Mi-octobre, le bateau français Anemos était de retour dans le port du Havre. À bord du plus grand cargo à voiles du monde (80 mètres de long), plusieurs tonnes de café colombien. Une partie de cette cargaison a achevé son périple à Bièvre, en Belgique, le fief de la PME bruxelloise Javry, où il a été torréfié et mis en sachet. Javry remettra le couvert en 2025 : quatre autres arrivages sont prévus, ce qui fera grimper sa quantité de café importé à la voile à 25 %, contre 5 à 10 % actuellement.
Javry n’en est pas à son coup d’essai. En 2019, la PME dirigée par Maxence Lacroix avait déjà importé du café, mais cette fois-ci à bord d’une goélette datant du 19ᵉ siècle. Un projet imaginé par deux entreprises françaises : l’une bordelaise, Belco, spécialisée dans l’importation et le sourcing de café, et l’autre havraise, la compagnie de fret à la voile Towt.
Un prix final plus élevé
Depuis 2019, la donne a changé avec l’émergence des voiliers-cargos. « Le voilier-cargo produit 90 % moins de CO₂ qu’un porte-conteneurs conventionnel et permet d’emporter de plus grandes quantités », souligne Maxence Lacroix. Il n’en demeure pas moins qu’acheminer du café en voilier-cargo n’est pas anodin. Le principal écueil tient au coût du transport. Si la facture a été divisée par cinq en cinq ans, l’écart reste significatif : il faut compter cinquante centimes par kilo de café avec un porte-conteneurs contre un euro pour un trajet identique à la voile.
Pour compenser le prix final plus élevé, Javry mise sur une chaîne de production limitant le nombre d’intermédiaires au strict minimum. Entre le caféiculteur en Colombie et l’entreprise belge, il n’y a que deux acteurs : l’importateur (Belco) et l’armateur (Towt).
En 2024, Javry, propriété du groupe belge Fountain, réalisera 3 millions d’euros de chiffre d’affaires, essentiellement en Belgique (75 % du chiffre d’affaires) et en France (20 %). La PME, qui compte Rothschild, Nuxe, Too Good To Go et Saint-Laurent parmi ses clients, génère des revenus via la commercialisation de café, mais aussi en vendant ou en louant des machines à café.
L’anti-Starbucks
En 2015, lorsque Maxence Lacroix a racheté le fonds de commerce, après une première expérience entrepreneuriale dans la réparation de smartphones, Javry n’enregistrait que 1 000 euros de revenus mensuels. À l’époque, il venait tout juste d’achever son école de commerce et envisageait de faire carrière dans le consulting pour « bien gagner sa vie ». Il est finalement devenu le président d’une entreprise qui a placé « l’éthique et l’éco-responsabilité » au cœur de son modèle économique.
Javry est une sorte d’anti-Starbucks ou d’anti-Nespresso. Maxence Lacroix, qui assure ne « pas aimer critiquer les autres entreprises », reconnaît qu’entre les deux multinationales du café et Javry, « les modèles et les idéologies sont très différents ». « On fait attention à la provenance de nos cafés, à la manière dont ils sont transformés. On cherche à réduire notre impact environnemental, tout en respectant les caféiculteurs qui produisent le café de manière artisanale. » Car la décarbonation du café se joue aussi directement dans les plantations, bien avant que les voiliers-cargos n’embarquent le café.