Récemment condamnée à 58 000 euros d’amende dans une affaire de loyers illégalement perçus par sous-location, la plateforme américaine voit s’ouvrir un nouveau front judiciaire potentiellement explosif. Gaëlle Toussaint-David, avocate au sein du cabinet PwC Société d’Avocats, revient sur les principales conséquences de cette décision.
Quelles sont les conséquences de cette décision pour la plateforme, les propriétaires et les locataires ?
La décision qualifie la plateforme d’éditeur et non de simple hébergeur, ce qui fait peser sur elle des obligations de vérification des annonces publiées, et notamment – selon la décision – sur la licéité de ces annonces. Si Airbnb avait jusqu’ici mis en place une charte de bonne conduite, la décision pourrait lui imposer de vérifier les autorisations dont bénéficient les annonceurs sur le bien proposé à la location. En pratique, la plateforme pourrait devoir vérifier si l’annonceur est propriétaire du logement ou, dans le cas où il est locataire, s’il dispose du droit de le sous-louer.
Pour les propriétaires, cette décision leur permet, en cas de sous-location illégale effectuée par le biais de la plateforme, de disposer d’une autre personne à poursuivre en complément de l’action contre le locataire, et ainsi d’obtenir des dommages et intérêts de la part de la plateforme, ce qui peut être intéressant, notamment si le locataire est insolvable.
Pour les locataires, la décision n’apporte en principe pas de réelle modification puisque la sous-location non autorisée était illégale avant la décision, et le reste. En revanche, si la plateforme renforce le contrôle de la licéité des annonces, il leur sera plus difficile de contourner les règles du bail et de sous-louer s’ils n’y sont pas autorisés par leur propriétaire. Ils auraient donc intérêt de solliciter cette autorisation en amont.
Quels sont les droits et obligations en matière de contrat de location ? Qu’en est-il des contrats souscrits via une plateforme numérique ?
Le principe est que le locataire n’a pas le droit de sous-louer son logement. Il ne peut le faire que si le propriétaire l’a autorisé à sous-louer et que cette autorisation a été faite par écrit (en application de l’article 8 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989). Cette interdiction de principe s’applique quel que soit le biais par lequel la sous-location est effectuée, c’est-à-dire directement ou via une plateforme.
Quelle est la part de responsabilité d’Airbnb dans les activités de sous-location ?
Selon la décision, qui qualifie la plateforme d’éditeur et lui impose donc de ce fait des obligations de vérification de la licéité des activités intervenant sur son site, la plateforme est coresponsable avec le locataire qui sous-loue illicitement. Elle peut donc être condamnée au paiement des dommages et intérêts au propriétaire solidairement avec le locataire. En pratique, cela signifie que le propriétaire peut réclamer la somme à Airbnb.
Le modèle économique de la plateforme est-il menacé ? Est-ce un frein pour l’ubérisation de l’économie ?
Si la décision était confirmée, le modèle économique des plateformes sera impacté car la plateforme devrait mettre en place des systèmes de vérification de la licéité des annonces, par exemple par la vérification de l’existence d’une autorisation de sous-location, ce qui alourdit son process actuel et impliquerait des investissements, soit par le biais de développements informatiques (ex: intelligence artificielle) ou par le biais de recrutement de personnes dédiées à la vérification des annonces.
C’est effectivement une contrainte qui alourdit la charge supportée par les plateformes qui permettent la rencontre de l’offre et de la demande, en leur faisant supporter la responsabilité de la licéité des offres de services (ou de produits) qui transitent par leur intermédiaire.