La crise du Coronavirus, le triomphe des idées de gauche ? Pour certains journalistes et hommes politiques, la pandémie sonnerait le glas du libéralisme tout en se révélant une solution inespérée au réchauffement climatique. Décrits comme un rappel à l’ordre de mère Nature, le coronavirus et ses conséquences seraient ainsi le contrecoup d’une mondialisation mal maîtrisée. Un argumentaire médiatique bien ficelé, mais qui fait fi des réalités scientifiques et économiques.
Coronavirus : un nouveau prétexte pour mettre à l’index le capitalisme
Jeudi 12 mars, Emmanuel Macron s’est adressé aux Français. Lors de son discours, le Président a distillé un message de prudence avant de décrire, plutôt succinctement, les mesures prises pour lutter contre la propagation du virus. C’est au moment de conclure son allocution qu’Emmanuel Macron a lâché ces mots, a priori anodins : « il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour ». Il n’en faudra pas plus à certains responsables politiques de gauche pour tirer une conclusion sans appel : la crise du Covid-19 serait l’ultime expression d’une crise du libéralisme économique et de la mondialisation marchande. Jean Christophe Cambadélis, ancien premier secrétaire du PS en manque de médiatisation, déclarera que « le libéralisme sera la victime idéologique de cette crise sanitaire ». Ne se limitant pas à cette belle sortie, l’ancien homme fort de la gauche essaye de montrer qu’une plus grande dépense publique, un interventionnisme plus fort de l’État, aurait pu stopper la pandémie. Il conclut finalement sur un retour prophétique du PS au pouvoir, seul à même de panser les plaies d’un pays meurtri par le virus : « Le libéralisme étant pour un temps devenu obsolète […] les valeurs de gauche, la solidarité, les services publics, l’intérêt général, la justice sociale, la bataille pour le climat mettront à l’ordre du jour un autre modèle ».
Est-ce à dire que les pandémies sont un mal nouveau, spécifique à un monde globalisé ? Mais alors que penser de l’épidémie de peste noire de 1347, ayant causé la mort de plus d’un tiers de l’Europe médiévale ? Comment envisager l’augmentation graduelle de l’espérance de vie en France et dans le monde, grâce à la création d’un écosystème propice à la recherche médicale, lui-même dû à la libéralisation des échanges commerciaux ?
La dépense publique n’est pas la solution
La France, qui se targue pourtant de détenir le meilleur système de santé au monde, semble déchanter face à la crise sanitaire imposée par le Covid-19. Outre Jean Christophe Cambadélis, d’autres personnalités politiques sont montées au créneau pour demander une injection massive de capitaux dans le système hospitalier français afin de régler au plus vite ce problème. Pourtant les exemples mondiaux montrent bien qu’une moindre intervention de l’Etat ne se solde pas forcément par une moindre efficacité du système de santé. Le cas de la Corée de Sud illustre parfaitement bien cet état de fait. Pays largement converti aux vertus du libéralisme et de l’économie de marché, au système de santé largement géré par le privé, la Corée du Sud est le seul pays à avoir réalisé des tests de dépistages massifs sur sa population et ainsi endigué la propagation de la maladie. Séoul ne consacre pourtant, en moyenne, que 8 % de son PIB en dépense de santé, quand la France elle en dépense 11,1 %. Cet écart, qui peut paraitre minime, représentait une différence de 256 milliards de dollars en 2015. Preuve, s’il en fallait une, que « dépenser plus », comme sait si bien le faire la France, ce n’est pas forcément « dépenser mieux ».
Cette crise aura aussi surtout prouvé une fois de plus que les bureaucraties étatiques et le mille-feuille administratif sont de véritables boulets face à une crise sanitaire de cette ampleur. Au cœur de la pandémie, c’est bien les entreprises, les entrepreneurs et la société civile qui auront démontré leur réactivité et leur efficacité, n’en déplaise à Jean-Christophe Cambadélis.
Face à l’inertie des pouvoirs publics, le secteur privé a pris ses responsabilités, sans attendre les directives étatiques. Devant la pénurie de gel hydroalcoolique et de masque de protection, bon nombre de grandes entreprises ont réorganisé leur chaîne de production pour répondre à la crise sanitaire en cours : LVMH, Pernod Ricard… Toute la société française a répondu à la mobilisation générale, jusqu’aux bonnes sœurs de la Consolation de Draguignan, qui confectionnent depuis plusieurs jours jusqu’à 200 masques par jours ! Des initiatives qui fleurissent à toutes les échelles, aux quatre coins de la France, mais qui se caractérisent toutes par une forme d’indépendance et d’autonomie à l’égard de pouvoirs publics ankylosés.
Car l’individu autonome et libre n’a pas besoin d’être materné par un « État-nounou » omniprésent pour s’adapter à cette situation de crise sanitaire : déjà à Hong-kong en février dernier, face à certains risques de transmissions, les populations ont privilégié l’achat d’eau minérale en bouteille, pour ne pas risquer une contamination par l’eau des canalisations. En France, certaines pharmacies de la Vienne ont mis en place un service de « drive » pour minimiser les contacts et les risques d’exposition.
Excepté pour les indispensables messages pédagogiques autour des « gestes barrières », les pouvoirs publics semblent bien ridicules face à la réactivité de la société civile. D’ailleurs à l’avenir, les prochaines solutions pourraient encore venir du monde du privé, et plus particulièrement des entreprises de l’Intelligence Artificielle. Ainsi, Google a récemment développé une IA capable de dépister plus efficacement le cancer du sein. Cette capacité d’analyse poussée à son paroxysme, grâce au deep learning, pourrait bien aider les États à contrecarrer la propagation de l’épidémie, comme en Russie, où un logiciel intelligent a, par les biais des caméras de surveillance, pu retracer le parcours des personnes infectées pour établir une chaîne de contamination et placer en quarantaine les individus exposés à la maladie.
La crise du Covid-19, une crise du capitalisme ? Au contraire, face à l’incurie de la puissance publique, jamais la souplesse, la spontanéité et la créativité du marché n’avaient paru aussi nécessaires.