Virage stratégique dans l’histoire du groupe industriel familial Gorgé. Son jeune dirigeant ambitionne de devenir leader mondial de l’impression 3D.
Et si Gorgé était l’ETI française à surveiller ? Depuis sa création par Jean-Pierre Gorgé en 1990, le groupe éponyme, spécialiste des technologies pour la sécurité des biens et des personnes, a déjà connu deux révolutions décisives. À son arrivée dans l’entreprise en 2004, Raphaël Gorgé, aujourd’hui 44 ans, fils du fondateur, élargit les marchés et mise sur l’innovation, puis l’exportation.
Aujourd’hui, grâce à une légitimité acquise au fil du temps, il diversifie son offre via un service B to B en plein essor : l’impression 3D. L’année dernière, le jeune dirigeant, devenu P-DG en 2011, est parvenu à multiplier par 15 le CA de cette activité. Et l’aventure ne fait que commencer.
Un tournant décisif
Relativement jeune à l’échelle industrielle, le groupe, composé d’une dizaine de filiales dans les domaines des systèmes intelligents de sûreté, de la protection en milieux nucléaires, de la robotique… grossit à vue d’œil.
Lorsqu’il rejoint l’affaire familiale en 2004, Raphaël Gorgé, ingénieur de formation, qui a passé 10 ans dans la finance (fusion-acquisition puis capital-investissement), met en œuvre le désengagement du groupe du secteur automobile (70% du CA). «Cela me semblait trop dangereux, trop exigeant.
Pour survivre et se développer, il nous fallait trouver de nouveaux marchés, plus porteurs, avec de meilleures marges et c’est ce que je me suis employé à faire les 5 premières années. J’avais un certain nombre d’idées de ce qu’il était possible, voire souhaitable, de faire pour le groupe… et c’est comme cela que tout a commencé», raconte-t-il.
Dès lors, il oriente son développement vers de nouveaux domaines d’activité, notamment liés à la sécurité et aux nouvelles technologies. Résultat ? Les ventes explosent, le CA passant de 150 M€ à plus de 223 M€ en 2014. «Une évolution difficile à apprécier compte tenu des énormes investissements réalisés dans nos nouvelles activités, mais qui est plus spectaculaire quand on sait que l’automobile représentait l’essentiel de notre clientèle», explique Raphaël Gorgé.
Des marchés de niche
Désormais, Gorgé œuvre dans deux métiers principaux : l’impression 3D et les technologies pour la sécurité des biens et des personnes.
Qu’il démantèle les déchets contaminés dans l’ancien sarcophage du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl (contrat remporté en janvier 2015), développe des drones sous-marins démineurs pour l’armée (avril 2015) ou fournisse des nouvelles stations d’assemblage des tronçons avant de l’A320 pour l’usine d’Airbus de Saint-Nazaire (contrat de plus de 10 M€ signé en avril 2015), l’industriel offre le même service.
«Notre métier est toujours le même quelle que soit l’activité : nous concevons des produits et en assurons le développement, la fabrication, la commercialisation partout dans le monde, l’installation et la maintenance», explique le talentueux quadra, dont les investissements en R&D «5% de notre CA, soit 10 M€ par an» ont permis d’acquérir une expertise très recherchée. «Nous choisissons plutôt des secteurs sur lesquels la concurrence est un peu moins intense, des marchés de niche ou en forte croissance où nous avons en général 2 ou 3 gros concurrents au niveau mondial». Une stratégie payante puisque le groupe lorgne désormais sur un nouveau secteur à la croissance fulgurante : l’impression 3D.
Une nouvelle page à écrire
Moteur de la nouvelle révolution industrielle selon certains experts, l’impression 3D est peut-être aussi l’avenir du groupe Gorgé. C’est en tout cas un pôle développé depuis 2 ans et sur lequel le jeune entrepreneur mise beaucoup, avec notamment le rachat en début d’année des sociétés INITIAL, le leader français indépendant de la fabrication de pièces par impression 3D, et de NORGE Systems, une start-up anglaise spécialisée dans la conception d’imprimantes 3D.
«Nous allons continuer nos efforts dans ce domaine car nous pensons que le marché est très porteur et que notre technologie, nos produits et notre positionnement sont très adaptés», explique celui qui a choisi le secteur du rapid manufacturing plutôt que du prototypage rapide, plus prometteur selon lui.
Sa clientèle se compose de très grands groupes mais aussi de TPE, dans les domaines de l’aéronautique «pour qui on peut imprimer des pièces extrêmement complexes avec des géométries autrement impossibles», du biomédical «avec des coques en plastique pour des prothèses auditives ou des prothèses dentaires propres à la morphologie de chaque patient», ou de la joaillerie «pour imprimer plusieurs milliers de bijoux par jour».
Face à la concurrence, le groupe jouit d’une solide expérience dans des secteurs exigeants comme la défense, l’aéronautique ou le nucléaire, qui contribue à lui donner une image de fiabilité et de sérieux. «Selon moi, les années qui viennent vont être très intéressantes en termes de rythme de croissance», conclut le dirigeant. Et pour cause ! Pour la première fois cette année, il affiche des objectifs de croissance à deux chiffres.