Corinne Grapton a osé quitter un poste feutré de cadre d’une multinationale pour lancer sa propre affaire. Cette Lyonnaise hyper motivée saute le pas pour créer, avec l’homme de presse Michel Moulin, un nouveau groupe spécialisé dans les projets d’éclairage LED. Un marché d’avenir, où le point lumineux apportera non seulement la lumière, mais aussi de précieuses informations connectées.
Comment est née votre entreprise LE STUDIO LED ?
Nous avons créé la société avec mon ami Michel Moulin (fondateur du journal Le 10 Sport), son fils Thibault et Sophie Tribondeau. Nous avons créé la marque autour de ces valeurs de bienveillance, de travail en « famille » et d’enrichissement mutuel.
Je tenais à associer des jeunes motivés qui ne connaissent pas nécessairement le monde de l’entreprise avec des compétences à développer. L’alchimie de ces valeurs nous a permis d’embarquer les gens avec nous et de créer quelque chose de solide pour asseoir le développement personnel et professionnel.
Nous encourageons nos clients à venir nous voir et nous faisons en sorte qu’ils se sentent chez nous comme s’ils étaient chez eux. Cette conception représente assez bien notre activité d’architecture et de conception de projets lumineux.
Pourquoi avoir choisi le développement durable comme axiome ?
A l’époque, tout le monde parlait de développement durable mais c’était encore très théorique et personne ne le faisait. Je trouvais important de se dire qu’il existe trois pans dans un projet : économique, sociétal et environnemental.
Michel Moulin avait rencontré un ingénieur qui concevait des solutions LED. En échangeant avec lui, j’ai trouvé l’idée excellente car elle permettait simultanément de faire gagner de l’argent à nos clients, d’apporter du confort en éclairant mieux, et de consommer moins d’énergie.
La transition énergétique était toute trouvée et ces solutions LED constituaient une véritable innovation. A l’époque, ce discours devait être évangélisé. Il existait déjà des acteurs très forts sur ce marché sur lequel on ne nous attendait bien évidemment pas.
L’idée était de créer notre société en reproduisant ce que j’avais fait chez Ricoh. Le projet consistait à apporter des services sur un marché de consommables en proposant des projets avec de la valeur ajoutée pour vendre, voire louer de la lumière et non des ampoules.
Comment avez-vous construit votre positionnement ?
C’est un marché extrêmement fermé qui dispose d’un réseau de distribution et de prescripteurs établis avec des architectes, des bureaux d’études, des installateurs, et de grands distributeurs de matériel électriques.
Nous souhaitions apporter une dimension de services et concevoir des solutions d’éclairage sur mesure afin de les adapter aux projets de nos clients. Notre philosophie n’était pas celle d’arriver avec un produit et de le mettre sur le marché.
Nous nous engageons sur des résultats bien plus que sur la vente de moyens : nous définissons le projet avec notre client, nous établissons un plan de communication avec lui, nous concevons des solutions, nous assurons l’installation…
Nous réalisons donc des projets clés en main et intervenons jusqu’au financement du projet. Cette transversalité plaît au client car il n’a pas toujours les moyens, le temps et les compétences internes pour mener ce type de projets qui sont pourtant stratégiques !
Avant de me lancer dans l’aventure et de quitter Ricoh, je devais préalablement m’ assurer que nous avions une place à saisir.
Avez-vous mesuré les risques que ce projet comportait ?
Quitter la proie pour l’ombre a du bon mais ayant des responsabilités familiales, je devais évaluer le risque de quitter un beau poste, une belle rémunération pour me lancer dans la création d’entreprise pour la première fois.
Rétrospectivement, je dois avouer que nous n’avons absolument pas réfléchi à ce que nous faisions, nous étions animés par la volonté de le tenter. Si je ne me lançais pas à 45 ans, je ne l’ aurais certainement jamais fait.
Dans le meilleur des cas, j’apprenais de Michel, entrepreneur averti et reconnu (pour avoir créé de toutes pièces Paru Vendu) et nous réussissions ensemble. Dans le pire des cas, j’aurais repris un job au sein d’une entreprise.
Comment avez-vous réussi à vous faire une place ?
Nous avons réalisé des tests avec différents types de clients. Nous avons gagné un marché avec Istres qui fut la première ville en France, voire en Europe, à passer en 100% LED pour son éclairage public et pour tous ses bâtiments. Nous intervenons dans des contextes très différents : McDonald’s, Leclerc, des bureaux, de la logistique (1er site Danone en LED, NDLR).
Nous avons identifié une vraie place à prendre et nous avons souhaité prendre le temps de construire notre offre, d’accompagner nos clients, et de développer nos solutions. Aujourd’hui, nos clients sont toujours à nos côtés et continuent à nous faire confiance.
Qui sont vos clients ?
Ce sont essentiellement des grands comptes. Sur les 50% de notre activité liée à l’éclairage public, nos clients sont des collectivités, nous travaillons avec des bailleurs et installateurs locaux et nationaux comme Derichebourg, Bouygues, Eiffage ou SPIE.
Un second volet de notre activité adresse le secteur privé ou semi privé avec des clients grands comptes tels que la SNCF, Geodis, Danone ou Malakoff Médéric.
Nous sommes devenus un acteur important sur la partie logistique car l’industrie et la logistique sont des secteurs où les clients consomment beaucoup d’énergie et où la lumière a un véritable impact sur la productivité et le bien-être des salariés.
Notre démarche s’ inscrit dans un cercle vertueux car nous leur permettons de diviser leur consommation d’ énergie par trois. Sur 10 ans, la ville d’Istres va économiser plus de 7 M¤ nets.
Pourquoi le déploiement de la Led en France n’est-il pas plus rapide ?
C’est un vrai enjeu de services qui suppose de repenser les environnements. Le déploiement de la LED est très impactant car changer la lumière modifie complètement l’environnement de travail ou l’environnement externe, cela fait appel à des expertises (étude d’ éclairement, conception adaptation d’une solution technique, etc) que nous avons développées.
Nous allons même au-delà en intégrant des systèmes d’intelligence à notre solution grâce à des partenaires comme Kawantech, Piman ou Enlighted : les sites de Geodis font partie des premiers sites complètement intelligents. Geodis réalise ainsi 94% d’économie d’énergie dans la mesure où la lumière ne s’allume que lorsqu’il y en a besoin.
Nous proposons également des solutions de géolocalisation et de sécurisation de sites via un système d’alerte. Nous devons rester continuellement en veille afin d’ imaginer la prestation de services ou la solution afin que demain, nos clients puissent non seulement bien s’éclairer mais également avoir de nouvelles opportunités d’ économie ou de services dans leur environnement.
Comment voyez-vous évoluer le marché ?
On peut établir un parallèle avec Ricoh. Au départ, Ricoh vendait des photocopieurs qui n’étaient pas connectés, l’informatique a ensuite permis de connecter ces copieurs qui sont devenus multifonctions (scanner, fax, imprimantes, etc).
Leur business model initial axé sur l’impression a donc évolué pour devenir un modèle axé sur la numérisation. Le téléphone a également connu une profonde révolution : on ne téléphone quasiment plus, mais on utilise son téléphone pour d’autres usages.
Le marché du point lumineux est amené à vivre les mêmes évolutions et le véritable avantage est que, de la lumière, il y en a partout !
Pourquoi avoir été séduite par cette approche autour du point lumineux ?
Nous œuvrons dans l’immédiat afin qu’ils s’éclairent mieux en consommant moins, et nous souhaitons faire en sorte que demain ces points lumineux soient communicants et puissent apporter d’autres services. Les idées sont multiples : pilotage à distance des points lumineux, intégration dans l’environnement client en utilisant la géolocalisation, la sécurité, la vidéo à travers des capteurs.
Les applications possibles dans les villes sont plurielles car le point lumineux est partout : détection des places de parking disponibles, identification lorsqu’une voiture roule en sens inverse, anticipation des bouchons, évaluation de la température ambiante afin de piloter la climatisation ou le chauffage d’un bâtiment, etc.
L’idée est de pouvoir piloter d’autres services : lorsqu’une salle de réunion réservée n’est finalement pas utilisée, un capteur le détecte et l’équipe de ménage n’est donc pas obligée de passer.
Il sera possible à l’avenir de tout connecter autour d’un point lumineux et de piloter un parc en ayant une vision de sa consommation de l’éclairage et de l’activité autour de ce point lumineux.
Nous ne sommes aujourd’hui qu’aux prémices de ce que l’on peut faire autour du point lumineux qui peut devenir un véritable centre d’informations pour rendre la ville et ses bâtiments plus efficients et plus intelligents.
Nous travaillons activement avec des start-up sur ce sujet pour restituer les données d’exploitation à travers une plateforme simple d’utilisation jusqu’à l’utilisation efficace et opérationnelle de l’intelligence artificielle.