Tribune. La quasi-totalité de la planète est aujourd’hui frappée par la pandémie de Covid-19. Selon le secrétaire général de l’ONU, cette crise sanitaire est la pire crise mondiale à laquelle l’humanité ait été confrontée depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette crise planétaire met l’économie mondiale en danger.
En particulier, ce sont les petites et moyennes entreprises (PME) qui sont les plus touchées car elles présentent des spécificités qui peuvent être à l’origine de contraintes financières. Le Directeur Général de Bpifrance a promis de « se pencher sur les solutions pour aider les PME à surmonter la crise de la pandémie de coronavirus en garantissant les emprunts de ces entreprises ».
Dans une interview du 30 mars 2020, le Ministre français des comptes publics indique que 507 000 entreprises de moins de 50 salariés ont demandé un report des échéances de paiement des cotisations sociales pour faire face à des difficultés financières. Ces difficultés sont principalement liées à des problèmes de liquidités. La gestion de ces problèmes engendrés de trésorerie devient alors un enjeu majeur pour éviter le pire, c’est-à-dire une avalanche de faillites d’entreprises.
Certains travaux académiques antérieurs se sont intéressés à la faillite d’entreprises afin de mieux comprendre ce phénomène pour mieux l’éviter. A cet égard, il parait particulièrement judicieux d’essayer de tirer des enseignements de la crise financière de 2008 sur les faillites d’entreprises. Ainsi, l’objectif sera de se baser notamment sur ces enseignements et de proposer aux dirigeants de nouvelles pistes qui peuvent les aider à mieux gérer d’éventuelles difficultés de trésorerie liées à cette crise sanitaire et limiter les risques de faillite.
Quels enseignements tirés de la crise globale de 2008 ?
La crise de 2008 a aggravé le risque de faillite des entreprises. Une étude de la Banque de France menée en 2012 par Fougère, Golfier, Horny et Kremp[1] montre que des proportions significatives de faillites sont imputables à cette crise. De son côté, Dolignon (2011)[2] conclut que grâce aux mesures de soutien à la trésorerie des entreprises, le taux de défaillance en 2009 a été moins important de ce que la sévérité de la crise pouvait laissait prévoir. Rappelons que pour surmonter ces difficultés de trésorerie due à la crise de 2008, l’ancien président de la république Nicolas Sarkozy a adopté un plan de relance de l’économie en consacrant 11,6 Md€ de soutien à la trésorerie des entreprises, à travers notamment le remboursement accéléré de créances détenues sur l’Etat.
C’est dans ce sens que l’actuel président français Emmanuel Macron et son gouvernement ont présenté, dès le début de la crise sanitaire, un plan de soutien contre les répercussions économiques de la crise Covid-19. Ces mesures[3] ont été mises en place notamment pour soutenir la trésorerie des entreprises et éviter les situations de faillite.
Ces actions pourraient certes aider et constituer une solution à court terme pour les entreprises. Néanmoins, quelles sont les solutions possibles qui s’offrent aux entreprises pour maintenir leurs activités lorsque les aides exceptionnelles de l’Etat ne suffiront pas ou s’arrêteront tout simplement ? Le Lease-back est-il une solution plausible pour soutenir la trésorerie des entreprises en période de crise et éviter la faillite ?
Commet le lease-back peut-il aider les entreprises en période de crise de Covid-19 ?
Depuis la crise de 2008, les banques ont durci leurs conditions d’octroi de crédits notamment pour les PME. Cela a généré d’importants problèmes de trésorerie. La crise de 2008 a révélé l’importance de la liquidité pour les entreprises. Face à ces difficultés de trésorerie, les entreprises diffèrent les paiements aux créanciers, ce qui aggrave leur situation, en rendant plus difficile l’obtention d’un crédit dans le futur. Dans ce contexte, le recours à des outils de financement désintermédiés tels que le lease-back peut constituer un levier de financement. Le lease-back, dimunitif de sales and lease-back, constituerait une solution aux dirigeants pour combler leurs difficultés de trésorerie, notamment en temps de crise, lorsque les banques restreignent leurs offres de crédit. Le lease-back est une opération d’arbitrage sur des actifs immobiliers. L’entreprise cède un ou plusieurs actifs immobiliers à une société de crédit-bail, pour ensuite les prendre en location dans le cadre d’un contrat de crédit-bail. L’entreprise conserve alors la jouissance du bien cédé et obtient de la trésorerie. C’est un contrat de longue durée assortie d’une option de rachat permettant à l’entreprise de redevenir propriétaire de son actif moyennant le paiement d’un prix fixé au contrat.
Cette technique de financement parabancaire permet à l’entreprise de dégager une trésorerie immédiate. Toutefois, il ne s’agit pas d’un moyen de financement pour faire face à un besoin de trésorerie structurel. C’est un financement qui s’adresse aux entreprises ayant des difficultés de trésorerie liées à des circonstances particulières notamment en période de crise. En outre, ce type de contrat est plus adapté aux structures financièrement saines et qui rencontrent des problèmes de liquidités. En effet, les sociétés de crédit-bail elles-mêmes tiennent compte de ces aspects de la situation financière de l’entreprise.
Le lease-back peut offrir de nombreux avantages. Il permet à l’entreprise degénérer des liquidités et de bénéficier d’un avantage fiscal puisque les redevances de crédit-bail constituent des charges déductibles. Cependant, il convient d’attirer l’attention des dirigeants d’entreprises sur les possibles limites de ce mode de financement, en particulier lorsqu’il est mal utilisé. L’entreprise qui souscrit à un lease-back disposera de moins d’actifs, ce qui diminuera sa capacité d’endettement. En effet, les actifs immobilisés constituent les garanties habituellement demandées par les banques et permettent souvent d’évaluer la solvabilité de l’entreprise. Cette solution de financement pourrait alors être particulièrement intéressante pour les entreprises qui ne dépendent pas totalement de l’endettement. De surcroit et de façon encore plus importante, les dirigeants d’entreprises gagneraient à bien identifier la destination des liquidités générées par l’opération de lease-back. Utiliser ces liquidités dans le seul objectif de réduire l’endettement au bilan n’est que reporter les problèmes de trésorerie, voire les aggraver dans un avenir proche. Il serait donc plus judicieux d’utiliser la trésorerie dégagée pour financer des projets qui pourraient permettre de dégager une valeur ajoutée transformable rapidement en liquidités.
Ramzi Benkraiem, Professeur à Audencia Business School, France
rbenkraiem@audencia.com
Souad BRINETTE Professeure à EDC Paris Business School, OCRE, France
souad.brinette@edcparis.edu
Sabrina KHEMIRI Professeure à Léonard de Vinci Pôle Universitaire, Research Center, France
sabrina.khemiri@devinci.fr
[1] Fougère, D., Golfier, C., Horny, G. & Kremp, E. (2013) « Quel a été l’impact de la crise de 2008 sur la défaillance des entreprises ? », Document de travail de la Banque de France, n° 453, novembre.
[2] Dolignon, C. (2011). Facteurs explicatifs des évolutions récentes des défaillances d’entreprises : une analyse économétrique. Économie & prévision, 197-198 (1), 161-167.
[3] Pour plus de détails, voir le lien suivant : https://www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises