Alors que les milliardaires américains se lancent dans le tourisme spatial, le CNES et NUBBO lancent à Toulouse « TechTheMoon », le premier incubateur français dédié à l’économie lunaire.
Il s’agit d’une première dont les objectifs s’affichent haut et clair : innover pour et par la Lune en réponse au défi « vivre et travailler sur la Lune » de manière durable et réaliser le lancement commercial de la solution en réponse à un premier besoin terrestre. Pour ce faire, l’incubateur lance un appel aux startups sur trois grandes thématiques qui sont la ressource, l’infrastructure et le support vie. La ressource est axée sur l’énergie, l’infrastructure sur la création d’un camp de base autonome, le support vie sur le maintien en bonne santé d’une équipe installée sur la lune pendant plusieurs mois. L’incubateur se veut être l’endroit où les « pionniers de l’économie lunaire » se rassemblent afin de contribuer à un nouvel « écosystème commercial Terre-Lune à forte valeur ajoutée ».
Une organisation haut de gamme
L’incubateur s’est constitué autour d’une équipe de « mentors » très haut de gamme qui se sont engagés à mettre leur expertise et leurs réseaux au service des projets retenus. On y trouve des super professionnels de Thalès, du Boston Consulting Group, de chez Michelin, EDF, de l’armée, du Sportslab Decathlon, etc., en bref la « crème de la crème » comment dirait nos voisins britanniques. Les soutiens financiers sont d’ores et déjà prévus, aux candidats de faire le job pour bénéficier de cet accompagnement prévu sur une année.
CNES, Nubbo, les porteurs du projet
Trois personnes sont aux manettes de l’incubateur. Le chercheur Thomas Fouquet a travaillé au CEA, puis s’est lancé dans l’entrepreneuriat aux Etats-Unis, devenant également business angel dans le monde de la tech. Il revient en France et intègre le CNES il y quatre ans en charge de l’innovation, des applications et de la science. Il est plus particulièrement responsable du « Moonshot Institute » dans lequel le nouvel incubateur est intégré. Jean-Claude Benech a longtemps travaillé au CNES, occupant de nombreuses fonctions différentes en relation avec l’animation d’équipes, l’observation de la terre, la défense des intérêts français.
Depuis 2013, il est en charge des affaires régionales au Centre Spatial de Toulouse. Directrice de NUBBO, Anne-Laure Charbonnier a passé la majeure partie de sa vie professionnelle dans les collectivités territoriales et a rejoint la startup depuis 2012 où elle est plus particulièrement impliquée sur les sujets de financement.
Lune : une concurrence féroce
La concurrence règne déjà autour de notre satellite lunaire. La course à la Lune est déjà lancée. En 2026, des premiers explorateurs lunaires pourraient se poser sur notre satellite pour s’y installer durablement dès 2030.
La Lune sera la première étape vers Mars. Les États-Unis ont lancé la danse du côté occidental, ils ont l’intention d’y retourner dès 2026, non pas pour de la simple exploration, mais dans un objectif clairement économique. C’est la Chine qui a fait bouger les choses en mettant en avant ses ambitions. Sa montée en puissance sur les questions spatiales a mis en alerte les Américains, pour qui il est hors de question de se retrouver en situation de faiblesse vis-à-vis d’un pays qu’ils ont en ligne de mire dans bien des domaines.
Des accords internationaux
Les accords Artémis sont un ensemble qui réunit les signataires dont les premiers sont l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, le Luxembourg et les Émirats Arabes Unis autour des États-Unis. Depuis l’an dernier, l’Ukraine, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et le Brésil ont également signé les accords. Ceux-ci se présentent comme un prolongement du Traité de l’Espace signé en 1967. Les grands principes de base s’en rapprochent d’ailleurs avec les principes d’exploration pacifique, de transparence, d’interopérabilité et d’assistance d’urgence. On y évoque également le problème des débris spatiaux et la question des ressources spatiales.
Le programme Artémis
Les pays signataires apportent leur pierre à l’édifice de la mission élaborée par la NASA. Un programme spatial habité était dans ses dossiers avec une programmation assez aléatoire pour 2028. C’était sans compter avec Donald Trump qui a avancé la date de quatre ans en avril 2019. L’agence spatiale américaine a déjà commencé à travailler en déboursant près d’un milliard de dollars pour que trois entreprises concurrentes travaillent sur le projet d’atterrisseur lunaire humain. Il s’agit de Blue Origin, Dynetics et SpaceX. Au Japon, un prototype de véhicule lunaire habité est à l’étude avec le groupe Toyota.
Le timing est serré pour une telle ambition, et doit se dérouler en trois phases : le lancement d’un vol inhabité dans un premier temps, suivi du lancement d’un vol habité en orbite autour de la lune et, pour finir, la dernière phase d’Artemis qui consiste en l’alunissage du module lunaire avec deux astronautes en 2024. Un budget a été voté pour la période, d’un montant de 28 milliards de dollars.
La Chine dans les starting blocks
Le gouvernement chinois a annoncé son intention d’établir sur la lune une station scientifique internationale à partir de 2030. Et cela semble bien parti ; le pays ayant déjà fait alunir son atterrisseur sur la face cachée de la Lune en janvier 2019. On comprend que les Américains soient quelque peu fébriles ; les Russes, après une hésitation, ont finalement porté un intérêt tout nouveau au projet de leur grand voisin pour y participer.
Après la Lune, objectif Mars
Tous les objectifs géopolitiques ne sont évidemment pas annoncés, mais il est clair que l’installation sur la lune d’astronautes pour des séjours relativement longs afin d’assurer une présence humaine permanente en dira long sur les compétences technologiques et les capacités des différents pays. Sans oublier le vieux relent de « colonisation » de l’espace qui sous-tend les discussions. Les autres éléments essentiels qui motivent les centres spatiaux des grandes puissances sont de divers ordres : organiser une base pour aller sur Mars, entraîner des astronautes à vivre sur de longues durées ailleurs que sur Terre, un peu à l’image de ce qui se pratique dans l’Antarctique où des chercheurs internationaux effectuent des missions de plusieurs mois.
D’autres points sont évoqués, moins évidents, comme l’exploitation d’éventuelles ressources, notamment l’eau et l’hélium. Pour TechTheMoon, la concurrence s’annonce rude, car, à ce jour, aucun projet d’ampleur européenne n’a vraiment vu le jour sur un sujet spatial qui implique de gros investissements.