Données personnelles, copyright, droits d’auteur, propriété intellectuelle… Quel sera le cadre juridique dans le metaverse, un espace virtuel. Réponses de Marc Schuler et Benjamin Znaty, avocats au sein du cabinet Taylor Wessing.
Quelle réglementation concernant les données personnelles des utilisateurs s’appliquera sur le métaverse ?
Il n’y a pas de raison de penser que la réglementation encadrant la protection des données personnelles, telle qu’elle existe actuellement, n’ait pas vocation à s’appliquer à ces univers virtuels. Si on prend par exemple le champ d’application territorial du RGPD, il s’applique à tout traitement de données personnelles réalisé dans le cadre d’une offre de services proposée à des personnes résidant au sein de l’Union Européenne.
A partir du moment où l’univers virtuel leur est rendu accessible, le RGPD trouvera à s’appliquer. En revanche et pour les éditeurs de tels mondes virtuels, adapter leurs pratiques en fonction du public concerné et du droit applicable, sera source d’une complexité supplémentaire. Sur Internet, il est aujourd’hui aisé de différencier les traitements en fonction du domaine concerné (.com/.fr). Dans le contexte d’un monde virtuel unique et commun à tous, ce partitionnement pourrait s’avérer plus difficile à mettre en œuvre.
On peut par ailleurs anticiper une complexification des obligations et responsabilités au regard des nouveaux traitements de données personnelles ayant vocation à être réalisés via le métavers. De tels mondes virtuels vont vraisemblablement entraîner une augmentation du volume et du type de données collectées concernant les utilisateurs, comme par exemple des données comportementales plus précises que celles collectées aujourd’hui au titre de la navigation sur internet. Il y aura donc nécessairement de nouveaux points de questionnement en matière de conformité.
Quid des copyright et droits d’auteur dans l’univers virtuel ?
De la même manière que le web 2.0 a révolutionné internet via l’apparition des publications et créations de contenus par les internautes, on peut également anticiper ici l’importance des créations des utilisateurs au titre du développement de ces nouveaux univers virtuels. Les éditeurs vont donc devoir nécessairement anticiper les conditions applicables au regard de l’exploitation des droits associés à de telles œuvres, à fortiori si elles contribuent à la création en tant que telle du monde virtuel concerné.
Rien n’interdit d’imaginer que les éditeurs vont sécuriser au sein de leurs conditions générales une propriété ou un droit d’utilisation étendu sur les œuvres concernées, comme c’est souvent le cas aujourd’hui au titre des contenus créés par les utilisateurs de services en ligne. Rappelons toutefois qu’en France, certaines jurisprudences ont qualifié d’abusives de telles clauses insérées dans les conditions d’utilisation de certaines plateformes, en raison notamment du périmètre trop large de telles stipulations. Une délimitation et une gestion plus fine des droits octroyés sur les créations concernées devront donc être envisagées et pourraient potentiellement même permettre à un éditeur de se montrer plus attractif auprès de ses utilisateurs, en leur permettant ainsi d’exploiter et monétiser leurs créations avec plus de liberté au sein du monde virtuel concerné.
Quel cadre juridique s’appliquera pour les questions propriété intellectuelle ?
Au titre des autres droits de propriété intellectuelle pour lesquels le développement du métavers invite à réfléchir, on pense immédiatement au droit des marques. On voit déjà aujourd’hui un intérêt croissant des titulaires à exploiter leurs marques dans ce nouveau contexte, via notamment la vente de leurs produits sous forme virtuelle au sein de ces univers.
Les titulaires de marque doivent donc dès à présent anticiper et adapter leur protection à cette nouvelle forme d’exploitation. Cela passe en premier lieu par la nécessité éventuelle d’élargir les classes de produits et/ou services pour lesquels leur marque est protégée. Les actions de surveillance vont également prendre une autre dimension au sein de ces univers virtuels, où les risques de contrefaçon sont nombreux et déjà existants. Des questions vont, en outre, se poser au titre de l’appréciation de la contrefaçon au regard de l’usage envisagé ainsi qu’au titre des modalités pratiques de mise en œuvre des moyens d’action et des mesures d’exécution.
Quels seront les droits et responsabilités de chaque partie (entreprise éditrice et utilisateurs) ?
La réponse à cette question dépendra in fine du monde concerné et du pouvoir de contrôle et de modération de l’entreprise éditrice sur les actions des utilisateurs. On peut toutefois ici noter qu’alors même que l’Union Européenne entame tout juste la modernisation de son cadre réglementaire en la matière via le « Digital Services Act » (DSA), il n’est pas certain que ce texte en sa version actuellement discutée au Parlement Européen, soit totalement adapté à ces nouveaux espaces virtuels.
Le DSA est aujourd’hui fortement inspiré des interfaces existantes et marqué par une centralisation des règles de responsabilité et obligations de modération. Or certains éditeurs mettent aujourd’hui en avant la possible décentralisation du métavers avec des sous environnements ayant vocation à être gérés directement par les différents « propriétaires » d’espaces réservés au sein de ces mondes virtuels. Une telle décentralisation pourrait s’avérer difficilement conciliable avec les règles de modération et de responsabilité telles qu’envisagées actuellement par le DSA.