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Darégal, la saga d’un leader incontesté


Farouchement attaché à ses racines franciliennes, le groupe familial et indépendant Darégal produit et exporte ses herbes aromatiques surgelées vers 47 pays dans le monde. Avec son persil, son ail, ses bouillons et autres infusions, elle réalise 118 M€ de CA, dont 70% à l’export. Qui dit mieux ? Pourtant, elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.  

Entreprendre - Darégal, la saga d’un leader incontesté

Farouchement attaché à ses racines franciliennes, le groupe familial et indépendant Darégal produit et exporte ses herbes aromatiques surgelées vers 47 pays dans le monde. Avec son persil, son ail, ses bouillons et autres infusions, elle réalise 118 M€ de CA, dont 70% à l’export. Qui dit mieux ? Pourtant, elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
 

Tout commence avec Amand Darbonne, installé en 1887 à Milly-la-Forêt, commune de l’Essonne réputée pour la culture de ses plantes médicinales depuis le XIIème siècle. Ce visionnaire met au point le premier séchoir industriel à air libre pour les plantes médicinales et à infusion.

«Avant, il fallait confectionner des petits bouquets à la main et les faire sécher de longues semaines la tête en bas», raconte Charles Darbonne, arrière-arrière-petit-fils et P-DG depuis 2013. «Sa technique était beaucoup plus rapide et nécessitait moins de main-d’œuvre.

De quoi gagner 2 à 3 semaines sur ses concurrents pendant lesquelles il était seul sur le marché des herbes aromatiques séchées». Après la guerre, son petit-fils, Marc Darbonne, se lance dans les plantes aromatiques déshydratées grâce à la construction, en 1954, du premier four du genre. «Lui aussi avait de grandes idées», souligne Charles, visiblement admiratif de son grand-père.

«C’était l’époque où l’on commençait à abandonner le cheval au profit du tracteur. Marc a dû se battre avec son père pour lui faire accepter cette idée. Il s’est même envolé pour les États-Unis, où l’on pratiquait déjà l’agriculture expansive avec de grosses machines, pour ramener ce savoir-faire et l’implanter chez nous. Il nous a permis d’entrer dans l’ère industrielle». C’est aussi Marc qui donne une dimension mondiale à Darégal en installant l’entreprise en Espagne et au Maroc, puis aux États-Unis «plantant la graine de l’international dans la tête de mon père puis dans la mienne».

Dernier rebelle en date ? Luc, fils de Marc et père de Charles. «Dans les années 70, il a vendu toutes nos terres pour acheter des machines et investir dans l’innovation. Un véritable cataclysme dans la famille». Un pari risqué mais gagnant puisque Darégal invente alors un procédé, toujours tenu secret, qui permet de surgeler les herbes aromatiques, et profite de l’essor de la grande distribution et des magasins spécialisés «comme Picard, notre voisin de Fontainebleau», pour se lancer dans les herbes surgelées, son activité-phare depuis 1976.

De la graine à l’assiette

Cinquième génération à la tête du groupe, Charles Darbonne, 37 ans, comme tous les autres membres de la famille, a travaillé 5 ans à l’extérieur de Darégal (RH et marketing chez Carrefour, notamment en Argentine, audit financier chez Mazars…) avant «d’apprendre le métier» aux côtés de son père.

Depuis 3 ans, il pilote le premier producteur mondial d’herbes aromatiques culinaires et leader dans tous les secteurs de l’agroalimentaire : industrie, restauration et grande distribution. «Après 11 ans dans l’entreprise et 3 comme P-DG, il serait bien malvenu de ma part de dresser un bilan de ce que ma génération a apporté», prévient-il modestement. Mais pas question de faire table rase du passé.

«Au contraire, nous le mettons toujours en avant. À la différence d’anciens agriculteurs regroupés en coopératives, devenus industriels puis commerçants marketeux, nous n’avons jamais abandonné les étapes qui ont jalonné notre histoire», se félicite le patron. Et pour cause ! Darégal, pourtant super-industriel, continue de contrôler chaque maillon de la chaîne, de la graine à l’assiette. En amont, elle investit chaque année 10% de son CA en R&D, «pour travailler la stabilisation, le goût, le visuel et la texture de nos herbes. Nous cherchons à créer des émotions».

Depuis sa pépinière de Milly-la-Forêt, Darégal développe et sélectionne ses propres plantes aromatiques, et envoie ses graines à 80 agriculteurs partenaires (soit 1.500 hectares cultivés), «la plupart à moins d’une heure du siège, parfois avec nous depuis plusieurs générations», souligne le P-DG du groupe qui a également mis au point ses propres récolteuses et ses camions de livraison.

Les herbes de demain

Présent à l’étranger depuis les années 70 avec des sites de production en France, aux États-Unis et en Espagne, Darégal distribue ses herbes dans 47 pays, «partout où il y a un congélateur !», s’exclame Charles Darbonne.

Grâce à une quarantaine de variétés d’herbes et de plantes aromatiques à son catalogue (et de nombreuses autres toujours à l’étude), le groupe s’adapte aux goûts et aux habitudes culinaires de chaque consommateur de la planète… ou presque. Alors qu’en France les best-sellers restent le persil, le basilic, la ciboulette, l’ail, l’échalote et l’estragon, «impossible de vendre de l’échalote en Angleterre par exemple ! Ils préfèrent la coriandre, le piment et le gingembre. En Allemagne, c’est la ciboulette et le persil frisé, au Japon le shiso…».

Pour contenter tous ces palais ainsi que l’industrie agroalimentaire (65% de son CA), Darégal mise aussi sur de nouveaux produits, à l’image des herbes liquides pour fromage frais (2001), des huiles infusées à base d’herbes aromatiques (2009) ou des bouillons surgelés (2015). «Nous venons d’ailleurs d’investir 5 M€ dans la construction d’une nouvelle usine à Milly-la-Forêt».

D’une superficie de 1.600 m2, dédiée aux gammes liquides Darégal, elle permettra de répondre à la demande croissante des clients face au succès remporté par les sauces, marinades, coulis, huiles infusées et solutions aromatiques pour fromages et pains. «Notre objectif est de faire grandir et évoluer Darégal, pour la transmettre à la prochaine génération», assure Charles Darbonne. Bonne nouvelle, la sixième génération compte déjà six petits-enfants : cinq garçons et… une fille.

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