Par Didier Pitelet
Tribune. Symbole d’un monde du travail obsolète, le Contrat à Durée Indéterminée reste le sésame incontournable pour avoir l’illusion de bâtir sa vie en particulier pour se loger ou accéder à la propriété. Les banques sont depuis toujours le sponsor numéro 1 hypocrite de ce statut qui ne protège pourtant plus grand monde depuis longtemps dans le monde du travail.
Les jeunes en font même la caricature d’un univers professionnel dépassé et archaïque, pétri de statuts et autres conventions en décalage total avec leur envie de liberté et d’indépendance. De plus en plus nombreux à faire « l’entreprise buissonnière » (cf. La Révolution du Non aux éditions Eyrolles), ils le transforment à leur avantage sans s’en sentir nullement dépendants. Il ne s’agit en aucun cas « de perdre sa vie à la gagner » et contrairement aux idées reçues, l’arrêt des embauches dû à la crise du covid-19 associé à la précarité sociale annoncée partout ne changera en rien cette perception.
Plus aucun jeune ne veut se sentir « propriété d’un employeur » et dépendant d’une forme contractuelle sur le long court. L’enjeu pour les entreprises mais, par-delà le code du travail et l’ensemble des DRH, est d’inventer les nouvelles formes de relations contractuelles professionnelles.
Comme souvent les usages précèdent les réformes : les slashers ont depuis plusieurs années fait accepter les vies multiples chez un même individu, les ruptures de période d’essai ou de CDI pour changer radicalement de vie se développent…
Les questions existentielles inhérentes à la période du confinement vont accélérer les mutations saillantes depuis dix ans au profit d’une indépendance croissante des salariés face à leurs employeurs. L’évolution du contrat de travail n’étant qu’une composante naturelle de cette évolution, tout comme les statuts cadres et non cadres qui perpétuent un clivage et une identification d’un autre temps. Face à une génération « hors cadre » et des usages de vie inédits, qui peut croire que l’étiquette de cadre fasse rêver ?
Le recours aux CDD prenant de plus en plus forme la forme d’une hypocrisie sociale qui, au-delà de la précarité assumée, ne fait que masquer grossièrement celle du CDI. Il est temps de repenser la nature des liens contractuels entre une personne et son employeur.
Le contrat doit être le reflet de l’esprit de la relation et non plus de la posture sociale, puisqu’après 40 ans de yoyo social, tout le monde a compris que la protection sociale contractuelle est une chimère. L’enjeu étant de revaloriser durablement la valeur travail pour gommer les dérives de l’égalitarisme qui a remis en cause l’ascenseur social français, il y a urgence à valoriser le contrat de mission/de partenariat pour en faire un outil évolutif du parcours professionnel ; ce contrat de mission ou contrat de partenariat doit permettre de sortir de la dialectique éculée de notre dialogue social en tournant le dos aux relents de luttes de classes au profit d’une responsabilisation accrue des personnes.
La nature contractuelle du travail en France contribue en partie à la défiance constatée un peu partout. Derrière la notion de contrat de partenariat qui remplacerait de fait toutes les formes de contrats actuelles (cdi, cdd et intérim), il s’agit de valoriser la mission avant tout et les engagements mutuels pour libérer les énergies et l’innovation. Le CDI ankylose les relations au travail et son corollaire le chômage. En changeant la nature contractuelle, nous devrons aussi passer d’un chômage d’assistance à un chômage de responsabilité « utile » au sens période de transformation en vue de décrocher de nouveaux contrats de partenariat.
Le contrat de partenariat positionne l’individu dans une relation gagnant/gagnant objective. L’adhésion des deux parties ne repose plus sur la mise en œuvre de compétences nimbées de markéting et de culture mais bien d’un vrai projet de vie fondé sur l’association éclairée entre un projet individuel et un projet d’entreprise.
Cela impose de la part de l’entreprise de savoir valoriser sa raison d’être et de sortir de la langue de bois corporate et pour le salarié de maitriser toutes les composantes de son employabilité. Chaque contrat de partenariat devant garantir une clause de formation et/ou d’évolution de compétences, forme de bonus non pas numéraire mais de progression sociale/professionnelle.
A un moment où l’on parle de revenu universel, d’explosions des organisations au profit de nouveaux modes de vie (à commencer par le télétravail), de nouvelles formes de leadership, le CDI apparait comme un verrou à faire sauter pour oser inventer pleinement une nouvelle relation au travail et pourfendre le statut Co pathétique tripartite entre les syndicats, le patronat et les politiques.
Le contrat de partenariat/mission est une opportunité pour contribuer à un nouveau pacte social.
Didier Pitelet
L’auteur. Reconnu comme l’un des meilleurs experts européens en communication et en management, Didier Pitelet, après 16 ans passés chez Publicis à la tête de plusieurs entreprises de conseil et de communication, a fondé en 2006 Onthemoon puis a lancé en 2019, une nouvelle adresse, La Maison qui rassemble : Henoch Consulting, MoonPress et StudioMP2 dédiées à tous les enjeux de culture d’entreprise et change management.
Il est Président du Cercle du Leadership et administrateur du Fond de dotation La Maison des Bien Aimés. Ses ouvrages et tribunes développent depuis plus de vingt ans les enjeux de gouvernance d’entreprise et de management des relations humaines pour les années à venir. Auteur d’une dizaine d’ouvrages, il a publié en mars 2016 aux éditions Eyrolles « Le Pari de la Culture, petit éloge de la culture d’entreprise », préfacé par Matthieu Ricard et en janvier 2020, son nouvel ouvrage « La Révolution du Non ! » aux éditions Eyrolles qui rappelle que l’entreprise peut encore être un lieu de vie en échos à l’envie d’être des nouveaux humains.