La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS
Du rêve à la réalité… Après toutes ces années à délocaliser nos productions et à assister à la mort lente de notre industrie, nos dirigeants, frappés d’une soudaine « frénésie patriotique » et sans doute confrontés aux dures réalités économiques territoriales, ont décidé de favoriser les marchandises et produits issus de notre beau pays.
Relocaliser la production
La crise sanitaire du Covid-19 a mis en lumière notre dépendance vis-à-vis des importations pour la consommation de biens essentiels. Après avoir délocalisé vers des pays à bas coût de main-d’œuvre, les industriels semblent opérer aujourd’hui le mouvement inverse. Dans cette perspective, les pouvoirs publics ont étoffé leur boîte à outils pour inciter ces derniers à développer leurs usines en France ou, a minima, en Europe.
Des aides sont effectivement apportées pour faire diminuer les coûts, comme la baisse de la fiscalité, la robotisation pour relocaliser les lignes de production… mais il existe aussi d’autres leviers tels que la facilitation de l’accès au foncier industriel ou encore la mise en place de financements nationaux, notamment par la BPI pour soutenir les projets français de réindustrialisation.
Des acteurs de l’industrie aux consommateurs, le circuit court est à la mode, il est sur toutes les lèvres. C’est un enjeu majeur qui consiste à limiter les intermédiaires entre l’agriculteur et le consommateur. Plus spécifiquement, un circuit court est un mode de commercialisation de produits agricoles ou horticoles, qu’ils soient bruts ou transformés, dans lequel au maximum un intermédiaire intervient entre le producteur et le consommateur. Compte-tenu de sa définition, le circuit court mène à une proximité à la fois géographique et relationnelle entre le producteur et le consommateur. Néanmoins du point de vue géographique, il n’y a pas de critère précis qui permette de définir une distance au-delà de laquelle le circuit ne pourrait plus être qualifié de court.
Quels avantages, quelles contraintes ?
Pour l’agriculteur, vendre ses produits en circuit court présente de nombreux avantages, mais ce système nécessite aussi souvent quelques adaptations par rapport à un système de commercialisation classique.
S’agissant des avantages, le circuit court permet de mieux maîtriser le prix de vente et les débouchés commerciaux de sa production à l’abri des crises et des fluctuations des marchés. L’agriculteur peut alors bénéficier d’un prix équitable à la hauteur des efforts qu’il a consentis. La diversification de son activité, notamment par la transformation de toute ou partie de sa production, lui donne la possibilité de créer de la valeur ajoutée. De plus, ce type de pratique contribue à une meilleure reconnaissance du travail des agriculteurs. Le contact direct avec le consommateur permet d’avoir des retours sur la qualité de la production.
S’agissant des inconvénients, la vente en circuit court implique une diversification des activités de l’agriculteur. Ce dernier doit apprendre de nouveaux métiers, parallèlement à son métier de producteur, comme la vente de son produit (présentation, marketing, étiquetage) ou sa transformation (pain, soupe, yaourt, fromages…). Ces métiers nécessitent de nouvelles compétences qu’il faut souvent acquérir, par le biais de formations continues ou d’expériences personnelles, et cela demande du temps, voire la collaboration d’autres personnes. De plus, la diversification entraîne de nouveaux investissements dont, bien souvent, une adaptation des bâtiments de l’exploitation. Il est, dès lors, recommandé de bien considérer ces différents points avant d’entamer l’aventure du circuit court.
On voit donc qu’il faut redéfinir totalement l’économie entre les agriculteurs et le secteur privé.
Un exemple innovant et unique : La Compagnie des Amandes
Cette entreprise, fondée par Arnaud Montebourg et François MOULIAS, ne fait pas que produire « made in France ». Elle réinvente complètement la chaine de valeur de la filière et son mode de financement. Profitant d’un marché en plein essor, elle propose d’associer les efforts généreux des agriculteurs à des partenaires financiers, afin de concevoir un modèle économique innovant et vertueux et de redonner un second souffle à notre agriculture.
Le projet repose sur l’analyse de l’évolution des exigences des consommateurs, dont l’appétence pour les produits sains et naturels n’est plus à démontrer. En particulier sur le marché de l’amande dont la demande est structurellement supérieure à l’offre. En partenariat avec l’INRA, Institut National de la Recherche Agronomique, la région et des investisseurs, la Compagne des Amandes bouscule les modèles préétablis en proposant aux agriculteurs d’unir leurs moyens : ressources humaines, techniques, scientifiques et financières. Le tout pour structurer une filière compétitive de l’amande française.
Les modalités de partenariat entre les parties prenantes sont simples ; La Compagnie des Amandes créé avec l’agriculteur une société ad hoc privée. Les apports de l’agriculteur sont les suivants : le foncier, la main d’œuvre, le savoir-faire et le matériel. La Compagne des Amandes quant à elle a un savoir-faire technique, des ressources financières, un réseau de distribution et des technologies (telle qu’une casserie pour les amandes).
Ainsi, le système vertueux qui se met en place permet à l’agriculteur de se consacrer enfin uniquement à son travail. La Compagne des Amandes fait des apports en compte courant pour financer l’exploitation, et le remboursement ne commence qu’à l’aune de la vente de la production. Cela permet à l’agriculteur, dès le départ, d’être financé et de bénéficier d’une avance de trésorerie : il peut travailler sereinement !
A terme, à plein rendement, les bénéfices, après remboursement des sommes investies, sont réparties équitablement en fonction des risques supportés de part et d’autre, ce qui est une alchimie gagnante pour l’ensemble des parties.
Repenser l’agroéconomie
Avec ce type de modèle économique et de partenariat, on peut projeter l’agriculture dans une dynamique complètement différente. Certes, l’agriculteur peut avoir la sensation de perdre une partie de son indépendance, mais il ne se retrouve plus seul, isolé, face à un marché mondial en constant mouvement, tant sur le plan industriel que financier.
Ces stratégies tendent vers l’objectif que nous appelons de nos vœux : l’indépendance économique de notre pays et cela passe inévitablement par notre capacité à satisfaire et à subvenir à nos besoins de première nécessité.
Donnons à notre agriculture les moyens de réaliser notre rêve : retrouver notre souveraineté nationale !