10 milliards d’euros : c’est le montant qui sera, d’ici 2030, investi par le Qatar dans l’Hexagone. Une annonce dévoilée à l’occasion du déplacement officiel, en février dernier, de l’émir Tamim bin Hamad al-Thani à Paris. « Nous avons signé un plan ambitieux d’investissement de 10 milliards d’euros », s’est, lors de la réception de son homologue à l’Élysée, félicité Emmanuel Macron ; le chef d’État qatari estimant pour sa part que « ces investissements iront renforcer les partenariats stratégiques » entre Paris et Doha.
Le dynamisme des relations commerciales franco-qataries
Depuis 2008 en effet, les investissements qataris ont bénéficié du soutien appuyé des autorités françaises. La revente de biens immobiliers étant exonérée de taxe sur la plus-value, cet avantage fiscal a encouragé une stratégie patrimoniale de la part des Qataris. Entré, depuis, dans une seconde phase de son programme de diversification économique, le riche État pétrolier prévoit aujourd’hui d’investir, après les secteurs tricolores du luxe ou de l’immobilier, dans les filières françaises de la transition énergétique, de l’électronique, de l’intelligence artificielle, de la culture, de la santé ou encore de l’aérospatial.
La réciproque est vraie. Aux côtés de BNP, LVMH, TotalEnergies, Carrefour ou Accor, « près de 120 entreprises françaises sont désormais installées au Qatar, principalement dans les secteurs de l’énergie, de la sécurité, des services financiers, de la logistique et de la construction », rappelle Christophe Altabas, président de la CCI France Qatar. Une présence française ancienne dans le pays et qui, du moins jusqu’à la flambée des cours du gaz en 2022, contribuait à une balance commerciale excédentaire en faveur de la France. A titre d’exemple, le Qatar représente à lui seul 10 % des ventes de l’industrie de défense tricolore.
Au Qatar, Vinci (QDVC) multiplie les initiatives RSE
Énergies fossiles, juteux contrats d’armement, diplomatie parallèle et critiques récurrentes sur la question des droits humains : Doha sent le soufre et, pour les entreprises françaises, faire des affaires avec le Qatar attire immanquablement son lot de critiques. Sous l’œil scrutateur des ONG, les géants français de l’énergie, des travaux publics ou de l’environnement déploient donc leurs activités dans l’émirat en prenant soin de mettre en avant leur politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et, plus généralement, tout projet s’inscrivant dans une démarche responsable et durable. Ainsi par exemple de Vinci, leader mondial de l’énergie et de la construction.
Présent au Qatar depuis 2007 via sa filiale QDVC, le groupe français y développe de grands projets d’infrastructure et de génie civil, tout en affirmant s’attacher à garantir le respect de l’environnement, des droits humains, de la santé et de la sécurité de ses employés sur ses chantiers. Dans un pays où la main d’œuvre étrangère représente les deux tiers de la population, Vinci annonce mener des actions concrètes pour améliorer les conditions de vie et de travail des migrants, en luttant par exemple contre le travail forcé. Des tiers externes ont été mandatés pour auditer l’ensemble des sous-traitants du groupe sur la question des droits humains, des représentants des travailleurs ont été élus et des journalistes français ont pu visiter les chantiers et logements des ouvriers. Rien à cacher, en somme, affirme le groupe, dans la ligne de mire de certaines organisations humanitaires.
TotalEnergies, Veolia : ces groupes français qui verdissent l’économie qatarie
Régulièrement pointé du doigt pour la contribution délétère de ses activités au changement climatique, TotalEnergies soigne également son image au Qatar. En 2022, le groupe énergétique français a ainsi inauguré la centrale solaire d’Al Kharsaah, la première de grande envergure dans le pays, dotée d’une capacité totale de 800 MWc. Profitant de l’ensoleillement exceptionnel du Qatar, la centrale vise à réduire significativement l’empreinte environnementale du pays, en fournissant jusqu’à 10 % de sa demande d’électricité de pointe et en lui permettant d’économiser l’équivalent de 26 millions de tonnes d’émissions de CO2.
De son côté, Veolia, référence mondiale de la transformation écologique, développe au Qatar plusieurs projets qui s’inscrivent dans la « Vision Nationale 2030 » de l’émirat. Ainsi de la station de traitement des eaux usées de Doha North, l’une des plus grandes de la région, qui dessert une population théorique de 900 000 personnes. Ou encore du projet de dépollution des sols Al Karaana Lagoon, où des lagunes ont été réhabilitées afin de protéger l’habitat des oiseaux et poissons locaux. En bref, le marché est stratégique pour les groupes français. Mais le terrain est miné. Charge à eux de montrer patte blanche.