Ce souhait d’entreprendre a toujours été très fort jusqu’à de la crise sanitaire du Covid 19. 36%[1] la part des français désirant créer leur entreprise. 12% d’entre eux auraient même un projet concret. Le COVID n’a d’ailleurs pas freiné cette volonté d’entreprendre. Créer son entreprise représentait ainsi une forme de résilience notamment pour 20%[2] des français étant affectés professionnellement par la crise sanitaire en 2021). Malgré cette solide volonté, la France a du mal à rivaliser avec les autres pays du G7 dans l’entrepreneuriat. Cela ne doit rien au hasard.
La perception du risque en France
75 %[3] des Français considèrent les entrepreneurs comme des modèles pour le reste de la société. Et pourtant, rares sont les domaines dans lesquels la prise de risque est valorisée dans le pays. Les exemples pour illustrer cette aversion au risque sont très nombreux. Le cas de la vaccination peut servir de source d’illustration. À la suite de la thrombose soupçonnée attribuée au vaccin AstraZeneca durant l’épidémie du COVID 19, la France a suspendu l’utilisation du vaccin pendant 3[4] jours par mesure de précaution. L’enquête IPSOS[5] a montré que parmi les pays du G8, la France était le pays où le taux d’acceptation du vaccin était le plus faible.
Le comportement des Français vis-à-vis de l’épargne met également en évidence la prudence qui peut sembler parfois excessive. L’enquête d’Altoproflls[6] démontre ce besoin d’agir prudemment. 56% des épargnants français placent de l’argent au moins une fois tous les 6 mois et 84% des Français disposent d’au moins un compte d’épargne. La part de la précaution vient en tête des motifs d’épargne. 46% des Français épargnent pour faire face aux imprévus. 71% des Français préfèrent les placements sans risque malgré un rendement plus faible. D’ailleurs, pour faire face à l’inflation, 45% des Français considèrent que l’immobilier est le meilleur rempart et uniquement 8% optent pour la bourse.
Cette perception du risque influe sur l’entrepreneuriat
L’entrepreneuriat est presque toujours associé à l’incertitude. L’entrepreneur est perçu comme quelqu’un qui sait gérer le risque. Il investit sans avoir la garantie que le gain escompté sera au rendez-vous. En outre, il arrive que la faillite de l’entreprise entraine l’endettement de son fondateur. Inhérent à l’activité entrepreneuriale, le risque financier peut être perçu comme uniquement supportable par une catégorie d’individus dont l’échec n’aurait pas trop de conséquences significatives sur leur patrimoine. C’est pour cela que des individus, qui ont le désir d’entreprendre, préfèrent s’abstenir de toute initiative privée par crainte des aléas, par souci de protéger la famille, par peur d’être ruiné etc.
Cette peur d’entreprendre à cause du risque est même partagée par ceux qui décident quand même de franchir le pas. L’IFOP[7] le confirme à travers une enquête auprès de d’un échantillon de 1003 personnes de plus de 18 ans. 69% des porteurs de projet français interrogés estimaient qu’ils prennent un risque important en créant leur entreprise. La physionomie des créateurs montre d’ailleurs une prudence qui en dit long sur la peur que génère le risque. 72%[8] des créateurs sont des salariés et n’ont pas d’expérience dans l’entrepreneuriat mais décident de se lancer dans les secteurs qu’ils connaissent bien en tant que salariés.
Une solution pour minimiser le risque : tester l’activité avant de créer une entreprise
Créer son entreprise requiert certaines obligations telle la détention d’un SIRET pour pouvoir facturer légalement. Le détenteur du SIRET assume la responsabilité juridique de ses engagements. Le test dans une structure d’accompagnement peut être une alternative à la création d’entreprise. Par ricochet, ce test atténue la responsabilité juridique de l’entrepreneur. Il peut se faire dans le cadre d’un Contrat d’Appui au Projet d’Entreprise (CAPE) sur une durée pouvant aller jusqu’à trois ans dans une structure d’accompagnement. Il permet au porteur de projet d’exercer son activité entrepreneuriale avec généralement l’appui en gestion, en coaching et en mise en réseau de la structure d’accueil. Vu qu’elle assume la responsabilité juridique, la structure accompagnatrice a autant d’intérêt que l’entrepreneur que tout différend avec les clients soit évité.
Globalement, les structures d’accompagnement ont déjà prouvé leur efficacité dans la pérennisation des activités économiques. 60%[9] des entreprises créées en 2014 étaient toujours actives en 2019. Le taux de pérennité est encore plus élevé au sein dans l’entrepreneuriat collectif comme les coopératives. En effet, ce taux est de 73%[10] dans les coopératives contre 61 % dans les entreprises classiques en 5 ans.
Si l’activité donne des garanties sur sa solidité, le porteur de projet a le choix de créer une entreprise avec plus de certitudes. Avoir des clients en démarrant une nouvelle société permet à l’entrepreneur de disposer des ressources pour faire face aux dépenses. Le fait d’avoir tester l’activité lui permet également de mieux connaitre ses clients, ses fournisseurs, de définir son seuil de rentabilité, d’avoir déjà été confronté au doute inhérent à l’exercice de l’activité entrepreneuriale.
Farba NDOUR
Directeur académique et de la recherche du Groupe Sup de Co Dakar
Docteur en sciences économiques
[1] BPI (2018), « Volonté : l’envie d’entreprendre atteint un niveau historique », 10 janvier
[2] BPI (2023), « La France, un terreau fertile pour l’entrepreneuriat »
[3] BPI (2018), « Volonté : l’envie d’entreprendre atteint un niveau historique », 10 janvier
[4] Le Figaro (2021), « La France a-t-elle peur du risque », N°23839, BAYART, BERTILE, mardi 13 avril, 1676 mots, P.17
[5] IPSOS (2021), « Covid 19 et vaccination : suivi de l’opinion », 19 février
[6] Altaprofils (2022), « Baromètre 2022 de l’Epargne en France et en régions », île de France, Les français et l’épargne par Altaprofils
[7] IFOP (2018), « Le regard français sur la création d’entreprise », sondage du 16/11/2018
[8] INSEE (2022), « Quatre entrepreneurs sur dix étaient salariés avant la création de leur entreprise », Audrey BAILLOT et Sylvain JULIACHS, N°1922 paru le 15/09/2022
[9] INSEE (2021), « En 2019, 61% des entreprises classiques créées cinq ans plus tôt sont toujours actives », N°1851, paru 14/04/2021
[10] Confédération des SCOP (2023), Rapport d’activités 2022