Au-delà du secteur loisir grand public soumis à la concurrence chinoise et américaine, c’est sur le marché professionnel que ces engins volants se développent. Des opportunités à saisir pour les PME tricolores.
Ces dernières années, le marché des drones s’est surtout développé dans le domaine du grand public et des loisirs, avec un succès grandissant auprès des amateurs d’aéromodélisme et d’un jeune public. Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, les drones civils comprenant à la fois l’usage loisir et professionnel s’ouvrent sur un marché colossal, estimé à 6 Mds$ (5,6 Mds€) en 2017, en hausse de 34%*.
De son côté, Bpifrance estime d’ailleurs que 3 millions d’appareils seront produits cette année, un nombre en progression de 39% ! Et les perspectives sont alléchantes puisqu’elles font état d’un marché de 11,2 Mds€ (10,5 Mds€) à l’horizon 2020. Si les drones destinés au grand public constituent le premier marché, ils marquent le pas et pourraient très vite être détrônés par les appareils à vocation professionnelle.
Les prévisions tablent ainsi sur un marché de 3,7 Mds€ contre 2,4 Mds€ pour l’usage loisir*. En France, la courbe suit la même croissance. « Le CA des drones professionnels s’est élevé en France à 160 M€ en 2016. Né en 2012, c’est un marché qui progresse chaque année de 20 à 30%. En 2020, il devrait atteindre 700 M€ », se réjouit Stéphane Morelli, président de la Fédération professionnelle du drone civil (FPDC).
Inspecter 10.000 m² en 1 heure
En BtoB, les besoins se multiplient. « Un drone professionnel offre gain de temps, sécurité et précision. Il peut, par exemple, prendre des photographies zoomées de travaux ou de lieux à surveiller, éviter à un collaborateur de monter sur un échafaudage pour une mission d’inspection, répandre des pesticides de manière ciblée et non plus massivement… », témoigne Stéphane Morelli.
Un drone est ainsi capable d’inspecter 10.000 m2 en seulement 1 heure, photos et vidéos à l’appui. Parmi les secteurs d’activité demandeurs de drones civils, l’agriculture est devenue une filière prometteuse. « Dans l’agriculture, le drone est capable d’assurer de nombreuses missions : analyser des récoltes, cartographier des terrains, cibler précisément les zones à protéger et celles à cultiver… »
En 2016, pas moins de 20.000 hectares agricoles ont été survolés. « Et ce chiffre devrait croître car l’utilisation d’un drone permet d’obtenir des connaissances plus précises sur de grandes parcelles, favorisant une meilleure utilisation des engrais et une préservation des sols. »
L’utilisation de drones s’avère également utile pour la topographie dans le suivi de différents chantiers : « En 20 minutes, un drone survole une vingtaine d’hectares et prend des photos que le topographe reconstitue ensuite en 3D. » De même, la surveillance des travaux de BTP permet de rapporter des images dont la résolution est aussi fine que l’œil humain.
Le marché est également prometteur pour le transport de marchandises, notamment celui lié à la santé, les premiers vols expérimentaux devant avoir lieu prochainement dans un hôpital bordelais.
Surtout, les avancées technologiques laissent la porte ouverte à bien d’autres applications : le drone autonome imaginé par la jeune pousse Skeyetech, qui décolle de sa base, inspecte un bâtiment cible puis retourne à sa base comme un véritable petit robot, devrait bientôt être un incontournable des sites industriels, sensibles ou non.
Cet usage lié à la surveillance et la sécurité a déjà généré 300 M€ en 2016 et atteindra 5,4 Mds€ dans 5 ans**. D’innombrables débouchés donc pour les drones civils dans la construction, l’immobilier, l’agriculture, les assurances, l’énergie et même le cinéma !
Un secteur encore jeune…
Mais si les applications des drones professionnels sont prometteuses, le marché pour sa part reste peu structuré. « Il est encore jeune et, surtout, atomisé», précise Stéphane Morelli. Plus de 3.000 entreprises se disputent ainsi ce segment, «de petites structures, certaines performantes, d’autres plus médiocres, dont peu d’entre elles disposent d’une réelle force de frappe commerciale et de moyens financiers conséquents pour se développer. »
Un secteur en devenir, notamment par des concentrations. Pour 2017, Stéphane Morelli prévoit d’ailleurs « des opérations de fusion-acquisition qui vont permettre de structurer le marché afin de créer les champions de demain. Il est vital de former des structures de taille plus conséquente afin d’accélérer le développement technologique et s’imposer à l’international ». À la clé ? La création de 150.000 emplois.
Surtout, face à la concurrence chinoise, les PME tricolores doivent « monter en gamme dans la fabrication des drones, mais aussi dans le traitement des données et des logiciels ». Un mouvement déjà en marche. « À l’image de Delair Tech, certaines jeunes pousses, soutenues par des investisseurs, amorcent leur développement à l’international, notamment en Afrique où les besoins sont colossaux », se félicite Stéphane Morelli.
Pour ces futurs leaders français, d’autres barrières seront alors à lever, réglementaires cette fois. « En France, l’une des raisons du fort développement du marché s’explique par l’évolution de la réglementation. » À l’échelle européenne en revanche, les choses se compliquent car les réglementations ne sont pas harmonisées.
La Commission européenne y travaille, la réussite de ce chantier restant déterminante dans l’essor des drones professionnels. « Une réglementation souple pour survoler une foule ou une ville donnera des moyens de surveillance que nous n’avons pas encore », projette Stéphane Morelli. Un doux rêve ? « Le marché est jeune mais il a un bel avenir devant lui ! »
* Source : cabinet Gartner
** Source : Cabinet Oliver Wyman