Si Sonia Rykiel a laissé un vide à Saint-Germain des Prés, ce n’est pas le cas de sa marque, toujours bien vivante dans l’esprit des modeuses, grâce aux frères Dayan qui comptent bien la relancer après le succès de showroomprivé.com.
La flamboyante créatrice parisienne rousse, décédée il y a quatre ans, a indéniablement inventé un style, à base de rayures, de maille, de coutures à l’envers et de joggings velours. De la gaieté et de la couleur au cœur de l’hiver pour cette prestigieuse maison française créée en 1968. Sa fille, Nathalie Rykiel, a réussi à sauvegarder une grande partie des créations maternelles, afin qu’elles soient exposées et continuent de susciter l’admiration du public. La marque, ou plutôt les marques (Sonia Rykiel, Rykiel Homme et Sonia by Sonia Ryckiel) pourraient entamer une renaissance grâce à deux entrepreneurs, Michaël et Eric Dayan, qui ont déboursé 10 millions d’euros pour recréer un univers autour de ce nom iconique, et lui permettre de rester français.
Sauver une belle marque française
Rappelons que depuis 2012, la société « Sonia Rykiel » était dans les mains du fonds hongkongais First Heritage Brands, l’année de la descente aux enfers, l’approche mode passant aux oubliettes au profit de la recherche anti gaspi. Dès 2016, un plan de licenciements était annoncé portant sur le quart des effectifs (365 personnes en 2012), avec des boutiques fermant peu à peu. Trois ans plus tard, l’entreprise est placée en redressement judiciaire. Sans repreneurs déclarés, elle est liquidée le 25 juillet 2019, les 130 salariés restants licenciés et la dizaine de boutiques encore ouvertes sont fermées. Le chiffre d’affaires était passé de 100 millions d’euros en 2011 à 20 millions en 2018. En décembre 2019, contre toute attente, la marque est fort heureusement reprise par Michaël et Eric Dayan ; leur dossier ayant été choisi parmi une vingtaine de candidats.
Le bel exemple de showroomprivé
Les nouveaux propriétaires de la marque sont connus pour avoir participé à la création du site showroomprive.com il y a presque quinze ans, aux côtés des fondateurs Thierry Petit et David Dayan, l’aîné de la fratrie. Une véritable réussite en matière de e-commerce de marques de prêt-à-porter qui s’est approché du milliard d’euros de chiffre d’affaires grâce à une croissance constante, avant une année 2019 difficile. Il y a trois ans, les deux hommes tout en restant au conseil d’administration de la société, ont quitté leurs autres fonctions pour créer un fonds d’investissement. Professionnels du digital, ils sont encore plus convaincus aujourd’hui qu’hier que le e-commerce est absolument incontournable dans le commerce textile. Leur plan de reprise de la marque Sonia Rykiel s’appuie donc sur ce nouveau savoir-faire.
Dans le bain familial du textile
Eric et Michaël Dayan se décrivent eux-mêmes comme des « actionnaires attachés à une forte culture familiale et entrepreneuriale », jolie locution qui n’aide pas vraiment à faire leur connaissance. Le fait est que leur expérience de la mode, tout comme leur réussite financière sont de véritables atouts pour la reprise d’une marque qui bénéficie d’une belle aura comme c’est le cas pour Sonia Rykiel. Autre élément particulièrement important, les deux quarantenaires (40 et 39 ans) sont avec David le fils ainé, les enfants d’un entrepreneur bien connu du quartier du Sentier, Sam Dayan.
A ce titre, ils ont baigné dans le monde du textile et de l’entreprise dès leur plus jeune âge. Eric a d’ailleurs travaillé dans l’entreprise fondée par son père, France Export, spécialisée dans la vente des fins de séries de vêtements de marque ; une activité qui a été précieuse dans le cadre du lancement de showroomprive.com. Eric a quant à lui suivi des études juridiques avant de rejoindre ses frères.
Une stratégie bien au point
Refaire de Sonia Rykiel une référence du luxe, voici ce que les deux repreneurs annoncent haut et fort. Ils veulent rester sur ce créneau où la marque s’est positionnée dès le début et faire revivre « ce fleuron du patrimoine français ». Avec leur profil complémentaire, ils ont préparé la reprise avec soin et déclinent à présent leur stratégie pour que la relance soit réussie autour de trois axes.
Priorité au digital
Il s’agit de leur cœur de compétences, rien de plus normal que de s’appuyer sur le numérique pour aller de l’avant. Une politique qui devrait donc modifier la cible de clientèle traditionnelle de la marque. Si elle s’adressait plutôt à des clientes d’âge mûr, il est question aujourd’hui d’attirer les jeunes générations. Ce mouvement vers le digital s’inscrit de plus totalement dans l’air du temps, même s’il risque dans une première phase de dérouter. Il est au cœur de la voie choisie par les frères Dayan. Dans leurs déclarations, il s’agit moins de reprendre le lien avec les anciens clients que de séduire une nouvelle cible permettant d’assurer la pérennité de la marque dans le futur, d’où une présence essentielle sur les réseaux sociaux, dont le principal pour ce type de produits est bien entendu Instagram.
La reprise des codes historiques
On parle ici bien entendu du tricot et des rayures, c’est-à-dire tous les signes de reconnaissance du style Rykiel, des points de repère essentiels. Les archives sont disponibles, un trésor à exploiter qui n’a pas d’âge. Le style est suffisamment moderne voire avant-gardiste, joyeux, drôle, parfois androgyne, pour attirer de nouveaux publics.
En France et ailleurs
Si le marché français est au cœur de la relance, dans le monde du textile de luxe, l’international est prioritaire. Le nouveau site, déjà prévu pour juillet prochain, sera donc international. Les fondateurs tablent sur l’intérêt des clients étrangers qui étaient également acheteurs de la marque. Le timing du projet est serré, car la première collection a pris du retard en raison de la crise sanitaire. En attendant, ce sont des pièces vintages déjà en stock qui vont être proposées au public. Les derniers actes de vente ayant été signés au printemps 2020, la nouvelle aventure est bien lancée, pour le plus grand plaisir des amoureuses de cette marque emblématique de la mode à la française.
E.S.