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Economie verte : la start-up qui développe les super-isolants de demain


L’ambition d’Enersens ? Devenir un leader mondial des super-isolants thermiques, en misant sur une technologie de pointe : l’aérogel de silice.

Entreprendre - Economie verte : la start-up qui développe les super-isolants de demain

L’ambition d’Enersens ? Devenir un leader mondial des super-isolants thermiques, en misant sur une technologie de pointe : l’aérogel de silice.

«Le déficit énergétique de la France efface des comptes de l’État ce que lui rapporte l’impôt sur le revenu, et coûte à l’Europe 380 Mds€ par an. Le marché de l’isolation est donc considérable». C’est sans concession que Pierre-André Marchal, 46 ans, directeur exécutif d’Enersens, plante le décor.

La bataille pour la réduction de la consommation énergétique débute à peine mais le marché de l’isolation est déjà au cœur des préoccupations liées à la transition énergétique. «Le coût de l’énergie augmente régulièrement, l’habitat continue à se densifier, les obligations réglementaires deviennent de plus en plus contraignantes. La meilleure énergie est donc celle que l’on ne consomme pas !

Or, l’isolation permet d’agir sur 30% de la consommation énergétique nationale», constate-t-il fièrement.

À l’origine de la start-up fondée en 2010 et installée à Bourgoin-Jallieu dans l’Isère (38), le groupe PCAS (spécialiste du développement et de la production de molécules complexes pour les sciences de la vie et les technologies innovantes), et son directeur de la stratégie, Didier Schneider.

Cette ETI française (166 M€ de CA), listée sur Euronext, développe une première technologie de fabrication des aérogels de silice mais prend vite conscience que la suite nécessite des investissements dédiés très importants ainsi qu’une approche technologique, industrielle et marketing singulière.

PCAS choisit donc de créer une structure adaptée, Enersens, permettant de lever les fonds nécessaires et de porter le développement industriel et commercial. Pour prendre la tête de ce nouveau projet, Didier Schneider recrute Pierre-André Marchal, ancien de Dassault Électronique (pour laquelle il a développé la filiale madrilène notamment) et ancien directeur business development de Qualcomm (un leader technologique des télécoms).

L’ingénieur a donc de la bouteille ! Aujourd’hui aux manettes d’Enersens, il supervise l’ensemble des fonctions opérationnelles : R&D, industrialisation, exploitation, marketing et ventes, recherche de financements.

Une technologie d’avenir

Développé initialement pour isoler les combinaisons et les capsules des missions Apollo, l’aérogel de silice est une «mousse de sable» inerte, très finement divisée et très légère. Cet isolant reste le plus performant connu à ce jour : il est deux à trois fois plus mince que les meilleurs isolants classiques, comme les laines minérales.

«Enersens est la seule entreprise au monde à savoir fabriquer des aérogels de silice sous différentes formes – panneaux, matelassés, granulés –, selon un procédé très efficace et rapide, ce qui nous permet de viser de larges champs d’application.

Et nous comptons bien démocratiser l’usage de ces matériaux. Les marchés des transports, de l’industrie et du bâtiment attendent avec impatience des isolants sûrs, durables et de plus en plus performants, soit pour épargner de la surface habitable, soit pour concevoir des équipements plus compacts et plus efficaces en économie d’énergie», recontextualise le dirigeant.

Cette nouvelle technologie s’adresse donc aux spécialistes de l’enveloppe du bâtiment ou des systèmes d’isolation pour l’industrie ou les transports. Enersens propose déjà sa solution sur le marché. «Nous commercialisons des granules et poudres d’aérogel de silice utilisés comme additifs de performance dans les mortiers isolants ou les peintures, et pour fabriquer des pièces d’isolation en forme.

Nous sommes en phase de développement industriel pour des panneaux et matelassés, notamment à travers le projet Européen H2020 “Homeskin” que nous dirigeons».

Les produits Kwark® (granules) et Skogar® (panneaux) développés par Enersens s’appliquent à l’extérieur comme à l’intérieur et sont jusqu’à trois fois plus isolants que les meilleurs isolants actuels. Surtout, cette performance est stable dans le temps. Ces isolants ne sont pas issus de la pétrochimie mais constitués de sable (silice, 24% de la croûte terrestre contre 2% pour le carbone) et l’énergie nécessaire pour les fabriquer est amortie en seulement quelques semaines.

On le voit, ses atouts le portent à devenir la solution isolante idéale pour un monde plus propre.

De belles perspectives

Selon les experts, le marché global des matériaux isolants devrait représenter 60 Mds€ à horizon 2020-2025. En raison de leurs hautes performances techniques, et si leurs coûts diminuent comme prévu, les aérogels de silice devraient concurrencer et compléter les isolants thermiques traditionnels (polystyrène expansé, polystyrène extrudé, polyuréthane…) sur un certain nombre de marchés du bâtiment et de l’industrie.

Une isolation plus compacte permet en effet de réduire les volumes des équipements, les masses embarquées ou l’encombrement d’un bâtiment pour une même surface habitable ce qui, selon les experts, induit une réduction directe de l’empreinte environnementale globale de ces constructions ou équipements de l’ordre de 5%, un atout non négligeable dans le contexte de transition énergétique.

Enersens est donc confiante quant au développement de son activité. «Nous visons un CA de 10 M€ d’ici 3 ans. À 5 ans, Enersens espère une part du marché mondial des super-isolants de 10%. Notre positionnement est celui d’un pure player des aérogels de nouvelle génération», rapporte Pierre-André Marchal.

Pour soutenir ses ambitions, Enersens a d’ailleurs réalisé une augmentation de capital en septembre dernier de 6 M€ sur 2 ans. Dans le cadre du Programme des Investissements d’Avenir, l’Ademe investit 3 M€ et détiendra 14% du capital d’Enersens à l’issue de cette opération, aux côtés d’un family office (19%) et de PCAS qui demeure l’actionnaire de référence avec 67%.

Cette opération confirme la crédibilité du projet porté par Enersens dans le domaine de la super-isolation et met en relief le caractère innovant et disruptif de ses procédés de fabrication et de ses produits. Les fonds levés financeront notamment la mise en œuvre de moyens de production industrielle de matelassés et de panneaux super-isolants.

Ces moyens compléteront l’unité de fabrication de granules de super-isolants qui doit entrer en production d’ici la fin de l’année. Avec son avance technologique, l’avenir qui s’ouvre à Enersens semble radieux, une bonne nouvelle pour le secteur du développement durable mais aussi les générations futures.

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