Valneva, biotech de la région nantaise, est en première ligne actuellement. Le groupe franco-autrichien est en plein développement de son vaccin contre la Covid-19. Cependant, tout ne se passe pas comme prévu dans les négociations avec l’Europe, et par extension avec la France. Explications.
Tout va très vite pour Valneva qui a déposé le 10 avril dernier un document d’enregistrement afin de pouvoir être cotée au Nasdaq. Un nouveau pas de géant pour cette pépite tech franco-autrichienne.
110 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020, 600 employés, une présence dans six pays, le laboratoire franco-autrichien a annoncé fin avril une émission d’environ 7 millions d’actions ordinaires aux Etats-Unis comme en Europe. L’objectif est clair : il faut à Valneva des financements complémentaires pour participer au développement des trois vaccins sur lesquels le laboratoire travaille, dont celui contre la Covid. Valneva est parvenu à faire rentrer 107,6 millions de dollars soit environ 90 millions d’euros espérés, pour ses premiers pas américains. Son besoin de financement est de 300 millions d’euros au global, l’autofinancement sera donc environ des 2/3. L’année 2021 est une période critique pour l’entreprise, avec un sérum contre la maladie de Lyme en phase II d’essai clinique, celui contre le chikungunya en phase III. D’autres vaccins sont aussi en cours, contre le Zika par exemple. L’entreprise commercialise déjà deux vaccins dits « de voyage », contre l’encéphalite japonaise et contre le choléra.
Un vaccin franco-autrichien contre la Covid
Le vaccin de Valneva est en étude clinique de phase III. La biotech est donc la seule en Europe à avoir atteint ce stade pour un vaccin à virus entier inactivé. La prochaine étape doit normalement être celle de l’autorisation de mise sur le marché, qui doit avoir lieu à l’automne, si tout se passe comme prévu. Le vaccin Valneva a déjà fait l’objet de commandes de la part de la Grande-Bretagne, pour un maximum de 190 millions de doses d’ici 2025. Pourtant, un accord n’a pu être conclu avec l’Union européenne. En début d’année, il a pourtant été question d’une centaine de millions de doses, mais la discussion a avorté.
La question que tous se posent
Mais comment donc ce vaccin élaboré en France s’est-il retrouvé chez nos voisins britanniques avant nous ? Valneva a communiqué auprès des autorités françaises au printemps 2020, qui l’a ensuite transmis aux autorités européennes pour la négociation globale. La raison évoquée ? La production est prévue en Ecosse, à Livingston, et il semble que l’UE souhaitait obtenir une garantie que Valneva ne pouvait offrir sur l’approvisionnement, même si le discours officiel est que « la société française n’avait pas rempli les conditions », une phraséologie suffisamment floue pour ne fâcher personne.
Il est cependant clair que la production se faisant en Ecosse avant un conditionnement en Suède, le Brexit a joué un rôle négatif pour la biotech, d’autant qu’AstraZeneca est soupçonné d’avoir privilégié la Grande-Bretagne dans ses livraisons par rapport à l’Union Européenne. Valneva a d’ailleurs annoncé depuis que les négociations se feraient donc pays par pays.
Décision différente pour les Anglais
Le Brexit a permis à nos voisins du Channel de prendre une décision différente, l’usine écossaise étant au contraire un plus pour les Britanniques. Des essais cliniques ont été rapidement organisés avec l’appui du gouvernement de Boris Johnson, ce qui a permis à Valneva de poursuivre son travail sur le vaccin. Une bonne opération également pour les finances de la biotech qui a vu son action prendre de la valeur.
Discrète et solide
Franck Grimaud, dirigeant de Valneva a adopté un profil bas face à la polémique avec l’Europe. La politique et la recherche n’avancent pas sur le même rythme et il sait que Valneva constitue une offre complémentaire face aux grands fournisseurs actuels. En début d’année, le directeur financier de Valneva avait déclaré que le laboratoire serait ouvert à des discussions portant sur des partenariats de production dans d’autres zones, si son vaccin bénéficiait finalement de l’approbation des autorités. Une politique sage, car début mai, plusieurs pays européens se sont exprimés pour favoriser une commande auprès de Valneva, peu soucieux de l’échec des premières négociations. Parmi la dizaine d’Etats membres qui poussent à un accord, on compte la France et l’Allemagne qui souhaitent que l’approvisionnement européen soit diversifié pour les prochaines années.
Pour l’instant des commandes fermes ont été passées auprès de Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca, Johnson & Johnson, ainsi que Curevac, Novavax et Sanofi/GSK. Début mai, les choses avançaient cependant avec la rédaction d’un contrat en cours. Aujourd’hui, si l’entreprise a pu notamment se lancer sur le vaccin contre la Covid, c’est qu’elle a su anticiper son marché : il était notamment prévisible que les ventes de ses vaccins de voyage diminueraient du fait de la pandémie. Aujourd’hui, sa valeur boursière atteint déjà des plafonds.
A.F.