La future cryptomonnaie de Facebook, le diem (ex-libra), intrigue. Quel est l’objectif poursuivi par le réseau social ? Représente-t-elle un danger pour les utilisateurs ou les États ? Éléments de réponse avec Ignacio Sainz Iglesias, COO de VeraCash.
Quelle place pourrait prendre le Diem en tant que moyen de paiement ?
Diem est une cryptomonnaie stable initiée par Facebook, qui serait à priori adossée à un panier de monnaies fiduciaires, et qui permettrait d’échanger de la valeur avec les utilisateurs du réseau Facebook. Une cryptomonnaie est une monnaie numérique qui circule librement sur internet, liée à un système de cryptage, et décentralisée, c’est-à-dire sans autorité de contrôle.
Si le Diem venait à être popularisé et autorisé, cela voudrait dire que les institutions publiques conféreraient le pouvoir de contrôler la monnaie à une entreprise privée, ce qui est compliqué à envisager. D’autant plus que les banques centrales mondiales expérimentent de leur côté la possibilité de baser leurs propres monnaies fiduciaires sur le même modèle qu’une stablecoin (cryptomonnaie stable, adossée à une valeur qui est censée être peu volatile, comme le dollar ou encore l’or).
S’agit-il d’une menace pour l’euro, voire pour le bitcoin ?
L’environnement semble favorable à une initiative du type « crypto-euro » ou « euro digital », même si cela ne veut pas dire que cela arrivera un jour. Mais cela ne changerait pas grand-chose à notre consommation, en dehors du support utilisé (smartphone). Au final, nous utilisons la plupart du temps un euro digitalisé avec une carte de paiement, sans être pour autant un « crypto-euro ». Quant à la menace sur le bitcoin, les usages semblent différents. Lorsque nous évoquons les stablecoins tels que le Diem, nous parlons d’un usage quotidien comme moyen de paiement. Or, le bitcoin est aujourd’hui très volatile et plus utilisé dans une logique de cryptoactif.
Quel danger pourrait représenter une monnaie initiée par Facebook ?
Il faut comprendre qu’une cryptomonnaie n’est pas anonyme, mais pseudonyme, donc tous les échanges sont traçables, et cela permettrait à Facebook, en plus des fuites actuelles de données, de voir toutes nos transactions quotidiennes d’envoi de valeurs, paiements, avec le danger potentiel du non-respect de la vie privée. Ainsi que le danger potentiel d’une monétisation de ces informations à la recherche de la seule rentabilité au profit de ses actionnaires, tout le contraire d’une entité ou autorité publique, qui est censée agir pour le bien d’une nation ou d’une région du monde. C’est également pour cela que le rebranding entre Libra et Diem a été réalisé, mais qui évidemment n’est pas passé inaperçu.
Quel rôle joueront les institutions financières dans ce contexte ?
Les institutions financières mènent en ce moment une réflexion similaire avec leurs propres monnaies fiduciaires. Quant aux autorités, il conviendrait qu’elles trouvent un cadre régulant ce marché des cryptomonnaies afin d’éviter tout usage frauduleux, comme nous avons pu le voir auparavant, tout en rendant leur usage plus démocratisé. Par contre, il ne faudrait pas tomber sur de l’ultra réglementation pour ne pas tuer cette innovation.
Quelle importance joue la blockchain dans la fiabilité des cryptomonnaies ?
Une blockchain est une base de données très efficace, sous forme de chaîne de blocs, décentralisée (non dépendante d’une institution ou d’une autorité), qu’il est, a priori, impossible de pirater et qui permet la circulation d’une cryptomonnaie. Les cryptomonnaies au sens large pourraient être l’avenir, pas tant en elles-mêmes mais en termes de technologie sous-jacente. C’est la blockchain qui a permis l’apparition des cryptomonnaies, et c’est cette technologie qui va elle-même permettre l’apparition de technologies encore plus efficaces et plus sécurisées.
Cette révolution représente un intérêt pour les entreprises ?
Certaines directions financières ont converti une partie de leur trésorerie en bitcoin ou autre, mais cela reste encore très volatile, et pour l’instant le bitcoin n’est pas adapté au paiement, mais plutôt utilisé comme actif. C’est l’aspect technologique, une fois de plus, qui est intéressant pour les entreprises comme nous pouvons le constater dans l’intérêt de certaines grandes entreprises (le réseau bancaire par la rapidité et la potentielle baisse du coût d’utilisation ou encore des enseignes comme carrefour pour la traçabilité, mais il y a bien d’autres applications).
Quel impact pourrait avoir le lancement du DIEM sur la façon de consommer et de payer ?
Nous connaissons l’intérêt des banques centrales sur les monnaies digitales et la blockchain, et leur expérimentation sur les systèmes de paiements internationaux, notamment, la plus avancée, le yuan digital, qui circule désormais sur plusieurs grandes villes du pays. Cette cryptomonnaie n’est pas utilisable au moyen du cash mais via un smartphone, soit de manière similaire à Apple Pay ou Google Pay. Ce serait le même fonctionnement pour tout le monde, mais avec un portefeuille en ligne sur une blockchain.
Faut-il, selon vous, se lancer dans les cryptos ?
Si un investisseur a confiance, surtout dans la technologie blockchain qui semble être une véritable révolution, il peut également être tout à fait intéressant d’investir des petits montants chaque mois pour lisser la volatilité actuelle de ces actifs. Cela peut paraître une solution rapide pour gagner de l’argent, mais de la même manière que parfois les cours remontent, cela peut venir chuter et perdre l’ensemble de l’investissement. De toute manière d’un point de vue investisseur il ne faut pas mettre tous les œufs dans le même panier. Il pourrait donc être intéressant d’équilibrer un panier de cryptomonnaies avec des métaux précieux physiques comme l’or et l’argent.