S’appuyer sur un système de contrôle parfait pour diriger une entreprise donne un faux sentiment de maîtrise des événements et conduit à se fourvoyer, à confondre le tableau de bord avec la route. Essayez-donc, en conduisant, de concentrer votre attention sur le seul tableau de bord, en oubliant la route.
Les chances d’en sortir sont alors grandes et l’accident arrivera, sans coup férir. Pour bien conduire une voiture, on regarde attentivement la route et on jette de temps en temps un coup d’œil au tableau de bord, pas l’inverse.
« Des chiffres seuls, on n’apprend pas grand-chose », affirmait Gérard Mulliez, le fondateur d’Auchan, qui leur préférait les visites sur le terrain. Dans une entreprise, ils ne sont que la traduction chiffrée, au prévisionnel, d’une vision, d’une réflexion et d’une stratégie, au passé, de la constatation de la dure réalité et des probabilités d’atterrissage futur, une fois les écarts mesurés et comparés aux prévisionnels. C’est ce constat qui nous permet d’ajuster notre action et de recourir à des tactiques gagnantes. Voilà pourquoi les chiffres bruts ne sont que des indicateurs qui nous renvoient à une réflexion comparative entre les raisons qui ont présidé à l’élaboration d’un prévisionnel et celles qui ont conduit à une situation en distorsion avec lui.
Qui a le contrôle du marché ? Qui a le contrôle des tendances sociales ? Qui est à l’abri des erreurs de pilotage ? Qui sait mesurer les errements de l’environnement politique et économique ?
Il est illusoire de penser que les chiffres sont l’alpha et l’oméga d’une bonne gestion. Ils n’en sont que la traduction. La bonne gestion, bien au contraire, repose sur l’observation, la compréhension et les conclusions à en tirer, d’une part, sur le leadership, d’autre part, qui va permettre de lancer des mesures correctives de l’action et d’entraîner les équipes à y adhérer.
L’avenir est toujours incertain et ambigu. Aucun chiffre, aucun algorithme ne peut le percer. Sinon, les ordinateurs pourraient gouverner le monde. Un contrôle de gestion de qualité saura extraire tous les chiffres considérés comme significatifs et pertinents, en rapport avec le métier exercé. Il saura aussi faire toutes les simulations permettant d’explorer l’avenir et, à l’image du jeu d’échecs, évaluer les conséquences les plus éloignées de chacune des mesures envisagées. Les chiffres sont une aide à la compréhension et à la décision, mais rien de plus. Le tableau de bord, qu’on ne consulte que de temps en temp, ne remplacera jamais la connaissance des facteurs endogènes et exogènes qui président à la réalisation des projets, ni le leadership qui fait avancer des organisations, dans l’ordre, vers l’objectif commun. Aussi, quand vous parlerez chiffres, soyez attentifs. Ce sont des signaux, rien de plus. Les réponses aux messages qu’ils vous envoient résident dans votre compétence et votre leadership.
Alain Goetzmann, Coach et Conseil en Leadership & Management