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Des pétroliers aux méga-yachts : comment les chantiers de La Ciotat se sont transformés


Historiquement réservé à la construction de porte-conteneurs, pétroliers et méthaniers, les chantiers navals ont évolué pour devenir l’un des principaux hubs mondiaux en matière de rénovation et réparation des méga-yachts de milliardaires.

Entreprendre - Des pétroliers aux méga-yachts : comment les chantiers de La Ciotat se sont transformés

Historiquement réservé à la construction de porte-conteneurs, pétroliers et méthaniers, les chantiers navals ont évolué pour devenir l’un des principaux hubs mondiaux en matière de rénovation et réparation des méga-yachts de milliardaires.

Début octobre 2017, une cathédrale des mers a fait son entrée dans le port de La Ciotat. Son nom : le Pelorus. Tout à tour propriété d’un cheikh saoudien, de Roman Abramovitch, du cofondateur des studios Dreamworks SKG avant de finir dans les mains du tycoon chinois Samuel Tak Lee, le gigantesque yacht de 115 mètres a fait escale dans le port méditerranéen pour subir une révision et quelques aménagements.

Situé à la 11ème place du classement des plus grands yachts de la planète, le Pelorus n’a pas choisi La Ciotat par hasard. En quelques années, le chantier est devenu le lieu de ralliement des milliardaires de la planète qui y stationnement leurs palaces flottants. Le yacht d’Eric Schmidt, l’ancien président de Google, passent plusieurs mois par an dans le port de La Ciotat.

120 M€ de CA en 2017

 

Comment ce basculement a-t-il été rendu possible ? Installés depuis 1622, les chantiers sont rapidement devenus le poumon économique de la ville. Mais au milieu des années 80, acculés par la concurrence asiatique, ils voient leurs résultats s’effondrer. Le consortium qui gère le site finira par réorienter l’activité du port vers la haute plaisance.

Le dernier bateau, le Monterrey, est sorti des chantiers en décembre 1987, laissant sur le carreau des centaines de techniciens et ingénieurs. C’est à cette époque que sont apparus les célèbres « 105 » de La Ciotat. Ces 105 salariés, sur les 3500 exerçant à l’époque sur le chantier, s’opposèrent au démantèlement du site et à sa transformation en marina.

Durant 7 ans, ils ont occupé les chantiers jour et nuit pour réclamer la relance d’une activité industrielle. Avec l’aide des pouvoirs publics locaux et d’un entrepreneur, Michel Ducros, président de Monaco Marine, qui a investi des millions dans le site, ils sont parvenus à redonner vie à un fleuron de l’industrie française. Trente ans plus tard, La Ciotat a retrouvé son prestige grâce à une approche différenciante : les yachts de luxe de plus de 50 m dont la valeur moyenne avoisinent les 100 M€ pièce.

Les pétroliers, méthaniers et porte-conteneurs ont laissé place aux villas flottantes des milliardaires. Et le virage porte ses fruits : le chiffre d’affaires global est passé à 120 M€ en 2017. Près de 100 yachts de plus de 50 mètres ont mouillé à La Ciotat l’année dernière. Notamment en raison de la mise en service d’outils performants, comme cette plateforme adaptée aux méga-yachts.

Ce dispositif, qui permet de sortir de l’eau en quelques heures seulement des bateaux de 80 mètres pesant jusqu’à 2000 tonnes, est l’un des symboles de la renaissance des chantiers de La Ciotat. Avec cette plateforme hors normes surpassant de nombreux hubs mondiaux, le port de La Ciotat est devenu l’un des leaders européens sur son marché, celui de l’entretien des plus grands yachts du monde.

« Ici, on ne construit plus ou presque, on fait surtout de l’entretien ou du « refit », ces travaux de carénage et de relooking nécessaires quand un yacht est rénové », détaille Jean-Yves Saussol, directeur général de La Ciotat Shipyards, la structure publique qui gère le chantier. Sachant qu’un propriétaire réinvestit en moyenne chaque année 10% du prix d’achat en opérations de maintenance, la filière dispose d’une belle visibilité.

Bientôt un ascenseur pouvant supporter les yachts de plus de 100 mètres

« Je suis fier, confie au Monde Pierre Tidda, patron des « 105 » et ancien délégué syndical CGT du site. Après tant d’années, nous avons réussi avec les pouvoirs publics à réindustrialiser ce lieu. L’activité ne cesse de croître et les friches reculent. »

Pierre Tidda joue aujourd’hui le rôle de conseiller auprès de Jean-Yves Saussol. La Ciotat Shipyards s’apprête à investir 100 M€ d’ici 2023 pour accroître l’avance du chantier sur le marché du « refit » et de la réparation. La construction prochaine d’un ascenseur destiné aux navires de 4000 tonnes pouvant accueillir les bateaux de plus de 100 mètres devrait décupler les opportunités.

A terme, La Ciotat vise la place de numéro un mondial en matière de maintenance et de réparation des méga-yachts. Le site capte actuellement 10% du marché, soit autant que Barcelone, son principal concurrent. Sur place, plusieurs dizaines de TPE et PME s’activent dans l’ombre pour faire fonctionner le chantier, faisant travailler 700 personnes, bien loin toutefois des 3500 salariés enregistrés en 1987.

La Ciotat a profité de son attrait pour attirer plusieurs opérateurs en plus de Monaco Marine : Compositeworks, qui a récemment été racheté par le chantier barcelonais MB92, l’Allemand Lürssen, leader mondial des chantiers de méga-yachts, ou encore le Français Nautech. Dans un marché mondial en pleine expansion (5 500 unités, +5% par an), en raison notamment de l’accroissement du nombre de milliardaires, la bataille que se livrent les principaux sites est féroce et ne fait que commencer.

Le chiffre

Parmi les yachts de plus de 50 mètres,

1 sur 7

fait escale dans les chantiers de La Ciotat.

Yachtelec, une PME française au cœur du chantier

Fondée il y a 10 ans par Rémi Collace, petit-fils d’un ancien ouvrier des chantiers, l’entreprise fait partie de la trentaine de TPE et PME présentes sur les chantiers. Yachtelec incarne à elle seule la reconversion spectaculaire du site de La Ciotat, qui s’est transformé en une plateforme de « refit » et de réparation des méga-yachts. « Mon père gérait les pièces pour des pétroliers ou des tankers, nous, c’est les éclairages et la domotique des super-yachts », précise le président de Yachtelec. Filiale d’ENI (Électricité Navale Industrielle), l’entreprise basée à La Ciotat est spécialisée en électricité, électromécanique et déssalinisateurs pour la grande plaisance. La PME ciotadenne emploie 14 personnes et serait intervenue sur près de 260 yachts depuis sa création.

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