Qu’on me pardonne d’emprunter à Nietzsche ce titre « d’un livre pour esprits libres », dont je me sers pour mon propos d’aujourd’hui. Il m’a semblé pertinent de l’employer pour l’étayer, même si le fond de l’ouvrage en est bien éloigné.
Praticien de la direction d’entreprise depuis un nombre respectable de décades, j’ai pu mesurer, sur une longue période, l’évolution des attitudes et des comportements, dans l’exercice du leadership et du management.
Les chefs d’entreprise d’hier étaient sur des piédestaux, séparés de ceux qu’ils dirigeaient, comme de l’humanité, au-delà des limites de leurs bureaux.
Ils restaient strictement dans leur rôle et projetaient autour d’eux la compétence, la confiance et l’imperméabilité aux influences externes.
Ils constituaient un modèle de conduite prévisible et fiable, avec des règles d’engagement bien définies, qui exigeaient, avant tout, que toute vulnérabilité soit évitée ainsi qu’une acceptation complète et inconditionnelle des règles régissant leur périmètre.
Tout était clairement agencé – noir ou blanc. La sérénité régnait. L’environnement était sûr. On bâtissait des plans à 5 ans, qui se réalisaient.
Mais, pour les nouveaux entrants, la vie d’entreprise était sans véritable intérêt. Les instructions tombaient. On les exécutait du mieux qu’on pouvait. La convivialité était absente. Le sérieux s’y substituait. Bref, l’humain ne faisait pas partie de l’ADN des organisations.
Heureusement, les choses ont bien changé et le leadership moderne s’affirme différemment. Le dirigeant d’aujourd’hui doit prêter une attention particulière à « l’humain », devenu le nouveau paradigme de la qualité de son leadership.
Pour réussir, un leader doit établir un lien personnel avec chacun de ceux qu’il dirige.
Dans la pratique, il doit avoir le sentiment de regarder au fond des yeux de chacun de ses employés, qu’ils soient 10 ou 1000. Et ceux-ci doivent, eux-mêmes, se sentir autorisés à le regarder droit dans les yeux, pour y voir un leader qui les comprend et les respecte, eux et le travail qu’ils accomplissent, qui saisit aussi que leur travail a un sens, un sens qui va au-delà des portes de l’entreprise, avec un effet positif sur leur vie, sur ce qui fait la différence entre succès et échec.
Quelqu’un qui devine qu’il compte, pour l’entreprise et pour son patron.
Quelqu’un qui ne le considère pas comme un inférieur.
Alors, pensez-y quand vous communiquez.
Téléphone, conférence téléphonique, mail, sms ?
Probablement pas. L’humanité s’exprime mieux oralement, dans un contact physique de proximité. Les chefs d’état l’ont parfaitement assimilé, eux qui adorent les bains de foule. Le meilleur moyen d’être compris est d’accompagner la parole de la présence physique et de l’attention.
C’est en se montrant plus humain qu’on suscite la confiance, qu’on obtient le dévouement nécessaire à l’obtention des résultats. C’est en écoutant les rêves et les peurs de chacun qu’on arrive à discerner ce qui est le plus important pour les gens, ce qu’ils pensent et ressentent, dans leur quotidien car, tout comme les leaders, ils souhaitent avoir, eux-aussi, une vraie raison de sortir du lit le matin.
C’est ainsi que se crée une culture de la responsabilité, une culture qui peut produire des résultats exceptionnels pour l’entreprise et la collectivité de ses salariés, une culture de la bienveillance, pas de l’indulgence, une culture qui n’exclut pas une certaine dureté, tant que l’équité règne.
Alain Goetzmann, Coach et Conseil en Leadership & Management