La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS
Les utopistes imaginent toujours que les situations exceptionnelles ou les crises vont faire ressortir ce qu’il y a de mieux chez les hommes et tirer les sociétés vers le haut, mais c’est une erreur ! La société est toujours animée par les mêmes composantes, dans les mêmes proportions, tant pour la violence que pour la beauté des choses.
Et s’il n’est pas surprenant que les médias n’aient vu les effets du confinement qu’en termes de statistiques effrayantes sur le nombre de décès ou sur l’augmentation de la violence, il est désolant qu’ils n’aient qu’à peine évoqué leur impact sur les activités culturelles.
Lire, prendre le temps de regarder un bon film, trouver de nouveaux sujets d’enrichissement culturel, on sait aujourd’hui que le confinement décrété par le gouvernement dès l’apparition de la pandémie mondiale y a bien contribué. Dès la première surprise passée, les médias auraient en effet pu titrer sur le nouvel engouement de nos compatriotes pour la culture. Parce qu’il faut bien le dire, dans une société comme elle l’était alors, tournée vers le l’argent et le pouvoir, la culture n’était pas la préoccupation majoritaire.
Mais non ! Les médias ont avant tout titré d’une part sur les statistiques des décès dus au COVID, d’autre part sur celles des services de police qui enregistraient une brutale augmentation des violences conjugales d’environ 35%, notamment en l’Ile-de-France. De leur côté, les associations d’aide aux victimes déploraient dans le même temps un accroissement sans précédent des appels au secours.
Si « la musique adoucit les mœurs », dit-on, on ne s’en est pas réellement rendu compte dans les semaines qui ont suivi le 17 mars 2020, le temps libre auquel la population a été contrainte ne semblant pas s’être traduit en détente et en loisirs, sportifs ou culturels, mais en tensions et en violences, les plus inacceptables, contraires à la morale républicaine et aux valeurs de notre civilisation, étant commises dans le huis-clos des familles, d’abord sur les conjointes, et dans un second temps, sur les enfants.
La Justice, elle aussi confinée, a néanmoins privilégié ses rares interventions sur ces délits et crimes insupportables, jusqu’à faire cesser la cohabitation lorsque celle-ci était dangereuse. Accueillir les victimes de violences intrafamiliales, les orienter, les protéger et les accompagner devait pouvoir également perdurer, alors que le confinement risquait précisément de les exposer de manière répétée à la violence. Le numéro 3919 « Violences Femmes info » a comptabilisé en 2019 près de 100.000 appels contre 61 280 et 2017
L’accès classique à la culture
Mais les utopistes ne s’étaient heureusement pas entièrement trompés. Le confinement n’a pas eu que des effets induits par la violence fondamentale de notre société. Ainsi, dès le printemps 2020, le confinement a bouleversé l’accès à la culture. Privés de leur liberté d’aller et venir, et ne pouvant plus accéder à leurs magasins favoris, librairies, grandes surfaces culturelles, cinémas ou théâtres, les Français ont modifié leurs pratiques et utilisé leur temps libre d’une façon nouvelle pour accéder à la culture.
Dès le premier confinement, ils ont réorganisé leur agenda quotidien au sein de leur univers domestique clos, et ils ont profité de cette marge de temps disponible pour satisfaire autrement leur besoin de lire, d’écouter de la musique, de regarder des images ou des films, voire de jardiner ou de décorer leur intérieur, en ayant recours un peu plus qu’avant aux biens et aux services culturels numériques.
Selon des études du CREDOC, nous avons profité de cette situation un peu surréaliste pour nous adonner, plus qu’avant, aux pratiques culturelles. Les consommations ont progressé, tout particulièrement pour ce qui concerne l’audiovisuel (jeux vidéo et visionnage de vidéos en ligne). L’isolement créé par le confinement strict des premières semaines a poussé les internautes, notamment les jeunes générations, à utiliser encore plus systématiquement les réseaux sociaux, avant tout pour des usages communicationnels.
Quant aux seniors, parfois moins familiarisés avec la culture digitale, ils ont cherché à se l’approprier en cherchant à se procurer de nouvelles ressources culturelles via le numérique (musées et spectacles en ligne, livres disponibles sur des plateformes gratuites ou à l’achat). Les études ont montré d’ailleurs que les conditions matérielles du confinement, la taille des foyers, ou le nombre de personnes y vivant, avaient eu une influence sur l’intensité et la diversité des pratiques, et notamment le renouveau du goût de la lecture.
Car nombreux sont eux qui considèrent la lecture, comme une thérapie ! Quelques intellectuels ont d’ailleurs fait passer des messages dans ce sens, à l’instar de Daniel Pennac qui expliquait sur les ondes au début du confinement que des « gens ont été sauvés par la lecture dans des périodes de claustration ». Durant un confinement comme ceux que nous avons successivement vécus, le sentiment d’enfermement peut dévorer l’esprit. Et face à ce désespoir, cette maladie qui ronge l’âme, la lecture est un magnifique moyen de s’évader, « en allant dans un autre territoire, en allant dans l’immense territoire qu’est la littérature ».
Et, contrairement aux idées reçues, la lecture n’est pas une activité réservée aux seniors et désertée par les milleniums ! Le cerveau a besoin d’être entretenu et la lecture est pour lui un excellent stimulant. Éloigner le stress est une des vertus de la lecture, de la même façon qu’elle est, chacun le sait, un excellent moyen d’améliorer son sommeil. Lire avant de se coucher met en place un rituel qui indique au cerveau qu’il est temps de se reposer, contrairement à la consommation d’images, de films, ou le travail sur ordinateur qui sont autant de signaux opposés, marquant que n’est pas encore venu le temps de dormir !
Selon le Syndicat National de l’Edition (SNE), si l’année 2019 avait connu une augmentation d’environ 3,8 % de la vente de livres, le premier confinement a entraîné, pour 2020, une chute des ventes de livres très variable selon les secteurs. Les ouvrages de documentation générale et les livres d’art ont particulièrement souffert. À l’inverse, les livres scolaires, et parascolaires, les livres pour la jeunesse, la littérature et surtout les bandes dessinées et les mangas ont vus leur vente augmenter jusqu’à plus de 6 %.
Si le premier confinement a été globalement marqué par un recul de la vente de livres, cela ne signifie pas que la lecture elle-même en a pâti. Les études ont montré que les acheteurs se sont rapidement tournés vers les modes d’achat « digitaux », via les sites internet, soit pour acheter des livres physiques, soit pour en acquérir des versions dématérialisées. Même si les ventes ont diminué, les Français n’ont pas arrêté pour autant d’acheter des livres et de lire. Ils ont même passé plus de temps à lire qu’à écouter de la musique en streaming ou à jouer aux jeux vidéo. Et dès la fin du premier confinement, ils ont retrouvé le chemin des magasins physiques comme circuit d’achat principal, alors que le marché de l’édition numérique poursuivait sa progression.
L’accès digitalisé à la culture
Depuis mars 2020, les confinements successifs ont modifié considérablement le comportement et les habitudes de consommation des citoyens qui se sont massivement tournés vers les appareils connectés pour les aider à assumer le stress de leur vie quotidienne.
Dans les pays qui ont été soumis à des mesures très strictes de confinement, et donc de privation de leurs libertés fondamentales, on a pu constater une forte augmentation de l’activité digitale. Bloquées chez eux, les intéressés se sont tournés vers tous les types d’appareils connectés. Leur utilisation a pu être, très banalement, destinée à « tuer le temps », mais aussi à communiquer ou à effectuer leurs achats de première nécessité. Mais les enquêtes montrent que la technologie digitale a été également utilisée pour les besoins culturels, lecture, musique, visionnage de films et jeux, que ce soit en solitaire ou en confrontation sur le net avec d’autres « gamers ». Le monde culturel des citoyens confinés s’est particulièrement développé autour de la technologie des écrans, ceux des smartphones, des ordinateurs, des tablettes, des postes de télévision ou des consoles de jeux vidéo.
Mais selon une étude de GWI, ce sont les services de streaming qui ont le plus profité de cette période d’enfermement obligé. Plus d’un tiers des internautes ont reconnu avoir passé plus de temps à regarder des émissions de télévision et des films via ces plateformes. 2020 aura consacré Netflix comme le grand gagnant de la lutte entre les majors, face à Disney ou Amazon Prime, même si en ces jours de janvier 2022, Netflix semble en difficulté…
De leur côté, dès les premières semaines du confinement de 2020, les réseaux sociaux, et tout particulièrement Twitter, ont tous constaté une augmentation, d’abord du nombre de leurs utilisateurs, mais aussi du temps passé par ces derniers sur leurs plateformes d’échange, sans doute pour lutter contre le stress. WhatsApp et Facebook Messenger auraient même vu doubler le nombre des appels passés par leurs utilisateurs au cours du second trimestre de 2020, la palme revenant toutefois à TikTok qui s’est alors placé en tête du classement mondial des téléchargements d’applications au moins temporairement.
Les jeux vidéo ont également profité de cette période difficile pour les esprits confinés. Les internautes du monde ont consacré une part significative de leur temps à jouer, mais aussi à regarder du e-sport.
Un peu en marge des considérations purement culturelles, mais toujours dans le domaine du digital, on peut citer l’exemple des entreprises qui ont rapidement pu mettre en place des solutions de secours permettant de contourner le confinement en mettant en œuvre des outils d’échanges et de télétravail. Leur besoin de recourir aux téléconférences a largement profité à l’outil de visio-conférence Zoom, principal bénéficiaire du phénomène dont le nombre d’utilisateurs journaliers a alors été multiplié par 10. Il faut remarquer que l’utilisation de cet outil professionnel a rapidement été utilisé dans des cadres plus privés, par exemple pour se réunir entre amis.
Les événements sanitaires ont montré que les citoyens étaient, quelle que soit leur mode d’approche, attachés à l’idée même de culture et qu’ils s’intéressaient à en pratiquer toutes les formes. Contrairement à de nombreuses idées reçues, il y a de la place pour la lecture, le cinéma, les séries, le jeu, le sport, il y a de la place pour le bien culturel sous sa forme physique (livre, BD, disques vinyle ou CD, DVD, etc.) et sous sa forme dématérialisée.
En revanche, cette période de confinement a montré de grandes disparités entre ceux qui en font commerce, entre la petite librairie et le disquaire de quartier et les GAFA qui veulent tout faire et tout prendre. La culture est multiforme, elle le restera, sa diffusion, en revanche, ne peut pas et ne doit pas être monopolistique ! Il faut donner la préférence à des entreprises qui s’ouvrent à toutes les formes de culture et les développent, et demeurer très méfiant à l’égard de celles qui veulent tout accaparer au point de nous dicter nos goûts et nos achats culturels, tout en nous imposant, sous forme de licences d’utilisations, leur code de censure.
La mise en opposition, évoquée en introduction, entre la sauvagerie des violences intrafamiliales et l’apport pacificateur de la civilisation grâce à la culture présente un double intérêt : souligner l’importance de la culture dans une société gagnée par l’individualisme et les instincts les plus grégaires, et appeler à la préservation d’une diversité culturelle identifiée en tant que marqueur de civilisation.
Sans vouloir répéter le propos, il est important de se garantir contre les monopoles qui nous dictent des règles opposées aux traditions culturelles que nous voulons faire vivre. Il est par ailleurs tout autant indispensable de défendre âprement les valeurs sociétales que nous portons, humanisme, tolérance, respect d’autrui et de soi-même, amour du travail bien fait…
Le groupe d’édition français d’envergure internationale Média-Participations, dirigé par son Président Vincent MONTAGNE, porte ces valeurs avec conviction !
Un bel exemple d’activité à 360°
Le groupe s’est progressivement constitué à partir de 1981, autour de l’hebdomadaire Famille chrétienne en reprenant diverses maisons d’édition religieuses alors en difficulté. À la suite de la fusion des éditions Fleurus et des éditions Mame, la société Média-Participations sera créée en 1986.
Son histoire le démontre, au fil des décennies, il a compris que son développement devait se faire en embrassant tous les métiers qui contribuent à la diffusion la plus large de la culture.
C’est ainsi que, progressivement, le groupe procédera à des acquisitions importantes, comme celle des maisons d’édition (Desclée, Le Lombard) et un éditeur de vidéos (Citel). Par la suite, à la fin des années 80, le groupe fera l’acquisition de l’éditeur de bandes dessinées Dargaud très connu par les jeunes générations.
À partir de 1991, le groupe va être dirigé par Vincent Montagne, qui succède à son père, créateur du groupe. Sous sa direction, en 1992, Média-Participations, à travers sa branche Citel, obtiendra un accord de licence vidéo des droits des Aventures de Tintin et fera l’acquisition des éditions Blake et Mortimer, ouvrant ainsi une porte directe en direction du public déjà conquis des jeunes générations.
La suite montrera l’éclectisme de la démarche du groupe : en 1996, acquisition de Dargaud Media, en 1999, création de Lucky Comics pour l’édition et les droits du personnage Lucky Luke ; en 2001, acquisition des droits des héros de bandes dessinées Cubitus, Achille Talon et Boule et Bill ; et la même année lancement de la chaîne de télévision française Télé Mélody, dontMédia-Participations est l’un des premiers actionnaires.
En 2002, le groupe va faire l’acquisition de la maison de production de dessins animés Storimages, de la société de production d’animation Ellipsanime et des Éditions Mango. C’est en 2004 que Média-Participations va acquérir l’éditeur de bandes dessinées belge Dupuis, le groupe devenant alors l’éditeur de bandes dessinées le plus important en Europe et le troisième éditeur français.
Pour bien montrer sa diversité, on peut rajouter, entre autres acquisitions ou prises de participation, que Média-Participations passera, toujours en 2004, un accord de distribution avec le groupe Michelin et les Éditions des Voyages Michelin. Entre 2008 et 2017, le groupe Média-Participations va également s’intéresser aux jeux vidéo et aux logiciels de loisirs (Anuman Interactive ou Gravity Europe) et créer les Éditions Huginn&Muninn, il a par ailleurs, au cours de cette période, repris les Editions Le Seuil, L’Olivier et La Martinière.
Dans le domaine de l’économie ouverte à 360° sur toutes les formes de culture, il faut rajouter que Média-Participations s’est associé à la création en 2018 du Parc Spirou à Monteux (Vaucluse). Le développement relativement récent en France de parcs d’attraction est une manifestation majeure de l’industrie du divertissement. Associés à un personnage tel que les héros de bandes dessinées préférés des adolescents, ces parcs sont devenus à la fois des instruments de promotion et des supports de communication incontournables.
Le président de Média-Participations, Vincent Montagne, est également président du Syndicat National de l’Edition, et a été récemment élu président de la Fondation Dauphine.
Bernard Chaussegros