Quelles sont les réformes prioritaires de l’État que vous préconisez ?
Charles Gave : Deux priorités existent. La première est que l’État retrouve une marge de manœuvre dans ses fonctions régaliennes, justice, police, défense, diplomatie, des domaines qui souffrent de l’abandon de souveraineté à l’Europe. Nous ne sommes plus maîtres sur notre territoire. Il est indispensable de reprendre une totale indépendance vis-à-vis de l’Europe.
Dans notre pays des Droits de l’homme et du citoyen, nous avons inversé l’ordre juridique essentiel, qui part de la constitution. Il y a ensuite une déclinaison sur différents niveaux, lois, décrets jusqu’aux arrêtés municipaux, mais rien ne peut être supérieur à la constitution. Il est inacceptable que les lois européennes lui soient supérieures, d’autant que le peuple français n’a pas entériné ce choix. La seconde priorité vient du fait que l’État n’a rien à faire dans un tas de secteurs.
Il faut le faire maigrir dans ces domaines, une tâche très difficile, qui nécessiterait un audit pour savoir où nous en sommes. Charles Prats annonce par exemple, plus de 50 milliards de fraudes sociales.
La vraie question est où passe l’argent alors que la police, l’hôpital, l’école ne fonctionnent pas correctement. Une fois ces informations rassemblées, je saurais où « couper et qui mettre en prison », car cet argent de la fraude n’est pas perdu pour tous.
Je supprimerai également tous ces conseils et comités inutiles où l’on trouve des tas de personnes qui exercent de faux métiers, entre copains. Balayons tout cela. Ensuite, pour redynamiser l’économie, il conviendrait de revenir aux justes prix de marché, déterminés par le taux d’intérêt qui mesure le risque implicite dans le temps et par le taux de change, ce qui nécessite de sortir de l’euro. Je ne veux pas de l’Europe de Mme Van der Leyen.
Pourquoi pointer l’État providence comme nocif ?
Charles Gave : En dépit de l’État providence, les populations les plus faibles tels que les gilets jaunes ne semblent pas satisfaites de leur sort ! Un homme comme Viktor Orban a pour principe de base que, pour être heureux, les paiements reçus par la population doivent correspondre à un travail et non à des subventions, qui déshonorent ceux qui les donnent et ceux qui les reçoivent. Dans mon entreprise, un salarié payé 2100 euros bruts coûte le double dans les comptes, ce salarié me coûte 45 000 euros par an et lui n’en touche que 15 000 nets, une fois payés ses impôts, la TVA, etc.
D’ailleurs, l’EBE (excédent brut d’exploitation) des entreprises françaises est de 50% inférieur à celui d’entreprises similaires en Allemagne, Suisse, ou Grande-Bretagne. Ainsi, ce qui s’est passé à Sochaux n’est pas la faute de Peugeot, c’est la situation qui est intenable. La faute en revient à 100% au gouvernement qui frappe les profits. Savez-vous qu’en 1969, le poids de l’État dans le PIB représentait 30% en France comme en Suisse.
Aujourd’hui, il est toujours de 30% en Suisse et de 60% chez nous par dépenses improductives, sans création de richesse. L’État n’est pas un producteur, il est un prescripteur. Il faut en revenir à la parabole biblique des talents. Les transferts effectués en dépenses sociales entraînent une dette grandissante, il s’agit d’impôt différé. Il sera impossible de rembourser, donc plus possible d’emprunter, le niveau de vie va s’écrouler de façon épouvantable, inévitable. On ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens. Le reste du monde n’a pas à supporter cela.
Quels sont les hommes politiques qui vous inspirent encore ?
Charles Gave : Il y en a deux. Le premier est M. Jean Lassalle, il représente vraiment la France profonde et paysanne, on sent qu’il respire la bienveillance et l’amour de son pays. Il ferait un roi de France ou un président parfait, j’aimerais l’imaginer au G7 avec son accent gascon.
Le second est David Lisnard, un homme de terrain, fils de petits commerçants, qui parle très bien de l’hôpital qui fonctionnait très bien dans le passé et emploie aujourd’hui plus d’administratif que de soignants. David Lisnard est un vrai représentant de la subsidiarité, la base doit décider.
En Suède, en réponse à un référendum, le gouvernement a créé un chèque éducation en 1992, fixé par les municipalités, pour tous les enfants, sans tenir compte du revenu des parents. Le choix de l’école est depuis lors libre, public ou privé, la concurrence a été réintroduite, les bonnes écoles se développent, les mauvaises ferment.
Que pensez-vous de l’évolution de la valeur travail chez les populations ?
Charles Gave : Le revenu universel est une imbécilité foudroyante, qui repose sur l’idée que le travail est une malédiction. Richelieu disait que l’Homme était un « Mulet qui se gâtait au repos ». Il existe deux notions bien différentes, le travail imposé et le travail passion. Il convient d’automatiser au maximum le premier et de libérer le second. La demande de sens est essentielle.
Se rendre à son travail en traînant les pieds est impossible, or plus il y a de travail administratif, plus les gens s’ennuient. Il n’y a de bonheur que dans la liberté.
Comment la France seule peut rester dans le jeu des grandes puissances face à la Chine, l’Inde ou les USA ?
Charles Gave : J’aime l’Europe de la diversité, l’Europe des Nations du général de Gaulle. L’Europe n’est pas une nation, elle détruit progressivement les nations, or, je suis un Français de civilisation européenne, je ne suis pas Européen de nationalité. Chez nous aussi, on a oublié le principe de subsidiarité, tout ce qui peut se faire en France doit se faire en France, dans la ville, la région, le département, à chacun son pré carré. L’extérieur n’a pas à imposer son point de vue.
Le principe fondateur de l’Europe est sa volonté de créer une administration centralisée. Je suis violemment contre cette Europe non démocratique. Mais, je ne suis pas violemment nationaliste. Je pense que la technocratie est dangereuse, elle peut se terminer dans des camps de concentration.
Comme cofondateur de Gavekal Research, société de gestion de portefeuille qui analyse les marchés, quelle est votre analyse du présent ?
Charles Gave : Il y a des endroits où il ne faut pas être, comme les obligations de l’État français, il vaut mieux avoir du Air Liquide, un groupe présent dans de nombreux pays dans le monde, que des obligations. Quant au système social-démocrate, il saute progressivement comme le système communiste par le passé. La France est dans une situation très difficile, le souverain est le peuple. Pour en sortir, revenons au référendum, aller vers un système « à la Suisse », de démocratie directe.
Propos recueillis par Anne Florin
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