Christian Saint-Etienne est docteur d’État en Sciences économiques et titulaire de deux Masters en économie. Professeur titulaire de la Chaire d’économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), il a successivement travaillé au Fonds Monétaire International (FMI) et à l’OCDE. Dans l’entretien sans concession qu’il nous accordé, le penseur libéral, auteur de l’ouvrage Relever la France – Etat d’urgence (Odile Jacob, 2016), dresse un tableau sombre de l’économie française et porte un regard cru sur la classe politique.
En quoi et comment « l’iconomie » transforme-t-elle notre société ? Quelles transformations majeures subissent les systèmes économiques et politiques mondiaux ?
La situation du monde est aujourd’hui marquée par deux phénomènes majeurs qui dominent sa transformation depuis une vingtaine d’années. La 3ème révolution industrielle qui a démarré au début des années 80 a connu une forte accélération depuis les années 90. Cette mutation nous conduit vers le nouveau régime que l’on nomme « iconomie », un monde dans lequel tous les processus essentiels sont normés et informatisés.
On peut d’ailleurs considérer que « l’iconomie » représente déjà 40% du PIB, sachant que l’économie du numérique représente entre 5 et 7 % du PIB et que ce que l’on appelle la French Tech est estimée à environ 30 000 emplois, soit 1 emploi sur 1000. Le phénomène majeur n’est donc pas seulement l’émergence du numérique mais beaucoup plus fondamentalement la mutation de l’économie, soit l’informatisation de tous les systèmes de production et de distribution.
La seconde mutation majeure à l’œuvre depuis un quart de siècle est la métropolisation de la croissance. La croissance se concentre aujourd’hui dans les villes les mieux connectées dans lesquelles on trouve les systèmes de recherche et de financement les plus efficaces.
Cette mutation est en train de s’accélérer à travers le monde. Ce n’est pas la Chine qui croît mais les grandes villes chinoises et ce processus s’applique au monde entier. En Europe, ce sont les grandes villes anglaises qui tirent la croissance du Royaume Uni et les grandes villes allemandes celle de l’Allemagne.
En France, la loi de 2010 concernant la réforme des collectivités territoriales a participé à la création d’un système de métropoles et de pôles métropolitains qui, malheureusement, n’est traité que comme un énième niveau d’administration locale. C’est le cas de la fausse métropole de Paris, considérée comme un simple niveau administratif.
Dans une étude réalisée l’année dernière par l’OCDE, le 21ème siècle est décrit comme le siècle de la métropolisation. Par métropole, on entend les grandes villes dans lesquelles une gouvernance institutionnelle de haute qualité gère simultanément les problèmes de transport, de développement économique et de logement.
À titre d’exemple, la métropole de Paris, qui n’a quasiment pas de budget, se superpose à la région (aspects économiques), au Stif (transports) et au mille et quelques communes (logement). Contrairement au Grand Londres, il n’existe aucune intégration systémique, d’où l’absence d’un effet de croissance de la métropolisation. La France devra passer d’une vision institutionnelle de la métropolisation à une vision stratégique, transition qu’elle n’a pas encore été capable de faire.
“Nous entrons dans un monde qui n’est ni post industriel ni post travail, il est hyper industriel au sens de la 3ème révolution industrielle”
Quelles sont les priorités du redressement ?
Il faudrait concevoir et mettre en œuvre pour chacune des métropoles un projet stratégique de développement mais cela suppose de comprendre préalablement ce qu’est la métropolisation, de mettre en place des systèmes de transports intégrés et de densifier le logement pour aller vers la croissance durable. Il faut penser toute une mutation des systèmes institutionnels et de l’organisation des territoires.
Sur le plan global, ces mutations s’accompagnent de phénomènes intrinsèquement liés et notamment de la 3ème révolution industrielle qui se veut très entrepreneuriale, alors que la seconde révolution industrielle de l’électricité avait favorisé les grandes organisations.
Au moment où la 3ème révolution industrielle s’accélérait et ou la métropolisation de la croissance se mettait en place dans les années 90, les Français se sont convaincus qu’ils rentraient dans un monde post industriel et post travail. Cette croyance a fusillé le système économique français depuis 20 ans.
Les 35 heures ont été mises en place afin d’anticiper l’entrée dans un monde post industriel, mais ce fut une erreur de diagnostic majeure dont on ne s’est jamais remis. Depuis 20 ans, la droite et la gauche continuent de gouverner comme si nous étions dans un monde post industriel et post travail, le numérique venant légèrement pimenter la sauce sans pour autant que la mutation liée à cette 3ème révolution industrielle soit comprise.
Nous entrons dans un monde qui n’est ni post industriel ni post travail, il est hyper industriel au sens de la 3ème révolution industrielle. Aujourd’hui, sont considérées comme industrielles toutes les activités constituées de processus normés et informatisés.
Cette économie est par ailleurs hyper capitalistique et hyper entrepreneuriale. La mutation du monde est en cours, comparable à une grande vague. Mais en France, nous nous attardons à disserter indéfiniment sur la vague, en se demandant si elle a le droit d’exister, de se former et d’atteindre 10 m.
On ergote de la sorte sur la 3ème révolution industrielle et sur la métropolisation. Le débat n’est pas là : la question est de savoir si nous sommes capables ou non de surfer sur la vague. Nous pouvons ensuite nous interroger sur la manière d’améliorer la répartition des richesses et ainsi de suite, mais si nous ne surfons pas, nous sommes d’emblée condamnés à être engloutis.
Comment aborder la réforme ? Comment enclencher et faire accepter une vaste politique de réformes ?
Pour aborder la réforme d’un pays comme la France, il convient de faire initialement un diagnostic des mutations en cours sur le plan mondial, mais il faut également comprendre les valeurs et les systèmes qui vont permettre de réussir cette 3ème révolution industrielle. En raison d’une politique contre le capital, incarnée par la Loi de Finance de 2013, la fiscalité du capital a très fortement augmenté.
Avec une fiscalité du capital confiscatoire, vous vous interdisez de réussir cette 3ème révolution industrielle. Or, les révolutions industrielles classent les pays. En ratant une révolution, vous chutez très fortement en termes d’influence, de développement économique et de niveau de vie relatif. Sur les 15 dernières années, nous avons perdu 7 à 8 points de pouvoir d’achat relatif par rapport à l’Allemagne.
Nous sommes très en retard sur le développement économique international. Les Allemands ont un peu mieux pris le virage même si cela n’est pas parfait. Ils conduisent actuellement l’informatisation de toute leur industrie classique, cela leur donne ainsi une base puissante pour réussir leur révolution industrielle.
Si la France refuse le fait que la 3ème révolution soit capitalistique et qu’il faille favoriser l’accumulation du capital, quitte à redistribuer par la fiscalité dans un second temps, elle ne peut avancer. L’entrepreneuriat ne peut être favorisé par une fiscalité regroupant entre autres des impôts sur les sociétés et un impôt sur la fortune confiscatoire, véritables repoussoirs pour les investisseurs. C’est ainsi que nous connaissons une croissance anémique depuis 15 ans.
Sur la période allant de 2001 à 2016, le taux de croissance de la France fut en moyenne de 1,1% par an alors que le pays a besoin d’un taux de croissance d’au moins 1.5-1.6% pour véritablement créer des emplois marchands non aidés dans la durée. Les emplois que l’on crée depuis 2 ans sont des emplois aidés : nous ne sommes pas revenus à une création massive d’emplois non aidés.
Il est essentiel de poser préalablement un diagnostic juste et de prendre conscience que si nous menons une politique anti-capitalistique, anti-entrepreneuriale et anti-industrielle, nous sommes morts. Se pose ensuite une question fondamentale : pourquoi un pays intelligent mène-t-il une politique aussi imbécile ? On ne peut pas se contenter de répondre à cette question en arguant que l’on s’est trompé, nous devons aller plus loin et tenter de comprendre s’il existe des données historiques permettant d’expliquer pourquoi la France peut se planter à ce point.
Un pays peut se tromper mais il est insupportable de persévérer pendant 25 ans dans l’erreur. Pour comprendre ces difficultés, j’ai proposé de plonger dans l’histoire de France. On observe effectivement que, dès la fin du 17ème siècle, la France a mis en place un système hyper centralisé qui ne favorise pas l’entrepreneuriat.
Nous avons surmonté ce handicap à quelques moments, mais globalement, on observe que durant les trois premières révolutions industrielles, nous avons systématiquement pris 20 à 30 ans de retard au démarrage. Lorsqu’il n’y avait que 4 ou 5 pays industrialisés, nous arrivions à peu près à les rattraper, mais avec la 3ème révolution industrielle, l’industrialisation se fait au niveau planétaire et, dans certains domaines, nous sommes donc significativement derrière les Coréens, les Chinois, les Japonais, les Américains, les Allemands et, sur certains points, derrière le Royaume Uni.
Le poids relatif de la France s’effrite très significativement : nous sommes passés de la 4ème, à la 5ème et puis à la 6ème place et nous pourrions dégringoler à la 10ème à l’horizon de 10 ans. Le recul de la place de la France dans le monde est très important et nous devons y remédier.
“La pensée française est statique, juridique, militaire et institutionnelle mais elle n’est ni dynamique ni stratégique”
La France est-elle capable de rebondir ?
Ce sujet est au cœur de mon dernier ouvrage « Relever la France – État d’urgence ». C’est la question du diagnostic : tant que l’on n’a pas de diagnostic partagé, nous ne sommes pas capables de prendre les mesures de l’ampleur nécessaire. L’intelligence française, qui peut être très brillante, est très statique historiquement, elle fut très longtemps militaire et juridique.
Sur le plan militaire, nous nous sommes pris des claques phénoménales durant le dernier millénaire : la guerre de 70 en est un exemple, sans parler de Waterloo. Le peuple français est un peuple intelligent et courageux, mais très souvent dirigé par de très mauvais stratèges qui ne comprennent pas les mutations du monde. La défaite de 40 en est l’illustration même.
Dans une économie de rattrapage, on est capable de s’organiser, mais dans des économies où il faut innover, nous avons globalement toujours un retard par rapport aux autres, particulièrement dans l’innovation de système. Prenons l’exemple de la métropolisation : elle est comprise comme une nouvelle couche institutionnelle alors qu’il s’agit d’une question d’ordre stratégique.
La pensée française est statique, juridique, militaire et institutionnelle mais elle n’est ni dynamique ni stratégique, ce qui constitue un handicap permanent. Il existe un défaut d’organisation structurel, nous ne sommes pas portés par une intelligence prospective qui pense le monde globalement, nous pensons le monde à partir de catégories culturelles.
À ce problème structurel se greffe un second, très lié au premier. Depuis la Seconde guerre mondiale, la pensée française est très fortement ancrée à gauche, soit par la redistribution plutôt que par la production. Suffisant pendant la période des 30 Glorieuses, un tel processus de rattrapage n’est plus adapté aujourd’hui.
Une révolution industrielle suppose de penser un nouveau système industriel mais la présence d’éléments centraux de pensée statique et de primat de la redistribution sur la production constituent un handicap mental colossal pour penser une économie en mutation qui requiert un effort de production considérable.
Comment relancer notre système productif ?
Je pense que deux réformes fondamentales sont nécessaires. Une réforme fiscale majeure pour redonner du mou et des libertés aux chefs d’entreprises et à tous les créateurs. La réforme fiscale de l’autonome 2012 a porté la fiscalité marginale du capital au-delà de 60%, alors que partout ailleurs, elle oscille entre 20 et 30%.
À mon sens, la mesure centrale sur le plan de la fiscalité consiste à ramener toute la fiscalité du capital en prélèvement libératoire à la source à 25% et le taux d’IS au même niveau. Il faut homogénéiser toute la fiscalité du capital sur les intérêts, les dividendes et les plus-values à 25% et mettre en place le même taux de 25% pour l’impôt sur les sociétés avec une tranche à 15% sur les 100 000 premiers euros mis en réserve pour favoriser les PME.
Cette réforme permettrait une très forte lisibilité et améliorerait particulièrement la compétitivité de notre système fiscal. Nous perdrions finalement assez peu de recettes car les entreprises seraient portées à déclarer leurs bénéfices et les investisseurs internationaux seraient incités à réinvestir en France.
Cette réforme décisive du système fiscal doit être mise en place dans la foulée des élections présidentielles, à supposer qu’il y ait une majorité pour mener cette transformation.
“La mesure centrale consiste à ramener toute la fiscalité du capital en prélèvement libératoire à la source à 25% et le taux d’IS au même niveau”
Vous prônez un assouplissement du Code du Travail. Pourquoi ? Comment redonner la souplesse nécessaire au contrat de travail ?
La réforme du marché du travail est le second élément fort. La première version de la loi El Khomri contenait des éléments de cette réforme mais elle a été expurgée dans sa seconde version. La réforme centrale est celle du contrat de travail. Il faut notamment créer un nouveau contrat de travail à droits progressifs sans éliminer le CDI actuel.
Je suis totalement opposé à la fusion des contrats de travail et à l’idée d’un contrat unique. Ce n’est pas une idée française, cela fonctionne certes dans d’autres pays mais pas en France du fait de la présence de deux parlements. La Chambre sociale de la Cour de cassation réécrit toujours le Droit du Travail.
Dans l’hypothèse d’un contrat unique, il en existerait 3000 différents au bout de 15 ans, la jurisprudence ayant créé 3000 cas particuliers. Il faut encadrer la jurisprudence par la loi, ce qui suppose de conserver les CDD et de généraliser les CDD des administrations au secteur privé. Paradoxalement, il existe dans l’administration des CDD de 18 mois, 3 ans et 5 ans.
Nous devons introduire un CDI à droits progressifs et offrir un menu complet de contrats de travail permettant de répondre à toutes les situations, seul moyen de redonner l’envie d’investir en France. Nous devons adopter une fiscalité du capital favorable et faciliter la flexibilité du marché du travail en contrepartie d’une réforme fondamentale de la formation professionnelle.
L’échec permanent de la réforme de la formation professionnelle tient au fait que l’on a laissé la formation au sein de l’Éducation nationale. Il faut faire de la formation professionnelle une filière séparée comme l’enseignement agricole et la rattacher au Ministère de l’Industrie. C’est le seul moyen de doubler le nombre d’apprentis qui stagne à 400 000 depuis 15 ans. Il faut impérativement passer à 800 000, voire 1 million d’apprentis et cela ne pourra pas se faire au sein du Ministère de l’Education nationale qui ne le souhaite pas.
Cette mutation du marché du travail et du contrat de travail doit s’accompagner du doublement des seuils sociaux, en passant notamment le seuil de 50 à 100. Il convient également de fusionner toutes les instances de façon légale et instantanée au même moment où l’on passe les seuils sociaux de 10 à 20 et de 50 à 100.
Comment penser et concevoir une réforme constitutionnelle ambitieuse ?
Nous avons perdu de la crédibilité sur le plan international avec des va-et-vient constants de la loi, l’erreur grossière des 35h, etc… Si on mène les réformes que j’évoque, alors que tout le monde pensera que 5 ans après, un nouveau gouvernement fera l’inverse : vous n’aurez pas le bénéfice des réformes. C’est pourquoi je propose une réforme constitutionnelle ambitieuse permettant de passer du principe de précaution à un principe de responsabilité et de relancer la production en permettant à chaque entreprise de créer sa fondation.
Toutes les actions apportées à cette fondation sur des contrats de 8-10-12 ans seraient sortis des patrimoines des ménages qui ont apporté les actions. Ces systèmes existent déjà en Allemagne et en Suisse. Pendant toute la durée durant laquelle les actions se trouvent dans la fondation, il n’y a ni impôt sur les sociétés ni sur les dividendes, tout s’accumule et sert à financer le développement des entreprises. Cela fait donc déjà deux éléments de changement de la Constitution.
Le 3ème élément clé est l’interdiction du déficit de la Sécurité Sociale et la mise en place d’un système de passage en revue de ses dépenses et d’ajustement des prestations en fonction des recettes tous les trois mois, comme en Suède. Le quatrième point névralgique consiste à encadrer les collectivités locales par une règle d’or selon laquelle seul l’investissement net pourrait être financé par l’emprunt.
Alors que la dépense publique s’élève à 56.5% du PIB, la dépense de l’État en représente 17% et celle de la Sécurité Sociale et des collectivités locales pas loin de 40%. Eliminer le déficit de la Sécu et encadrer très fortement le déficit des collectivités locales permettraient de regagner en marge de manœuvre et de réduire le déficit.
Parallèlement aux réformes de structures que j’évoquais, la réduction du déficit s’impose sous peine que la dette, aujourd’hui proche de 100% du PIB, ne devienne complètement ingérable avec la remontée des taux. Nous tomberions alors dans une sorte de « trappe à l’italienne ».
Comment rétablir un État puissant et introduire une forte hausse de la productivité de l’action publique ?
Contrairement à ce que de Gaulle avait imaginé, le système présidentiel, qu’il considérait comme un moyen de forcer les réformes, est devenu un point de blocage, lié notamment à la réforme imbécile de Chirac ramenant la durée du mandat de 7 ans à 5 ans et nous plaçant de ce fait en campagne présidentielle permanente.
Nous sommes dans une campagne de promesses de redistribution complètement délirantes faisant abstraction des questions de production. Il est frappant de constater que tous les candidats de la primaire de gauche ne parlent que de redistribution et qu’aucun ne parle de production. L’élection d’un de ces candidats conduirait à l’aggravation de nos difficultés.
L’alternative incarnée par Marine le Pen est pire car elle propose une hausse massive des salaires et autres mesures incongrues. Le système présidentiel est donc devenu très nocif. Des pays comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, dotés de systèmes parlementaires, ont témoigné d’une meilleure adaptabilité au cours de ces dernières années.
Comme revenir sur l’élection présidentielle au suffrage universel serait très complexe, il est essentiel de recentrer le Président sur ses fonctions régaliennes et de redonner de l’importance au Premier ministre pour qu’il soit véritablement responsable devant le Parlement.
“On assiste à une désintégration mentale de Marine le Pen. Son programme est un condensé de marxisme et de péronisme argentin”
Faut-il réduire le nombre de fonctionnaires ? Quelle réforme de la fonction publique préconisez-vous ?
Le Parlement lui-même devra être régénéré avec une réduction du nombre de députés (à 300) et du nombre de sénateurs (à 100). Il faut supprimer le Conseil Économique et Social et faire du Sénat une chambre représentant les territoires et les métiers. Nous aurions ainsi divisé par trois le nombre de parlementaires en le ramenant de 1200 à 400, ce qui permettrait d’enclencher une réduction significative du nombre de fonctionnaires.
Je ne pense pas que l’on puisse atteindre une baisse de 500 000 postes en 5 ans mais on peut raisonnablement imaginer une baisse de 250 à 300 000 postes, ce qui suppose d’enclencher la tendance, en particulier dans les collectivités locales et dans le monde hospitalier. 800 000 emplois de fonctionnaires ont été créés durant les 20 dernières années : on ne déstructurera donc pas la fonction publique en réduisant de moitié cette augmentation. Il faut le faire de façon managériale, intelligente et sans brutalité.
Il faut penser simultanément la réforme du Parlement et du poids respectif du Premier ministre et du Président et engager une réforme locale majeure qui prenne en compte la métropolisation. L’autre réforme institutionnelle majeure consiste à passer l’élection locale au niveau des intercommunalités : les communes ne sont pas supprimées mais deviennent des subdivisions des intercommunalités que je propose de renommer « communes métropolitaines ».
Nous aurions donc une quinzaine de grandes métropoles et 1300 communes métropolitaines. On exigerait de tous ces exécutifs de produire des plans stratégiques en phase avec la mutation du monde sous contrôle d’une sorte d’agence de stratégie publique travaillant comme un cabinet de conseil public sur les stratégies de transformations des territoires. Le rebond de croissance en France ne peut venir que des territoires.
Quels sont les principaux enjeux de prochaines élections présidentielles ?
Valls semblait être le seul candidat solide à gauche, le seul à avoir compris les mutations. Hamon est dans un délire de redistribution fou. Du côté de Marine le Pen, on assiste à une désintégration mentale. Son programme est un condensé de marxisme et de péronisme argentin dans lequel elle propose la monétisation de la dette publique. Elle souhaite en effet renationaliser la Banque de France et lui ordonner de racheter la dette publique.
Historiquement, cette mécanique a toujours provoqué des inflations extrêmement fortes. Alors qu’elle annonce une revalorisation des salaires des ouvriers de 20%, certains naïfs se laisseront prendre : l’hyper inflation qui suivra entraînera une baisse de 30% de leur pouvoir d’achat et non l’augmentation de 20% attendue. Son programme est complémentent délirant.
Vous sentez-vous proche du programme de François Fillon ?
À droite, il semble avoir le seul programme qui tienne la route mais ce programme manque de structure intellectuelle et nécessite d’être restructuré et renforcé sur le plan de l’analyse stratégique des mutations du monde en cours. La façon dont il parle de la réduction du nombre de fonctionnaires risque de heurter la fonction publique alors qu’il suffirait d’expliquer que cette réduction est au service d’un renforcement du rôle de l’État : un Etat fort qui dépense moins.
Il faut mener une vraie réflexion sur le rôle de l’État qui réduirait fortement ses dépenses et diminuerait significativement le nombre de fonctionnaires tout en adoptant simultanément une véritable démarche stratégique obligeant tous les territoires à se métropoliser de façon progressive.
Son dernier ouvrage
Relever la France : état d’urgence
Odile Jacob, 2009
144 p.
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