L’industriel Franc-Comtois Gaussin s’associe au japonais Macnina pour relancer la pépite française Navya. L’industriel de Haute-Saône, spécialisé dans le matériel de levage, reprend 143 salariés en misant sur le transport autonome de marchandise.
L’entreprise Navya, créée en 2014, était installée sur le créneau des systèmes de mobilité autonome. Avec ses 280 collaborateurs en France, aux États-Unis et à Singapour, son travail portait plus particulièrement sur le transport, dit de niveau 4, de passagers et de biens, notamment grâce à la navette Autonom®.
La commercialisation était déjà bien engagée, avec quelques 200 exemplaires vendus un peu partout dans le monde. Plus récemment, en 2021, la société avait enrichi son offre avec le tracteur Autonom®. Cotée sur Euronext, Navya a d’abord été mise en redressement judiciaire en février dernier et est sortie de la cote suite à sa mise en liquidation en avril dernier.
DEUX REPRENEURS SOLIDES
Trois offres avaient été faites, mais c’est finalement l’entreprise française Gaussin, alliée à la japonaise Macnica, qui a été choisie. La reprise s’est élevée à 2,9 millions d’euros. Gaussin est aux manettes avec 51 % des actions. Cette nouvelle entité rassemble des partenaires qui se connaissent déjà bien. Gaussin est une entreprise familiale centenaire positionnée sur le transport de marchandises, elle emploie 400 salariés et réalise un chiffre d’affaires d’environ 100 millions d’euros, elle est une actrice reconnue du secteur.
Macnica est d’une autre envergure avec ses 4000 salariés et 7 milliards d’euros, sa direction connaît très bien Navya pour y avoir investi et être devenue l’un de ses distributeurs en 2020. La direction de l’entreprise sera confiée à Christophe Gaussin, et son métier reste identique : la mobilité autonome et propre. 143 emplois seront sauvegardés sur le territoire français ainsi que 6 à Singapour. Une offre de reclassement sera faite aux 21 salariés qui travaillaient sur la production des navettes dans une filiale de Gaussin en Saône-et-Loire (Metalliance).
15 MILLIONS SUPPLÉMENTAIRES
Les deux nouveaux propriétaires de Navya vont apporter 15 millions d’euros dans leur nouvelle entreprise commune. Une somme nécessaire, mais finalement pas si élevée étant donné que les ingénieurs de Navya avaient clairement une longueur d’avance sur la concurrence.
Cet investissement va permettre de passer à la vitesse supérieure sur le projet qui les occupe déjà, soit le transport autonome de marchandises en environnement portuaire, aéroportuaire ainsi que dans le secteur global de la logistique. Avec cet investissement, l’équipe de Navya et les ingénieurs de Gaussin ont pour ambition de parvenir à un chiffre d’affaires de 120 millions en 2025. Dès cette année, le chiffre doit s’élever à 23 millions d’euros, alors que Navya en réalisait 10 millions.
UN CONCURRENT FRANÇAIS, EASYMILE
À Toulouse, le concurrent EasyMile poursuit sur la voie qu’il s’est tracée, annonçant avoir également atteint le niveau 4 de la conduite autonome pour ses navettes de passagers. Elle a signé son premier contrat avec un parc touristique belge, un nouveau signe positif après la navette qui circule déjà dans l’Oncopole de Toulouse et les trois en fonctionnement dans une usine d’ArianeGroup. EasyMile est né quasiment en même temps que Navya, est en pleine croissance, mais sur un marché loin d’être stabilisé.
Soutenue notamment par Alstom et Bpifrance, l’entreprise a fait le choix de la sous-traitance de ses navettes, fabriquées par Ligier. Elle est sur le même créneau que Gaussin si ce n’est que son « Tracteasy » est destiné à transporter les bagages en aéroport ou des pièces dans de grandes usines, notamment automobiles. Un marché très attirant et intéressant qui doit rapidement décoller à condition que les sociétés tiennent le choc le temps que ce nouveau marché s’ouvre véritablement.
LES ATOUTS DE GAUSSIN
Gaussin dont le siège est à Héricourt dispose déjà d’une belle expérience en termes de processus logistiques, de technologies autonomes et de solutions innovantes en matière d’énergie. Ses cibles sont internationales, ports, aéroports, la logistique, la mobilité humaine, les travaux souterrains et les transports terrestres.
La société est cotée sur Euronext depuis 2010. L’entreprise a créé des solutions nouvelles, et non pas des améliorations, afin de proposer des véhicules autonomes zéro-émission accessibles à tous à terme. Le projet est de passer par des partenaires locaux et régionaux bénéficiant d’accords de licence afin d’accélérer le déploiement de cette nouvelle mobilité. La marque s’était fait remarquer sur le Paris-Dakar l’an dernier avec son camion de compétition à hydrogène, un test sur mesure.
Christophe Gaussin fait entrer l’entreprise dans le monde demain. Il est la cinquième génération de dirigeants familiaux depuis 1880. L’entreprise créée sur une offre de matériel de levage, de manutention lourde, et de remorques industrielles a failli disparaître au tout début des années 2000. Le virage vers la technologie de demain a été salvateur.
Anne Florin