de 3 milliards d’euros levés l’an dernier, la French Tech a confirmé son essor. En 2018, les start-up tricolores semblent reparties sur les mêmes bases. Nouveau record en vue ?
Les start-up françaises n’ont jamais autant levé de fonds qu’en 2017. Ces performances exceptionnelles donnent le vertige : avec 2,7 milliards d’euros levés, selon les chiffres de SNCF Développement, 3,2, selon CB Insights, l’écosystème French Tech se positionne comme l’un des plus dynamiques au monde. Entre 621 (SNCF Développement) et 743 (CB Insights) opérations ont eu lieu l’an dernier, ce qui représente un montant moyen compris entre 4,2 et 4,3 M€ par opération.
En 2016, un an plus tôt, les jeunes pousses françaises avaient levé plus de deux fois moins (1,3 Md€). On ne compte plus désormais les pépites françaises ayant effectué des tours de table à plus de 20 M€. C’est même devenu monnaie courante. En 2017, 25 opérations ont dépassé cette limite, contre 15 en 2016.
Parmi les plus importantes figurent Eren Renewable Energy (337,5 M€), qui vient d’accueillir Total à son capital, Actility (70 M€), Ivalua (70 M€), ManoMano (60 M€), Younited Credit (40 M€), Dataiku (28 M€). Un bémol toutefois : les tours de table supérieurs à 100 M€ furent moins nombreux en 2017 qu’en 2016 (Devialet, Deezer et Sigfox). En 2017, les investissements se sont en fait mieux ventilés avec sept tours de table supérieurs à 50 M€ (430 M€ au total).
Le même rythme en 2018 ?
Il semble que l’écosystème français soit reparti sur la même dynamique en 2018 : le premier mois de l’année a en effet été agité pour la French Tech. Pour l’heure, c’est Ledger (45 M€ de CA en 2017) qui a frappé les esprits. Mi-janvier, le spécialiste des solutions de sécurisation des cryptomonnaies officialisait l’un des plus gros investissements réalisés en série B dans le secteur de la blockchain et des cryptomonnaies.
Ce tour de table, estimé à 61 M€, situe Ledger au niveau de Doctolib, qui avait levé le même montant l’an dernier. La pépite française veut se positionner comme l’une des références en matière de sécurité sur le marché des portefeuilles bitcoin. Avec cet argent, Ledger compte se développer encore davantage à l’international. Elle possède déjà des bureaux à San Francisco, Paris et Vierzon.
En janvier, c’est bien évidemment ContentSquare et sa levée à 34 M€ qui a marqué les esprits (voir encadré). Le spécialiste de l’analyse de l’expérience utilisateur est régulièrement cité comme étant l’une des potentielles futures licornes françaises. Derrière, on retrouve Aledia (30 M€), Heetch (20 M€), HalioDx (18 M€), Gojob (17 M€), Owkin (11 M€) ou encore SpeachMe (10 M€). Et pourtant, jusqu’à présent, la seconde plus grosse levée derrière Ledger revient à Front.
Installée dans la Silicon Valley, la start-up tricolore a levé 53,7 M€ auprès du prestigieux fonds Sequoia Capital. En février, deux tours de table ont attiré les regards : celui du spécialiste du reconditionnement de smartphones Recommerce (50 M€) et celui de Cytiscoot (40 M€).
Un écosystème qui a fini par se structurer
Comment expliquer un tel accroissement des montants levés depuis quelques années ? On pense d’abord à la maturité de l’écosystème français. On peut fixer arbitrairement la date de son lancement en 2010. C’est à partir de ce point de départ que ce qu’on appellera trois ans plus tard la French Tech – l’initiative est officiellement lancée en 2013 par Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée de l’innovation et de l’économie numérique de l’époque – se structure et prend son essor.
Sept ans plus tard, l’écosystème est mature. Les structures de financement publiques, comme Bpifrance, et les fonds privés, qui ont levé 3,3 milliards d’euros en 2017, investissent depuis une dizaine d’années de façon massive dans l’innovation. Ce cycle qui dure depuis près d’une décennie a donc permis aux acteurs de se familiariser avec l’écosystème et d’affiner leur approche. La durée de vie d’un fonds s’étalant entre 5 et 7 ans, il n’est pas étonnant que la French Tech ait vraiment explosé au tournant des années 2016-2017, soit 6-7 après la structuration d’un environnement favorable à l’innovation.
Globalement, la plupart des acteurs le reconnaissent : les efforts des politiques publiques sur l’innovation ont fini par payer. Malgré l’incertitude quant à la pérennité de cet investissement, fortement dépendant des décisions politiques, l’action publique a permis à bon nombre de start-up de se développer à moindre frais. A côté de cela, la bonne santé des fonds de capital-risque français, qui ont levé plus d’argent que leurs homologues britanniques en 2017 – une première -, permet aux start-up hexagonales de disposer d’argent à profusion.
Reste que malgré ces levées de fonds massives, la France ne compte toujours que trois licornes (BlaBlaCar, Criteo, Vente-privée.com), contre sept pour la Suède et l’Allemagne. Sans parler des géants que sont les Etats-Unis (100), la Chine (37) ou le Royaume-Uni (22). Parmi les potentielles futures licornes tricolores, on retrouve Sigfox, Actility, VestiaireCollective ou encore Devialet. Mais le chemin est encore long.