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Cosmétiques : après Filorga, Didier Tabary et le groupe Kresk voient l’avenir en grand


Après Filorga, le patron du groupe de cosmétiques Kresk, propriétaire de SVR, Lazartigue et Fillmed, veut aller vite et loin, en mer comme dans les affaires. Avec le recul, quelle a été votre motivation profonde pour vous lancer en 2006 dans l’aventure de l’entrepreneuriat, avec la marque Filorga dans un...

Entreprendre - Cosmétiques : après Filorga, Didier Tabary et le groupe Kresk voient l’avenir en grand

Après Filorga, le patron du groupe de cosmétiques Kresk, propriétaire de SVR, Lazartigue et Fillmed, veut aller vite et loin, en mer comme dans les affaires.

Avec le recul, quelle a été votre motivation profonde pour vous lancer en 2006 dans l’aventure de l’entrepreneuriat, avec la marque Filorga dans un premier temps ?

Didier Tabary : J’ai toujours eu envie d’entreprendre, cela fait partie de mon ADN. Pendant mes études, j’avais déjà créé une société d’importation de pulls irlandais. Ma motivation était simple : le besoin d’autonomie et de liberté, deux valeurs essentielles. J’ai souhaité faire mes classes, apprendre un métier, savoir ce qu’est l’entreprise, mais l’idée de me lancer ne m’a jamais quitté.

Pourquoi une reprise au lieu d’une création ?

D.T. : C’est l’histoire de l’escalier et de l’ascenseur. Avec une base déjà existante, il est possible de se projeter de façon plus rapide. Les premières années sont toujours très compliquées. Il faut du temps pour peaufiner le business model et recruter les équipes. Quand j’ai repris Filorga, qui vendait des produits et dispositifs médicaux à des médecins, l’entreprise travaillait en B2B, employait une vingtaine de personnes pour 5 millions de chiffre d’affaires. Elle disposait d’une vraie légitimité et d’une belle crédibilité. Le plus compliqué a été de la trouver, j’ai analysé des dossiers pendant un peu plus d’un an.

Vous avez démarré dans le secteur de la beauté dans de grands groupes, était-ce déjà un univers qui vous attirait ?

D.T. : Le choix de ce secteur résulte du hasard, cela aurait pu être autre chose. En fait, je venais de terminer mon VSNE au Honduras, et j’avais des affinités avec l’Amérique Latine. J’avais donc la volonté d’y retourner, et au lieu d’aller chez Arthur Andersen, j’ai choisi le poste de Directeur de zone Amérique Latine, basé à Paris, mais qui nécessitait de nombreux déplacements. Cela m’a permis d’apprendre un métier, d’animer un réseau international, de voir comment on construit une marque et une vision à long terme. Et j’ai aussi appris que ce sont les hommes qui font la différence.

Diriez-vous que votre profil est plutôt financier ou commercial ?

D.T. : Je pense avoir un profil équilibré, j’ai des bases solides en finances c’est certain, mais j’ai aussi un sens marketing et la capacité à faire du commerce. Tous les entrepreneurs qui se lancent dans le cadre d’entreprises de taille modeste doivent avoir ce profil équilibré, pour ensuite trouver dans chacun des domaines des gens qui seront meilleurs qu’eux. C’est un métier où il vaut mieux être complet pour disposer d’une vision globale.

Quelle « recette » avez-vous mise au point pour développer aussi rapidement la marque Filorga ?

D.T. : Filorga est passé de 5 millions d’euros à 350 millions en 2019, et d’une vingtaine de salariés à plus de 1000, avec une croissance annuelle supérieure à 50% pendant douze ans de suite et l’implantation dans de nombreux pays. Je pense que ce qui nous a guidé, et réussi, ce sont des partis pris forts. Par exemple, la décision dès le départ d’avoir des packagings noirs et une distribution en pharmacie. Nous avons aussi très tôt choisi l’omnicanalité, en allant de la pharmacie aux circuits parfumeries et grands magasins. Autre exemple, le parti pris d’aller en Chine au lieu d’aller aux USA. La Chine est devenue le plus gros marché de l’entreprise.

Nous avons aussi attaqué le marché grand public avec un positionnement clair et unique : l’efficacité de la médecine esthétique au service de l’anti-âge. Autre ingrédient, la capacité à nous entourer, l’homme était au cœur du projet. On a réussi à regrouper de vraies expertises et compétences, tous travaillaient avec une énergie folle. Et si l’on veut parler de « recette », je parlerais d’agilité, car nous étions confrontés à des groupes beaucoup plus gros et structurés. Un vrai avantage dont disposent les PME.

Parlez-nous aujourd’hui du groupe Kresk (« grandir » en breton).

D.T. : Le groupe Colgate-Palmolive a repris l’activité Filorga fin 2019. Les autres marques sont restées dans le giron de Kresk. Je dispose de 50% des parts de Fillmed (esthétique médicale), de 75% de SVR (acquis en 2014), 100% de Couvent des Minimes (acquis en 2016) et de Lazartigue (acquis en 2018). Kresk est donc une holding patrimoniale avec 3 pôles. Premièrement, le pôle cosmétique, qui représente un peu plus de 200 millions d’euros, avec un objectif de doubler ce chiffre dans les deux ans qui viennent.

SVR est en croissance de plus de 40% cette année, idem pour Fillmed. Deuxièmement, le Private equity. Il s’agit d’investissements dans des marques hors cosmétiques, comme Marle (prothèse orthopédique) ou Photonis (vision nocturne) entre autres. Troisièmement, l’immobilier, avec le nouveau siège dessiné par Jean-Michel Wilmotte. Début 2023, toutes les équipes du groupe seront regroupées au 38 cours Albert à Paris. J’ai décidé d’être beaucoup moins opérationnel qu’auparavant, chaque marque à son DG et il y une équipe dédiée au private equity. Je travaille en toute confiance avec des personnes que je connais depuis longtemps.

Vous êtes breton, originaire de Trebeurden, et aimez la mer. Parlez-nous du sponsoring de l’Ultim, skippé par François Gabart ?

D.T. : Il s’agit d’une nouvelle aventure qui nous motive fortement. Le bateau a été mis à l’eau à Concarneau le 22 juillet dernier. Cet investissement est un choix de passion et de raison. Passion, car la mer a toujours été au centre de ma vie depuis mes 6 ans. Mais aussi raison, car il s’agit d’un formidable vecteur de notoriété pour les marques, dans un sport qui respecte l’environnement, un point important car nous sommes dans l’univers de la clean beauty. Cette opération représente aussi un facteur de motivation, de cohésion et de fierté d’appartenance au groupe. C’est très bien pour nos équipes, d’autant que cela nous conduira à aller plus loin dans nos engagement RSE.

Quelle est votre définition de la « beauté propre » ?

D.T. : Ce qualificatif signifie qu’en matière de formulation, aucun ingrédient controversé ne sera utilisé, même s’il est autorisé. Il s’agit d’avoir les formules et emballages les plus « propres » possibles. SVR est ainsi une marque très en pointe dans le domaine de la lutte contre les perturbateurs endocriniens, avec le développement des filtres solaires biodégradables et l’utilisation de l’écore-charge qui permet d’économiser 70% du plastique. Lazartigue est quant à elle une marque vegan sans silicone et sans sulfates.

Un ensemble cohérent avec Kresk4Oceans ?

D.T. : Avec l’aventure de l’Ultim, nous avons créé ce fonds de dotation pour la protection des océans. Nous avons déjà un premier projet ambitieux avec la Fondation de la Mer qui consiste à récolter en 3 ans plus de 500 tonnes de plastiques sur les côtes, en finançant ensuite sa transformation localement. Avec cette aventure, nous allons faire des courses comme la Transat Jacques Vabre et battre des records. Entre temps, l’Ultim a aussi vocation à porter les couleurs de nos marques et les messages du fonds de dotation. Il accomplira cette tâche, notamment en Chine où il se rendra au premier semestre 2023.

Où vous imaginez-vous dans cinq ans ?

D.T. : Dans cinq ans, si tout va bien, je ferai un tour du monde quelque part en Polynésie sur un joli voilier.

Propos recueillis par Anne Florin.

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