En Chine, le tri des déchets s’est déjà imposé dans les villes. Dans certains villages chinois, le tri des déchets devient aussi une nouvelle tendance et améliore peu à peu l’habitat local.
Environnementaliste, Chen Liwen s’est lancée dans la protection de l’environnement après avoir passé son diplôme universitaire. Elle a effectué des inspections d’études dans un grand nombre de villes chinoises. Cette expérience lui a permis de constater, de ses propres yeux, les nuisances de l’incinération et des décharges sauvages de déchets sur la santé et l’environnement.
En 2017, Chen Liwen a fondé une organisation à but non lucratif baptisée « Villages à zéro déchets ». Avec son équipe, elle a commencé à populariser le tri des déchets dans les régions rurales de Chine, notamment dans cinq provinces dont le Hebei, le Jiangxi et le Zhejiang. En collaborant avec les administrations locales, ils réfléchissent sur les moyens d’inciter les villageois s à trier leurs déchets.
« Au début de ma carrière, j’ai vu de nombreuses pollutions suscitées par les déchets mélangés. Assister à l’incinération et à la décharge sauvage des déchets, était pétrifiant. Ce type de traitement mélangé des déchets porte une menace gravissime sur la santé humaine, ce qui est en fait la force motrice fondamentale qui me conduit à me consacrer dans cette cause », a expliqué Chen Liwen.
Dans les villages chinois, les déchets mélangés sont généralement jetés dans la poubelle publique, collectés par un agent de propreté, et ensuite transportés dans un dépotoir pour être incinérés ou jetés à la décharge. Dans le modèle que Chen Liwen et son équipe mettent au point, les villageois agissent comme source et répartissent les déchets entre secs et humides, tandis que les entreprises de collecte des déchets ramassent les déchets non pourrissables et les transfèrent vers une décharge ou une usine d’incinération en ville. Les « déchets qui pourrissent » sont compostés sur place et transformés en compost qui alimente les potagers des villageois. « Les déchets humides sont par nature différents des autres déchets. Les déchets humides, qu’on appelle souvent les déchets de cuisine, sont ceux en provenance de la terre, tandis que d’autres déchets proviennent des produits industriels », a-t-elle précisé.
Chen Liwen et ses collègues sont allés rencontrer les cadres au niveau des communes et des bourgs à travers le pays. Ils présentent aux gouvernements le matériel nécessaire pour mettre en place pour le tri des déchets, par exemple la carte indicative de tri des déchets, les véhicules nécessaires au tri et à la collecte des déchets ainsi que les emplacements et installations nécessaires au tri des déchets de cuisine.
« Dans nos pratiques, nous avons découvert que persuader les paysans à faire le tri n’est pas la partie la plus difficile. Ce qui est le plus difficile, c’est de faire comprendre aux autorités locales la nécessité de lancer une campagne, en l’absence de politique administrative obligatoire en matière de tri des déchets ». Chen Liwen estime que le tri des déchets constitue en fin de compte une affaire d’administration publique ; en l’occurence, une fois que les autorités locales comprennent l’idée et font fonctionner le système, la grande majorité de la population suit.
Entre 2018 et 2022, Chen Liwen et son équipe ont mené des expériences dans la commune de Dongyang, au nord de la province du Jiangxi (sud-est de Chine). C’est là que les essais de Chen Liwen ont remporté un énorme succès.
La commune de Dongyang ne dispose pas d’une base industrielle en raison de sa situation géographique assez reculée. L’autre facette de ce « retard » est la beauté naturelle dont jouit la commune. Située dans une zone de montagne, la commune de Dongyang est entourée de forêts et de collines sans fin, et traversée par deux rivières. Après de mûres réflexions, les autorités locales ont estimé que la voie à suivre pour Dongyang n’était pas de développer l’industrie ou de construire une pôle industrielle, ce qui était populaire à l’époque, mais de s’engager dans l’agriculture et le tourisme.
Les idées de Chen Liwen coïncident donc avec celles des autorités locales. La formation sur le tri des déchets auprès du personnel administratif s’est déroulée tout d’abord dans la commune de Dongyang. Après avoir formé le personnel, « nous l’accompagnons pour qu’il se rende dans les foyers, afin de présenter les détails du tri à la population. Au stade initial du tri des déchets, nous sommes tenus de dire que le comité du village doit faire du porte à porte pour rendre visite aux foyers, au moins tous les jours pendant une semaine », a affirmé Chen Liwen.
Selon elle, le tri des déchets secs et humides est parfois plus facile à appréhender pour les paysans, par rapports aux villes. « Dans les pratiques de l’agriculture traditionnelle, les paysans connaissent naturellement la valeur de la circulation agricole : ils savent que les déchets de cuisine sont utiles et ils nourrissent avec eux les volailles domestiques», a précisé Chen Liwen.
Selon les données, après la mise en oeuvre du tri des déchets, le volume mensuel de déchets transportés de la commune de Dongyang au dépotoir a réduit d’environ 56%, la différence étant constituée des déchets pourrissables. Ces déchets de cuisine sont utilisés pour faire le compostage sur place. « Au fil du temps, la population s’est également lentement adaptée au tri des déchets. Certaines personnes se sont adaptées en installant deux poubelles pour séparer les déchets secs et humides dans les principaux lieux de production de déchets, tels que les cuisines et les salles de séjour », a pointé Chen Liwen.
Actuellement, l’organisation « Villages à zéro déchets » étend la popularisation du tri des déchets au bourg de Fengqiao relevant de la ville de Zhuji, dans la province du Zhejiang (est de Chine). Chen Liwen et ses collègues ont lancé une nouvelle initiative pour mettre en oeuvre le tri des déchets secs et humides dans les cuisines, parce que selon elle, « la cuisine est à l’origine des déchets alimentaires, notre programme a pour but de maintenir les habitudes de tri en amont et de favoriser le tri sec et humide au point de production ». En mars 2023, une nouvelle visite de retour dans trois villages du bourg a révélé que 80% des villageois utilisaient encore deux poubelles pour trier les déchets secs et humides dans leur cuisine, ce qui prouve l’approche du tri dans les cuisines joue un rôle important pour assurer la durabilité du tri des déchets chez les agriculteurs.
Chen Liwen réfléchit également sur d’autres moyens pour la durabilité du tri des déchets dans les régions rurales chinoises. Elle s’efforce de généraliser la mise en application d’un système d’évaluation du personnel administratif en matière de tri des déchets au bourg de Fengqiao. Les critères varient du dépot de la poubelle à la réduction du volume des déchets, en passant par la précision du tri des déchets. « Ce n’est pas possible de demander à la population de trier les déchets volontairement. Cela ne vient pas de l’autodiscipline, mais de l’administration », a-t-elle insisté.