En 2014, Anwar Al-Bunni, un avocat survivant des prisons du régime dictatorial de Bachar al-Assad, croisa à Berlin (où il était réfugié) dans un magasin l’officier des services de renseignement qui l’avait kidnappé en pleine rue en Syrie. Al-Bunni a choisi de se battre pour la justice et devint une figure de référence de la chasse aux criminels syriens.
Surnommé « le chasseur de preuves », c’est vers lui que se dirigent de nombreux Syriens, voulant signaler la présence d’un ancien bourreau ou apporter leur témoignage. Et ce remarquable premier long métrage de Jonathan Millet intitulé « Les Fantômes » montre l’existence de cellules secrètes constituées d’exilés syriens qui se sont fixés pour mission de débusquer d’anciens criminels de guerre au service de Bachar al-Assad. Projeté en ouverture de la Semaine de la Critique au dernier Festival de Cannes, ce film se regarde comme un véritable thriller. Et c’est passionnant, captivant, déroutant, émouvant.
Dans « Les Fantômes », Hamid (campé par le très convaincant Adam Bessa, tout en retenue et en intensité) est membre d’une organisation secrète qui traque les criminels de guerre syriens cachés en Europe. Ce sont des réseaux souterrains, de chasseurs de preuves et des groupes qui sont en charge de cette mission. Son enquête le mènera à Strasbourg sur la piste de son ancien bourreau. Tout en cachant son activité en acceptant des petits boulots comme de nombreux travailleurs immigrés, Hamid poursuit son investigation en dépit des multiples pièges sur son chemin.
« J’ai passé une année à me documenter sur les cellules, à rencontrer certains membres, à écouter des récits de filature. Grâce à cette masse d’informations, ma connaissance du sujet m’a permis de créer mes personnages, inspirés de rencontres. S’il n’a jamais existé aucun Hamid poursuivant un Harfaz, la plupart des actions, des faits et des façons d’être des personnages repose sur du concret », précise le réalisateur Jonathan Milletqui réussit une œuvre de très haut niveau.
Retenez le nom de ce cinéaste qui fait déjà preuve d’une belle maîtrise et dont la carrière ne devrait pas être « fantômatique »…
René Chiche
. « Les Fantômes », sortie en salles le 3 juillet. Durée : 1 h 45
