La fille du patron de LVMH et la compagne de Xavier Niel sait se faire un nom et un prénom. À 41 ans, toujours aussi glamour que discrète, cette femme d’influence s’affirme de plus en plus.
Après cinq années chez Dior, Delphine Arnault est, depuis septembre 2013, la n°2 de Louis Vuitton, avec le titre de directrice générale adjointe. Un poste taillé spécialement pour elle, avec des fonctions élargies : à charge pour elle d’accompagner la montée en gamme vers des produits plus rares, plus chers et plus exclusifs, initiée par le P-DG, Michael Burke.
Une stratégie décisive, puisque la marque de maroquinerie pèse plus de 7 Mds€ de CA et contribue à près de la moitié des bénéfices de groupe.
Au cœur du pouvoir
Delphine Arnault siège depuis 2003 au conseil d’administration de LVMH, devenant ainsi la première femme et le plus jeune membre à occuper ce poste.
Elle est également membre des conseils d’administration du groupe publicitaire français Havas et de la 21st Century Fox, qui regroupe les réseaux de télévision Fox et BSKyB, et les studios de cinéma 20th Century Fox de Rupert Murdoch. Enfin, elle appartient depuis 2011 au cercle d’influence Le Siècle.
Ombre au tableau
En mars, la maison Dior a présenté sa collection de prêt-à-porter… sans créateur ! Alors que Delphine Arnault entretient des rapports étroits avec le groupe de luxe, elle n’a pas réussi à retenir Raf Simons, successeur de John Galliano, évincé en 2011.
En mars, le styliste belge expliquait avec lucidité que : «La mode réclame toujours plus de collections, de modèles, de CA, un mécanisme créé de toutes pièces pour susciter de nouvelles envies d’achat. C’est épanouissant lorsqu’on est du côté du business et des chiffres, nettement moins lorsqu’on est créatif». Le dilemme du luxe.
Place aux femmes
Si elle ne se revendique pas féministe, Delphine Arnault affirme : «Il n’y a pas assez de femmes à des postes de direction. Il faut qu’elles refusent le plafond de verre».
Coïncidence ? Pour la première fois dans l’histoire de la maison de haute couture, c’est une femme qui va prendre la direction artistique de Dior. L’italienne Maria Grazia Chiuri, qui, avec Pierpaolo Piccioli, a su faire de Valentino l’une des marques les plus dynamiques de l’industrie du luxe. Reste à savoir si la styliste et la femme d’affaires sauront trouver un terrain d’entente entre liberté créatrice et objectifs financiers.
On ne choisit pas (toute) sa famille
Delphine est la fille de la première épouse de Bernard Arnault, Anne Dewavrin, qui s’est remariée en 2001 avec Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune qui a connu une certaine notoriété avec l’affaire Bettencourt. Outre Antoine, elle a également trois demi-frères du second mariage de son père, Alexandre, Frédéric et Jean.
Pied-à-terre parisien
Avec une fortune personnelle estimée à près de 4 Mds€, l’héritière pourrait s’offrir une bonne partie de la capitale. Elle ne possède pourtant qu’une part sur les 100 de la SCI créée par son compagnon pour racheter l’hôtel Coulanges, un monument historique construit en 1607 sur la très prisée place des Vosges, célèbre pour avoir vu naître Madame de Sévigné.
Pour s’offrir ce bijou de 31,5 M€, Xavier Niel a dû s’engager à le conserver pendant au moins 15 ans. Le temps de refaire la décoration ?
Charme discret
C’est, dit-on, une caractéristique de la bourgeoisie. Delphine Arnault revendique en tout cas sa discrétion : «Je suis plutôt adepte de la maxime “pour vivre heureux, vivons cachés”. Je préfère me concentrer sur mon travail et ne parler que lorsque j’ai quelque chose à dire».
Pas si simple quand on appartient au gotha. En 2005, la soirée de son mariage avec l’italien Alessandro Vallarino Gancia, héritier d’une fortune viticole dont elle divorce en 2010, a réuni au château d’Yquem de nombreuses célébrités des affaires (Albert Frère, Antoine Bernheim…), de la mode (Karl Lagerfeld, Marc Jacobs, Hedi Slimane…), des médias et de la politique (Nicolas Sarkozy, Hubert Védrine, Bernadette Chirac…). Aujourd’hui, elle a du mal à passer inaperçue avec son compagnon, le bouillonnant entrepreneur du numérique, Xavier Niel.
Place aux jeunes
Delphine Arnault est à l’initiative du prix LVMH pour les Jeunes Créateurs de Mode, un concours international avec un jury composé des directeurs artistiques du groupe, dont Marc Jacobs et Karl Lagerfeld, pour découvrir les stylistes de demain : «Il est important de valoriser les talents, on ne le fait jamais assez».
Cette année, parmi les mille postulants originaires de 50 pays, c’est Grace Wales Bonner, une styliste londonienne de 25 ans, qui a remporté les 300.000 € du premier prix.
Fashion addict
Après des études à l’Edhec et de la London School of Economics, et un passage dans le conseil chez McKinsey, Delphine Arnault a rejoint LVMH en 2000. Cette femme très élégante s’imaginait difficilement faire autre chose : «J’ai grandi dans cet univers immensément séduisant. Je suis ravie que l’activité de l’entreprise soit dans la mode et le luxe. Si mon père avait dirigé une société de pneus, je ne sais pas ce que j’aurais fait…». Nous non plus…
Mon papa, c’est le plus fort !
Quand on est la fille de l’homme le plus riche de France (fortune estimée à 35 Mds€), qui a bâti en 30 ans le n°1 mondial du luxe (70 marques pour 36 Mds€ de CA), on ne peut qu’être admirative et reconnaissante : «J’ai conscience d’avoir la chance d’être née là où je suis née, d’avoir un père exceptionnel qui a fondé un groupe unique. Mon père a eu une vision qui a transformé l’industrie de la mode. C’est un excellent financier, mais il a également un côté créatif. Lorsque vous lui présentez une collection de sacs à main, il sait immédiatement celui qui va se vendre».
Frère et sœur
Antoine, son cadet de 2 ans, a débuté sa carrière à la communication du groupe avant de prendre la direction du chausseur Berluti. Pour autant, pas de rivalité entre eux : «Notre avenir individuel passe à la seconde place derrière ce que notre père a créé. Nous sommes très respectueux de sa stratégie. Beaucoup d’entreprises ont explosé parce que les héritiers se sont disputés». Rassurant pour la succession de Bernard Arnault, qui a 67 ans.
Passionnée d’art
Delphine partage le goût de l’art contemporain avec son père et son frère Arnaud, à qui l’on doit l’exposition «Hi Panda by Jiji» au palais de Tokyo. «Cela m’interpelle ! Je pense que la mode et l’art contemporain sont liés. Je m’intéresse aux artistes de ma génération : Jeff Koons, Takashi Murakami, Damien Hirst et Cindy Sherman».
La jeune femme visite régulièrement les studios d’artistes contemporains, notamment à Los Angeles. Mais quand on fait la comparaison avec son père, elle sourit : «J’ai acheté quelques œuvres, mais je n’appellerai pas ça une collection». Pour l’instant…