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Clovis : le leader français du vinaigre est à Reims


Malgré la relance récente de la vénérable Maison Martin Pouret à Orléans, Charbonneaux-Brabant n’en reste pas moins leader de la production de vinaigre en France et poursuit sur le chemin de la croissance, les crises ne semblent avoir aucune prise sur cette belle entreprise familiale française, qui vient de racheter un domaine viticole de 25 hectares dans les Cévennes pour élaborer du vinaigre bio.

Guy Brabant, président du conseil d’administration, à droite Valéry Brabant, DG de Charbonneaux-Brabant

Valéry Brabant est le dirigeant de l’entreprise qui porte également son nom. Rien d’étonnant à cela, puisqu’il est le représentant de la cinquième génération Brabant. La petite entreprise familiale est devenue une perle rare, une PME sur le marché très spécifique des condiments. Leader sur son marché, elle est aussi un champion de l’exportation, livrant ses produits dans quelques 90 pays.

Vinaigres et vinaigrettes sont sa force, mais on le sait moins, Charbonneaux-Brabant représente également 15% de la production française de moutarde. Deux autres filières viennent compléter le chiffre d’affaires, l’une constituée de produits d’entretien de la maison, bricolage-jardinage, automobiles et combustibles. La seconde est liée à la chimie, avec alcools, solvants, matières minérales. Le dirigeant a mis en place une stratégie claire, dont l’objectif est de pérenniser la croissance de l’entreprise et de la sécuriser. Une obligation morale lorsque l’on dirige une société née en 1797.

Des racines très ancrées

De 1797 à 1962, six générations de Charbonneaux se sont succédées, d’abord dans la fabrication du savon avant de s’orienter sur la dénaturation d’alcool. Il y a 62 ans, la famille décide d’allier ses forces avec le groupe familial Brabant, qui œuvrait quant à lui dans la distillation d’alcool. La filière alimentaire se constitue au fil du temps autour des vinaigres, moutardes, huiles, mayonnaises et sauces, avec une stratégie constante de mise en avant du terroir et du made in France.

L’entreprise travaille activement à la relance de la culture de la graine de moutarde en Bourgogne d’où proviennent 50% de ses approvisionnements, l’autre moitié étant importée du Canada. Le développement de l’activité a pour corollaire la croissance industrielle. Au total, neuf usines produisent en France sans oublier deux sites supplémentaires en Italie, à Modène, pour la fabrication de vinaigres balsamiques (Antichi Colli et Giovanna Pavarotti).

Le siège social est depuis toujours en Champagne, à Reims. Le marché du vinaigre quant à lui ne cesse de progresser, rares étant aujourd’hui les foyers à ne cuisiner qu’avec un seul type de vinaigre.

Toujours plus loin

En 2022, Charbonneaux-Brabant a poursuivi ses emplettes et suivi la voie de la croissance « raisonnée ». Valéry Brabant a réussi la reprise de Dumortier, née en 1880 dans les Hauts-de-France, qui appartenait à Intermarché depuis 2006, celle de l’huilerie Vigean créée en 1939, société familiale qui travaille en bio, ainsi que celle un domaine viticole, rien de moins !

Ce vignoble viticole cultivé en biologique, Lou Pas d’Estrech (à Saint-Christol-de-Rodières, dans le Gard), était déjà fournisseur de Charbonneaux-Brabant. Ce nouveau pas franchi marque l’intégration d’un nouveau métier, dans une logique stratégique de sécurisation des approvisionnements. Le vignoble cévenol de 25 hectares de Christian et Ezda Coste passe donc sous le contrôle de l’ETI champenoise et fournira le vin nécessaire à la production des vinaigres de vin biologiques commercialisés sous les différentes marques commercialisées par l’entreprise.

Le chiffre d’affaires se partage à parts quasi égales entre la grande distribution française, l’export (essentiellement dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration), le dernier tiers concerne l’industrie qui consomme vinaigre et moutarde en tant que matière première.

Un dirigeant développeur

Valéry Brabant est entré dans l’entreprise après une licence de droit à Lille, puis un diplôme ESC Lille, suivi de trois années chez KPMG Consulting. Le départ du directeur financier de l’entreprise fut l’occasion de faire entrer Valery Brabant dans la société familiale afin de seconder son père. Il ne se définit pas comme un créateur, ce qu’il n’est pas, mais il a su utiliser son savoir-faire en matière de développement, d’opérations de croissance externe et d’organisation.

Comme de nombreux « héritiers », il s’est donné la mission de pérenniser l’aventure entrepreneuriale de ceux qui l’ont précédé pour la transmettre à son tour, encore plus solide. La famille est présente dans la société, notamment via une association qui réunit certains de ses membres. Valéry Brabant est fier de dire que son entreprise familiale est moderne, elle répond en effet à une demande devenue prioritaire ces dernières années, celle d’être porteuse de sens et ne pas être uniquement guidée par des intérêts financiers ou boursiers.

La vision du futur et l’adhésion de tous les collaborateurs sont les deux éléments sans lesquels aucun chef d’entreprise ne peut parvenir à ses fins. Il faut croire que Valéry Brabant a trouvé la bonne recette sur un marché pourtant ultra concurrentiel, avec en face des géants internationaux comme Amora-Maille (Unilever) ou Lesieur (groupe Avril). Visiblement la sauce a pris.

Anne Florin

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