Face aux grandes surfaces et aux enseignes en réseau, comment les indépendants tirent-ils leur épingle du jeu ?
Boucheries, boulangeries, quincailleries, cordonneries, boutiques de déco ou de vêtements… le commerce indépendant n’est pas mort ! Savoir-faire, service, écoute, originalité et qualité lui permettent de tenir la dragée haute aux franchises, centres commerciaux et sites de vente en ligne. Certains passent même à la vitesse supérieure, en misant sur le e-commerce ou le BtoB.
Avec un CA estimé à 360 Mds€, le secteur du commerce de détail et de l’artisanat commercial s’affiche comme un moteur de l’économie française. Imaginez : le commerce de proximité représente plus de 600.000 magasins en France, employant quelque 1,2 millions de salariés, soit 72% de l’emploi total du secteur.
«Il s’agit d’un véritable tissu économique de proximité, principalement situé dans les cœurs de ville. Générateurs de lien social, les commerçants et artisans restent des acteurs de la vie des centres-villes, des quartiers, de la ruralité», commente Bénédicte Boudet-Corric, déléguée générale à la Confédération des commerçants de France (CDF) qui rassemble 18 fédérations professionnelles (soit 350.000 entreprises). «Et il s’agit d’emplois non délocalisables», fait-elle remarquer.
Retour en force des indépendants
«Les commerces indépendants ont parfois eu une vision passéiste, avec une offre pas ou peu adaptée, des horaires d’ouverture pas totalement en adéquation avec les attentes du consommateur, ou un accueil parfois difficile avec les touristes, lié notamment à la non-pratique des langues étrangères.
Mais heureusement, le commerce indépendant a su évoluer et les reproches d’hier ne sont, en majorité, plus vrais aujourd’hui, loin s’en faut. Il a su se diversifier, s’adapter, pour proposer une nouvelle offre, se différencier des autres formats et prendre le train de la digitalisation et de l’Internet, les organisations professionnelles telle la CDF contribuant à leur adaptation et à leur dynamisme», explique la déléguée générale.
Après des années de constructions de surfaces commerciales en périphérie de villes et l’homogénéisation de l’offre et des marques, cumulée à des préoccupations écologiques, de consommation responsable et de qualité, les consommateurs se tournent en effet de plus en plus vers le commerce de proximité.
«Cela est dû à plusieurs facteurs. Recherche de conseils, de relations de confiance, de lien social, de différenciation et diversité de l’offre. Dans des villes trop souvent anonymes, le commerce de proximité est parfois le seul lien social et d’accueil pour certaines personnes, âgées ou seules. La relation entre commerçant et consommateur n’est pas que commerciale, mais s’inscrit sur le long terme», souligne Bénédicte Boudet-Corric.
Les 10 clés pour réussir
S’ils ne bénéficient pas de la force d’un réseau, les commerces indépendants de proximité ont d’autres atouts. Entre audace, nouveaux services et retour aux fondamentaux, les outils de la réussite ne manquent pas.
1. La différenciation de l’offre commerciale.
À l’image des commerces qui misent sur les productions locales, une montée en gamme ou des produits rares, cette solution permet de sortir du lot. Originalité, qualité et rareté sont en effet difficiles à trouver ailleurs.
2. La professionnalisation du commerçant et des salariés.
Là encore, la plupart des franchises ne se donnent pas la peine de recruter du personnel qualifié ou spécialement formé à leurs métiers, se contentant de «vendeurs» ou de «conseillers», incapables de sortir des standards du réseau. Les commerces indépendants peuvent faire la différence grâce à leurs savoir-faire : affineur, cordonnier, caviste, orfèvre, pâtissier, tapissier, verrier…
3. La fidélisation.
Le commerce associé n’est pas le seul à pouvoir proposer des cartes de fidélité, des ventes privées ou des newsletters !
4. La valorisation du point de vente sur Internet.
«Les commerçants peuvent créer une application de vente en ligne ou de géolocalisation, proposer le clic and collect, mettre en place des plates-formes Internet ou un drive de centre-ville animé par les commerçants eux-mêmes», suggère Bénédicte Boudet-Corric.
5. La communication.
C’est l’outil incontournable pour générer du trafic en magasin et pourtant, peu de petits commerces osent se lancer, persuadés que c’est au-dessus de leurs moyens. La création d’un site Internet ou d’un compte sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) est gratuite. Tout comme un article dans la presse locale, à l’occasion d’un événement par exemple.
6. La mise en scène.
«La théâtralisation de la vitrine du magasin, avec mise en place d’un parcours client dans le point de vente, ou la valorisation de la marchandise avec un éclairage adapté», doit permettre d’attirer le chaland et de susciter le désir d’achat, suggère Bénédicte Boudet-Corric.
7. Les services personnalisés.
Peu de moyens sont nécessaires et permettent de se distinguer dans un environnement concurrentiel. La déléguée générale à la CDF suggère par exemple «la mise à disposition d’un point de recharge pour les portables, d’un accès Wi-Fi gratuit, des séances de relooking, des dégustations en boutique ou des livraisons à domicile».
8. Le regroupement généralisé.
Pour Bénédicte Boudet-Corric, indépendance ne doit pas rimer avec solitude. «Les commerçants, artisans, professions libérales peuvent, et doivent, se rassembler au sein de structures représentatives pour travailler sur des animations et actions communes, harmoniser leurs horaires d’ouverture, pour le développement économique du périmètre (adaptation des Sociétés de développement commercial du Québec en France) ; adhérer aux fédérations professionnelles pour bénéficier notamment de conseils juridiques et services ; ou collaborer avec les réseaux consulaires (chambre de commerce et d’industrie, chambre de métier et d’artisanat)».
9. L’investissement dans la vie de la ville.
En lien avec les élus en charge du commerce et de l’animation touristique, ou les associations locales, les commerces indépendants participent à des événements locaux : braderies, fêtes commerciales, loto de la commune…
10. Développement du BtoB.
Ce relais de croissance, encore peu utilisé, est pourtant une manne pour l’artisanat commercial et les commerces de proximité. En proposant leurs services aux entreprises voisines, sous forme d’échange ponctuel, d’abonnement ou de coffrets cadeau, ils développent leur clientèle.