Amateurisme ou incompétence ? Faisant fi de ses propres décisions de juillet 2021, basées sur l’avis de la commission consultative nationale d’agrément (CCNA) qu’il a nommée, l’ex-ministre de la Santé a délivré fin avril 2022 un agrément à plusieurs écoles d’ostéopathie qui, pourtant, ne semblent pas présenter toutes les garanties requises par la réglementation.
Depuis 2014, la délivrance de l’agrément des écoles d’ostéopathie par le ministre de la santé, sésame indispensable pour pouvoir former les futurs ostéopathes, est conditionnée au strict respect de 63 critères de formation, comprenant notamment l’encadrement et la formation pratique clinique[1]. Chaque dossier est examiné par la CCNA, la Commission Consultative Nationale d’Agrément des établissements formant à la pratique de l’ostéopathie. Or en revenant systématiquement (à deux reprises et sur les deux campagnes d’agréments de 2015 et 2021) sur sa décision initiale de refus pour des raisons plus qu’obscures, le gouvernement cause un tort considérable à l’image de la profession, et, plus largement, à la qualité de la prise en charge des patients.
Neuf écoles recalées
Lors de la campagne d’agrément de l’été 2021, la CCNA a délivré des avis négatifs pour plusieurs écoles. Le 22 juillet 2021, comme le veut la procédure, le Ministre de la Santé de l’époque, Olivier Véran, a donc refusé le renouvellement d’agrément pour 9 écoles et la délivrance d’un premier agrément pour une nouvelle école. Dans une communication du mois d’août, le ministre soutient ces décisions en affirmant qu’elles seraient liées à une dégradation notable de la qualité des cursus des établissements concernés.
Or, le 22 septembre 2021, à la surprise générale, Olivier Véran effectue un virage à 180 degrés et décide par voie de presse de délivrer un agrément provisoire d’un an aux neuf écoles recalées deux mois plus tôt ! Concrètement, cela signifie que ces écoles peuvent bien rouvrir leurs portes… même si elles ne répondent pas aux critères réglementaires.
Selon un nouveau décret daté du 1er octobre 2021, les écoles agréées provisoirement ont pu se contenter de fournir un nouveau dossier en janvier 2022 sur « quelques critères… ». On ne peut être plus flou ! Sidération des professionnels, des étudiants et des enseignants. Et incompréhension des autres écoles qui, elles, ont fourni les efforts nécessaires pour répondre aux 63 critères exigeants, imposés par la réglementation depuis 2014.
Revirement d’Olivier Véran
Devant l’émotion causée par cette décision, le ministre tente d’expliquer l’inexplicable : selon lui, cette décision controversée avait pour objectif de ne pas bouleverser la rentrée des étudiants en ostéopathie dont les écoles avaient perdu leur agrément.
Mais, l’argument ne tient pas. Comme le prévoit la réglementation, plusieurs établissements parfaitement agréés qui disposaient de places disponibles s’étaient proposés pour accueillir ces étudiants et leur permettre de poursuivre leur cursus. Pour faciliter ces mouvements d’étudiants, il avait même été convenu par le ministère de repousser la date limite de rentrée au mois d’octobre.
Malgré les protestations des professionnels, à commencer par la Fédération Nationale de l’Enseignement Supérieur en Ostéopathie (FNESO), le ministre confirme en avril 2022 six agréments provisoires et les pérennise même jusqu’en 2026 (publié au Journal Officiel n°104 du 5 mai 2022).
Une décision incompréhensible et très contestée
Cette décision très contestée est d’autant plus mal perçue par l’ensemble de la profession que l’ostéopathie, plébiscitée par beaucoup de français, repose sur une formation irréprochable des praticiens. Et certaines des écoles non agréées en juillet 2021 avaient également été « recalées » en juillet 2015, et « repêchées » l’année d’après ! Comment, dans ce contexte, expliquer ce revirement d’Olivier Véran ? Les pressions politiques exercées par les établissements ayant perdu leur agrément, ou la crainte de devoir affronter des procédures judiciaires de la part des écoles non agréées ont-t-elles influencé l’ancien ministre ?
Pourtant, il semble urgent que le ministère se penche à nouveau sur ces attributions d’agréments qui semblent avoir été effectuées avec beaucoup de légèreté. L’enjeu est de taille : si les conditions de formation ne répondent pas à toutes les garanties, comment un patient peut-il être certain que l’ostéopathe qui le reçoit a bénéficié d’un enseignement de qualité ?
Cette situation a entraîné une rupture de confiance entre la profession et son ministre de tutelle. L’ensemble de cette profession espère que Monsieur François Braun, nouveau Ministre de la Santé et de la Prévention, saura l’entendre pour rétablir une concertation apte à remédier à cette situation incompréhensible.
L’agrément, indispensable pour former les ostéopathes de demain
Tous les 5 ans, le ministère de la Santé, sur avis de la commission consultative nationale d’agrément (CCNA), peut décider d’attribuer, ou non, un agrément aux écoles d’ostéopathie. Cet agrément, délivré pour 5 ans, est indispensable : seuls les étudiants ayant suivi leur formation dans une école agréée peuvent obtenir leur diplôme d’ostéopathe, puis exercer.
Comme le précise l’arrêté du 29 septembre 2014 relatif à l’agrément des établissements de formation en ostéopathie, 63 critères sont à remplir pour obtenir l’agrément. Ces critères, très exigeants, portent sur la qualification des enseignants, l’encadrement, la formation pratique clinique, les locaux, l’évaluation des compétences, l’insertion professionnelle, l’hygiène, les assurances, le nombre de formateurs, le conseil scientifique, etc.
Alexandre Bodkine
[1] Arrêté du 29 septembre 2014 relatif à l’agrément des établissements de formation en ostéopathie