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David Tebib : « Le parallélisme entre le sport et l’entreprise est évident »


Venant d’un milieu très modeste dans un quartier défavorisé de Nîmes, rien ne prédestinait David Tebib à un tel succès entrepreneurial et sportif, qu’il doit avant tout à sa détermination et son sens du collectif. Rencontre.

Entreprendre - David Tebib : « Le parallélisme entre le sport et l’entreprise est évident »

Venant d’un milieu très modeste dans un quartier défavorisé de Nîmes, rien ne prédestinait David Tebib à un tel succès entrepreneurial et sportif, qu’il doit avant tout à sa détermination et son sens du collectif. Rencontre.

David Tebib (51 ans) a inventé il y a 15 ans, avec son associé Laurent Pumiglia, un brevet dans l’univers du mobilier urbain, qui a mené leur entreprise FTP Labo au succès. Vice-président de l’incubateur Bic-innov’up, il est également, président du club de handball USAM Nîmes Gard, à la tête de nombreuses instances sportives et diplomate civil détaché auprès des Nations-Unies dans la lutte contre les violences en milieu sportif et scolaire.

Pourquoi avoir choisi de raconter votre parcours dans un livre ? Pour transmettre le message aux jeunes générations que rien n’est écrit d’avance ?

David Tebib : Notre volonté avec Valérie Rossellini était de livrer un témoignage d’action extrêmement « feel good » pour la jeunesse mais pas seulement. J’ai souhaité à 50 ans regarder dans le rétroviseur pour transmettre un message de façon dynamique, jamais donneur de leçons, pour dire que quelles que soient les cartes qu’on vous distribue à la naissance, oui, on peut essayer et on doit tout faire pour transformer une paire de 7 en carré d’as. Le déterminisme social, il est très souvent vécu de manière inconsciente. On peut tous changer le cours de notre vie en étant proactif et déterminé à le faire. Ce livre est aussi une façon de partager ma boîte à outils personnelle où chacun pourra piocher des clés pour avancer, de façon opérationnelle, concrète et ancrée dans la vraie vie.

Vous n’aviez pas les meilleures cartes pour démarrer et pourtant vous en avez fait un jeu gagnant. Comment expliquez-vous votre réussite ?

D.T. : Avant toute chose, la détermination d’être le plus libre possible. Ça a vraiment été mon moteur, avec la prise de conscience très tôt, très jeune, que la liberté avait un coût, celui du travail, et à la condition de toujours privilégier des pistes d’épanouissement. Ce que j’explique dans mes actions de mentoring, c’est que chaque fois que je faisais des choses pour de mauvaises raisons, l’entreprise ne marchait pas. Et chaque fois que j’ai entrepris des choses qui me passionnaient, ça allait au bout et ça réussissait. Ce qui doit tous nous guider, c’est d’être passionné, de toujours faire des choses auxquelles on croit. C’est bien d’écouter son cerveau, mais notre meilleur conseiller, c’est notre cœur. Il faut d’abord écouter nos émotions, ce qui nous fait vibrer, ce qui est source de développement personnel.

Comment est née votre aventure entrepreneuriale de FTP Labo ?

D.T. : Très tôt, j’ai eu ce sens d’entreprendre, naturellement. Ça a commencé avec ma passion pour le cinéma, synonyme d’évasion, une sorte de refuge pour moi. A l’adolescence, dans la chambre de l’appartement où je vivais avec ma grand-mère, j’avais créé ma petite salle de projection de films en super huit avec des parts de gâteaux pour mes copains du quartier. Très tôt, étant autodidacte, j’ai compris qu’entreprendre permettait d’être libre, mais que pour y arriver, il fallait être non pas dans la parole mais dans l’écoute des autres et dans l’observation du monde qui nous entoure. La naissance de FTP Labo est née de ce précepte, en écoutant et en observant le monde du mobilier urbain, pour en comprendre les attentes, les besoins en termes d’innovations et de produits.

C’est ainsi qu’avec mon associé Laurent Pumiglia et mon épouse, nous avons déposé notre premier brevet et lancé FTP Labo autour de produits d’entretien et d’innovations pour le mobilier urbain. Nous avons mis toutes nos économies dans ce rêve, ce projet dans fou, façonné pendant trois ans avant de le lancer. Ça a marché et, plus de 15 ans après, ça continue de plus belle. Nous finalisons actuellement un nouveau produit lié à l’affichage. Nous poursuivons l’aventure au plus près de nos clients et nous investisons sur de l’innovation autour de l’intelligence verte, celle qui est bonne pour l’avenir de notre planète.

Vous écrivez que dans l’entreprise comme dans le sport, les grandes choses ne sont pas le fait d’une seule personne mais d’une équipe. C’est un des grands préceptes de votre vie ?

D.T. : Oui, tout à fait, je suis incapable d’entreprendre seul quoi que ce soit. Même ce livre, nous l’avons écrit à deux. Le sens du collectif est dans mon ADN le plus profond, je ne suis nourri que de cela, c’est du plaisir partagé. Lorsque j’étais jeune, j’ai fait un peu de sport individuel, notamment du tennis et je m’y suis ennuyé. Quand j’ai découvert le handball, cette notion de bande, de groupe, de collectif, c’était magique ! Vivre des émotions ensemble, il n’y a rien de meilleur. On avait l’impression qu’on pouvait déplacer des montagnes ! Aujourd’hui, tout ce que j’entreprends dans des domaines divers et variés, c’est toujours avec plusieurs personnes, plusieurs associés, jamais seul. On avance tellement plus vite et c’est tellement plus riche en équipe !

En plus du sens du collectif, quelles sont les valeurs du sport qu’il faut appliquer dans l’entreprise pour gagner ?

D.T. : Aujourd’hui, le parallélisme entre le sport de haut niveau, le sport tout court et l’entreprise est évident. Et plus que jamais dans l’ère post-Covid. Aujourd’hui, une entreprise qui ne sait pas faire preuve de solidarité envers ses équipes, qui ne sait pas se réinventer et sans cesse se remettre en question, ne pourra pas réussir.

Les valeurs de solidarité, d’innovation, d’agilité, de flexibilité sont essentielles, avec quelque chose de nouveau aussi, savoir répondre à cette question primordiale : quel est le sens pour les collaborateurs d’aller travailler et d’être au service d’une entreprise ? L’entreprise doit mobiliser l’intelligence collective en donnant du sens au travail.

Quelles sont les clés pour mener une équipe à la victoire ?

D.T. : Déjà, aimer et respecter les femmes et les hommes avec lesquels vous collaborez. Etre en phase, parler le même langage, c’est-à-dire synchroniser l’objectif que veut porter la gouvernance avec la motivation des équipes pour partager et porter ensemble le même socle de valeurs : loyauté, engagement, innovation, transparence. L’entreprise a besoin d’une parole libérée pour être efficace. Et puis l’envie de sortir de sa zone de confort, de se remettre en question en permanence, de se surpasser.

Comment aider les jeunes des quartiers sensibles à créer leur entreprise ?

D.T. : Issu d’un quartier difficile, ce sont vraiment l’entrepreneuriat et le sport qui m’ont permis de prendre mon envol et ma liberté. Je crois fondamentalement à cette notion de mentoring qui m’est chère et dans laquelle je m’engage depuis longtemps. On s’aperçoit d’ailleurs que les entreprises issues de ces quartiers, quand elles sont soutenues en phase de lancement et durant leurs trois premières années, ont un taux de survie de 77%, qui est même supérieur à la moyenne nationale.

Je crois aussi que les incubateurs doivent être implantés au cœur même de ces quartiers. Il est également essentiel d’aller au plus près de nos jeunes, à leur rencontre dans les écoles, les collèges et les lycées. Il faut porter à leur connaissance ce témoignage qu’ils peuvent tous entreprendre et qu’il n’y a jamais eu autant d’outils pour les aider à créer leur entreprise.

A six mois des présidentielles, quel message souhaitez-vous adresser aux candidats ?

D.T. : Le premier, c’est que tout est toujours possible, mais qu’ils doivent être en capacité de le dire et de l’incarner. On préfère la lumière à l’obscurité. Or, aujourd’hui malheureusement, l’obscurité et les ténèbres font partie d’un fonds de commerce qui ne nous tire pas vers le haut. C’est bien de lever la tête et de voir qu’il existe aussi du ciel bleu.

Deuxièmement, plus que jamais, la gouvernance au plus haut niveau de l’Etat doit comprendre qu’elle aura besoin de la société civile, dans le monde de l’entreprise, dans le milieu associatif, dans le secteur de la jeunesse, pour que notre pays occupe la place qu’il mérite sur l’échiquier mondial, qu’on soit fiers d’y vivre et qu’on construise ensemble une France solidaire, innovante, qui prône l’égalité des chances pour tous.

Propos recueillis par Valérie Loctin

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