SNCF Réseau a lancé la saison 3 du programme AIR qui vise à accélérer le développement de projets via des collaborations entre start-ups et chefs de projets SNCF Réseau. Au delà de leur capacité d’innovation, les start-up apportent également leur agilité et leur culture de l’action.
Comment est née l’idée de travailler avec des jeunes pousses ?
SNCF Réseau a d’immenses défis à relever. Nous devons à la fois effectuer davantage de maintenance et en même temps faire face à de plus en plus de demandes de circulation, notamment dans les transports régionaux ou en zones denses. Cela nous conduit à nous poser de nouvelles questions : comment, par exemple, mesurer l’état du réseau de façon non intrusive en développent des capteurs spécifiques et en faisant appel à des technologies digitales, comme le big data, pour aller vers la maintenance prédictive. C’est l’un des grands objectifs : n’intervenir que lorsque est cela est nécessaire, au bon moment, avant une défaillance.
C’est là qu’entre en jeu le Programme AIR ?
Exactement. SNCF Réseau a toujours mené des programmes d’innovation pour progresser. Le fait fédérateur, c’est le champ d’opportunités constitué par le digital d’une part, et d’autre part les nouveaux modes de management de l’innovation.
Les start-up viennent nous challenger dans nos modes de partenariat. Nous avions plutôt l’habitude de collaborer avec la communauté académique, avec des instituts de recherche et des grands acteurs industriels. Les partenariats avec des start-up étaient rares et assez difficiles à mener dans une culture de projets à long terme. Les startup ont des constantes de temps court et des modes d’action plus originaux, plus agiles.
Le défi du Programme AIR est non seulement d’accélérer les projets mais également d’apporter une nouvelle culture de l’action en matière d’innovation.
Comment sélectionnez-vous les projets qui bénéficieront du Programme AIR ?
Le travail est d’abord interne. Il s‘agit d’identifier les problématiques et les projets sur lesquels nous avons la conviction que bénéficier de l’apport de start-up innovantes serait opportun. Cet ancrage interne est crucial pour éviter de se retrouver a postériori avec une solution qui ne répondrait pas à un vrai besoin.
Ce sont donc des projets issus du terrain ?
En effet, ces projets nous remontent car nos dispositifs d’animation et d’innovation sont connectés avec l’ensemble des composantes de l’entreprise. Nous nous appuyons également sur des réseaux de collaborateurs engagés dans des programmes d’innovation ou aussi avec les directeurs techniques des Métiers. Avec ces interlocuteurs privilégiés, nous identifions les problèmes auxquels ils se heurtent et qui pourraient être résolus grâce aux nouvelles technologies. En quelque sorte, le Programme AIR est une sorte d’offre de service interne.
Comment avez-vous choisi les start-up qui collaborent à ces projets ?
Pour cette troisième saison du Programme Air, nous nous sommes appuyés sur notre partenaire SNCF Développement. Cette filiale, dirigée par Cyril Garnier, est extrêmement bien ancrée dans l’écosystème innovation et identifie les jeunes pousses les mieux adaptées à chaque projet.
Concrètement, comment se déroule la collaboration entre une jeune pousse et les équipes techniques de SNCF ?
Avant qu’un projet ne soit validé, nous effectuons un travail d’analyse collective pour nous forger la conviction qu’il est vraiment utile d’aller plus loin, notamment en mettant en place des réunions de travail entre les équipes projets internes et la start-up. Lorsque nous avons la certitude que cette collaboration peut aboutir, nous organisons une journée de « Kick Off » où les projets sont présentés ainsi que les objectifs à atteindre en six mois.
Nos partenariats débutent toujours par la signature d’un contrat conçu pour simplifier et faciliter la discussion entre SNCF et les start-up. Les six mois suivants sont consacrés au travail opérationnel avec des points intermédiaires de présentation de l’avancement de chaque projet. Ces étapes permettent souvent de lever les freins qui peuvent apparaître dans une grande structure comme SNCF.
A la fin de ces six mois, nous savons si nous devons continuer ou pas. Inutile de raconter à une start-up pendant 3 ans que nous travaillerons éventuellement avec elle un jour. Si nous nous rendons compte que leurs propositions ne répondent pas a nos besoins, il est important de leur dire le plus rapidement possible. Au contraire, quand nous avons la conviction que ça marche, c’est autant de temps gagné pour lancer le procès d’un projet de plus grande envergure.
Comment rémunérez-vous les start-up qui participent au Programme AIR ?
Sur les deux premières saisons nous donnions 5000 euros à chaque start-up en soutien à leur participation au programme. Nous avons décidé de doubler cette somme à partir de cette année. Nous sommes conscients que cela n’est pas énorme. Mais quand le projet est validé, les données ne sont plus les mêmes. Il faut savoir que nous avons déjà 400 000 euros de contrats engagés avec des start-up.
Malgré tout, les start-up sont étrangères à SNCF. La différence de culture ne pose-t-elle pas des problèmes de communication ?
En aucun cas car le Programme AIR a pour objectif de créer une équipe projet étendue et non une relation client-fournisseur entre SNCF et la start-up. Nous challengeons nos équipes car ce type de partenariat n’a de raison d’être que si les équipes internes y consacrent du temps, ouvrent leurs placards aux jeunes pousses, emmènent les start-up sur le terrain. Si l’on se contente d’envoyer un cahier des charges et d’organiser une réunion toutes les six semaines, le résultat ne sera pas au rendez-vous.
Quels types de projets ont vocation à être développés par le Programme AIR ?
Il y a une vraie diversité. Certains projets sont déjà bien avancés en interne et nous voulons les accélérer encore davantage, en partenariat avec les start-up et les industriels. Sur d’autres projets, nous sommes davantage en mode exploratoire et ces 6 mois de collaboration avec une start-up nous permettent de décider du bien-fondé d’un projet.
Pourquoi avoir si peu communiqué sur les saisons précédentes du programme AIR ?
C’était un parti pris. Il nous a paru inutile de communiquer tant que les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Les saisons 1 et 2 du programme AIR avaient un caractère un peu « prototype ». Nous avons cherché à inventer un nouveau mode de collaboration. Nous nous sommes donc lancés dans cette aventure étape par étape. Et c’est parce que ces deux premières saisons nous ont convaincu que nous communiquons davantage.
En quoi les saisons 1 et 2 ont-elles été positives ?
Les startups NFC Interactive et Ermeo par exemple ont été intégrées à des projets qui, très rapidement, ont apporté des solutions très prometteuses. Dans le cas de NFC Interactive, nous sommes en cours de déploiement. C’est ce genre d’aventure qui nous a convaincu de changer d’échelle
En quoi consistait l’apport de NFC Interactive ?
Nous sommes partis d’un « problème métier » : comment garantit la traçabilité et la synchronisation des mesures de contrôles électriques dans les 40 000 armoires techniques qui se trouvent en bord des voies. Ces armoires que nous appelons « guérites de signalisation » sont les systèmes de commande des différentes installations de signalisation du réseau ferroviaire. Pour des enjeux de sécurité évidents, nous devons en contrôler régulièrement le parfait fonctionnement, notamment par des mesures d’isolement électrique des différents composants. Nous devons également en garantir la traçabilité, comme pour tout système de sécurité. Pour les opérateurs, le process consistait d’abord à se déplacer, à effectuer la mesure, à la saisir sur des cahiers puis à la transposer ensuite dans des bases de données.
Quelle a été la solution apportée ?
Pour pouvoir garantir la synchronisation avec un dispositif local qui demeure dans la guérite de signalisation, nous avons développé avec NFC Interactive un tag RFID spécifique qui peut contenir une information et la stocker pendant longtemps. Avec le système de NFC Interactive, l’opérateur effectue une mesure, la saisit sur sa tablette puis tague le tag situé sur la guérite. Les informations sont automatiques stockées en local, synchronisées avec les différentes bases de données. Il n’y a plus qu’un seul geste à accomplir, tout est dématérialisé et les problèmes de traçabilité sont résolus.
Quelles seront les thématiques des 13 projets de la saison 3 du Programme AIR ?
A nouveau, nous avons adopté un parti pris assez œcuménique. Plusieurs thématiques tournent autour du big data mais nous allons également explorer de nouvelles pistes technologiques de capteurs. Par ailleurs, nous allons travailler sur de nouveaux types de vêtements de travail avec une visibilité plus forte et un meilleur confort pour les opérateurs de chantiers. Le tee-shirt Perco va être utilisé en bureau et sur les chantiers pour limiter les risques de TMS.
Comment imaginez-vous les prochaines saisons du Programme AIR ?
Mon ambition est de nouveau changer d’échelle lors de la saison 4 du programme AIR et que nous nous attaquions, non plus à 13 projets, mais au double ou au triple. L’essentiel de ces projets seront focalisés sur quelques grands chantiers majeurs de transformation industrielle. Notre stratégie d’innovation et de transformation industrielle est claire : le Programme AIR devra se focaliser sur ces défis, an particulier la surveillance et la maintenance du réseau grâce aux nouvelles technologies.
Il n’y a pas que des start-up au sein du programme AIR…
C’est vrai. Nous encourageons également les projets internes portés par des intrapreneur. Ce sont des femmes et des hommes qui se trouvent au cœur des métiers et certains ont de très bonnes idées, très innovantes, et peuvent avoir du mal à les faire émerger. C’est un moyen pour nous de permettre a des idées en rupture nées en interne de pouvoir être explorées.
Comment Whyers accompagne les start-up du programme AIR
Créé en 2014 par Julien Masson et Nicolas Cheng, la start-up Whyers propose à des collaborateurs de grands groupes qui ont des projets d’innovations de faire équipe avec des startupers expérimentés. Ils accompagnent les start-up sélectionnées pour le programme AIR. « WHYERS fait partie de l’écosystème SNCF Développement, explique Jean-Jacques Thomas. Parallèlement aux projets, ils accompagnent les start-up dans le développement de leur business, dans la réflexion sur leur positionnement économique et leurs prospectives de marché. »
Jean-Jacques Thomas
Jean-Jacques Thomas, 50 ans, est à la tête de la Direction Innovation de SNCF Réseau depuis 2014.
SNCF Réseau est le gestionnaire d’infrastructure du réseau ferroviaire qui entretient, renouvelle et développe le réseau et qui gère la circulation sur les voies (l’équivalent des aiguilleurs du ciel dans l’aviation). La Direction Innovation est une fonction d’appui pour aider tous ces métiers à se transformer et à gagner en performance industrielle, en efficacité et en sécurité.