Jimmy Energy, jeune pousse française installée à Levallois Perret dans les Hauts de Seine, s’est engagée sur une voie insolite en créant des mini-réacteurs nucléaires capables de décarboner notre industrie. Entretien avec son fondateur, Antoine Guyot, issu de l’École Polytechnique.
Jimmy Energy, c’est quoi au juste ?
Antoine Guyot : Chez Jimmy, cofondé en 2021 avec Mathilde Grivet, nous concevons et opérons des générateurs thermiques fondés sur des micro-réacteurs nucléaires afin de vendre aux industriels de la chaleur décarbonée et compétitive. Nos ambitions : exploiter le savoir-faire nucléaire français pour proposer une alternative durable à l’industrie qui consomme une chaleur particulièrement polluante et émettrice de CO2 car elle est issue des énergies fossiles. En somme, mettre le pragmatisme technologique au service de l’écologie.
Comment fonctionne votre mini-réacteur nucléaire et à qui s’adresse-t-il ?
Pour produire de la chaleur, les petits industriels n’ont pour le moment pas d’autre choix économique que de se tourner vers des dispositifs au gaz. L’électricité, l’hydrogène et la capture de carbone sont toujours beaucoup plus chers pour des questions de rendements physiques. Chez Jimmy nous voulons contribuer à la décarbonation de l’industrie grâce à une nouvelle application de la fission nucléaire – la production de chaleur et non d’électricité – avec un dimensionnement qui permette d’être moins cher que le gaz.
Afin de pouvoir fournir une telle offre, nous avons sélectionné une technologie de réacteur déjà connue et sûre intrinsèquement. Cela signifie que quoiqu’il arrive, la température n’augmente pas trop et donc ne peut pas abimer le système. Cette technologie s’appelle un réacteur à haute température. Par sa température 2.5 fois plus chaude qu’un réacteur de centrale, il nous permet de remplacer les brûleurs fossiles par des mini réacteurs fonctionnant à l’uranium, qui se branchent directement aux usines existantes.
D’un point de vue technique, un réacteur à haute température est un petit réacteur au sein duquel de l’hélium gazeux sous pression est utilisé comme fluide caloporteur (transmetteur de chaleur). Le combustible est de l’uranium en particule céramique dans des blocks de graphite, employé en tant que modérateur. Notre dispositif atteint entre 10 et 20 mégawatts thermiques (MWt), soit une puissance thermique 450 fois inférieure à celle d’un réacteur de centrale nucléaire. L’installation est compacte avec une enceinte de 8x12x15 m.
Combien de générateurs pouvez-vous installer en France et dans quel délai ?
Nous voulons offrir une solution qui pourrait être mise à l’échelle pour pouvoir l’appliquer sur le plus de sites possibles. En première version , cela nous permet d’imaginer toucher plus de 500 sites industriels – ou 1000 unités – rien qu’en France. Un premier pas avant de proposer la solution en Europe, puis dans le monde.
A quelle date est prévue la première livraison ?
Nous entendons installer nos premiers mini-réacteurs début 2026. En attendant, nous amorçons les premières réglementaires auprès de l’Autorité de Sûreté Nucléaire afin de se conformer au cadre réglementaire existant.
Comment comptez-vous utiliser votre nouvelle levée de fonds de 2,2 millions d’euros ?
Cette levée de 2,2 millions d’euros – réalisée auprès d’EREN Industries, Noria, Otium Capital, Polytechnique Ventures – va soutenir le développement de notre technologie et son futur déploiement. Nous comptons recruter une dizaine de profils techniques et d’ingénieurs pour finaliser la conception de notre produit. Cette levée permettra également de mettre en place des partenariats avec des fournisseurs industriels pour la production de notre générateur, et finaliser les discussions en cours avec une dizaine de premiers prospects.
Propos recueillis par Angelina Hubner