Président du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) du Burkina Faso, principal parti d’opposition du pays et mouvement politique de l’ancien Président de la République Blaise Compaoré, Eddie Komboïgo est candidat à l’élection présidentielle 2020 du Burkina Faso. Il dresse un bilan très sévère du quinquennat de Roch Kaboré, actuel Président du Burkina Faso, alors même que le pays connaît une situation économique délicate, des tensions sociales persistantes et une recrudescence notoire du terrorisme.
Après cinq ans à la tête de l’État, quel bilan tirez-vous du quinquennat de Roch Kaboré, au niveau économique notamment ?
Eddie Komboïgo : Après cinq ans de gestion du Burkina Faso par l’équipe dirigeante Kaboré, les activités économiques sur le territoire national sont dans un état de morosité́ inédit, jamais égalé dans toute l’histoire du pays. Qu’on en juge par ce seul indicateur, édifiant : de 2,2 % de taux de chômage national chez les jeunes de 15 à 24 ans en 2015 selon l’Institut national des statistiques et de la démographie, le même taux de chômage dans la même tranche d’âge est passé à 8,6 % en 2019, soit une détérioration de plus de quatre fois par rapport à 2015.
Au Burkina Faso, 2019 a été une année agitée sur le plan social. Dans l’éducation, la police, la justice ou encore la santé, beaucoup de grèves ont marqué le pays. Comment expliquez-vous ces tensions sociales ?
L’explication de la persistance au Burkina Faso de la tension sociale tout au long de l’année 2019 réside dans le goût immodéré́ du pouvoir Kaboré pour le « clair – obscur ». C’est une stratégie politicienne consistant en une duperie des forces progressistes, en l’occurrence ici les travailleurs et l’opinion publique, en leur faisant des promesses dont on est conscient de ne pas pouvoir les réaliser.
Il s’agit tout simplement de verser dans le populisme en acceptant d’accéder aux desiderata d’une catégorie précise de frondeurs sociaux du fait de leur pouvoir de nuisance et de coercition majeur contre l’équipe dirigeante politique. Les magistrats, notamment, auxquels le régime a accordé sans broncher une amélioration substantielle de leurs traitements salariaux. Dans le même temps, on refuse les mêmes avantages aux autres catégories socioprofessionnelles dont le niveau de nuisance est moindre.
Diviser les travailleurs pour mieux les dominer : telle est la posture du régime Kaboré face aux revendications syndicales, ce qui est à l’origine de la tension sociale permanente. Hélas, cette tension sociale ne prendra certainement pas fin en cette année 2020 tant l’environnement économique créé par le Pouvoir de Ouagadougou est exécrable.
En 2020, le très ambitieux Plan National de Développement Économique et Social (PNDES), mis en place par le gouvernement Kaboré, prendra fin. Quel bilan en tirez-vous ?
Si 18 000 milliards de francs CFA avaient été annoncés à l’époque, depuis la cérémonie organisée à Paris avec les donataires, investisseurs et bailleurs de fonds invités par le Pouvoir Kaboré, seuls 3 milliards de francs CFA sont effectivement rentrés dans les caisses de l’État !
Ceci est on ne peut plus représentatif du niveau dramatique de la réalisation des chantiers colossaux de développement annoncés dans le cadre de la mise en œuvre du fameux PNDES. Dès lors, comme je le soulignais, on se représente facilement le désastre que constitue le bilan du plan présidentiel Kaboré de développement économique et social du Burkina Faso.
Un des enjeux majeurs du Burkina Faso est son industrialisation, notamment pour la transformation dans le pays des ressources naturelles. Avez-vous d’ores et déjà des objectifs dans ce domaine ?
Sur le plan de l’industrialisation du Burkina Faso, bien naturellement que nous avons des plans précis, concrets et pour lesquels nous avons identifié les ressources nécessaires de financement. Mais pour des raisons évidentes de stratégie de conquête du pouvoir d’État, vous me voyez contraint de ne rien en dire pour l’heure. Les chiffres, toutefois, parlent d’eux-mêmes. Un seul exemple : le Burkina est historiquement le premier producteur de coton du continent. Aujourd’hui, le pays n’est plus que quatrième. Des conclusions s’imposent…
Si vous êtes élu, vous arriverez au pouvoir dans un contexte sécuritaire tendu, notamment face à la recrudescence des attaques terroristes. Le principal enjeu du candidat élu sera de garantir une sécurité accrue pour les habitants du Burkina Faso.
Le bilan de la gestion sécuritaire du Burkina Faso par le régime Kaboré est une faillite globale. La sécurité est le terreau indispensable de tout développement d’un pays. Sans sécurité, pas d’investissements et donc, pas de développement.
Vous comprenez aisément combien, et nous n’avons de cesse de le répéter à chacune de nos prises de position, sécuriser le Burkina sera la priorité de nos priorités quand nous aurons accédé à la gestion du pouvoir. Pour garantir la protection de nos frontières, nous répondrons sur le terrain à travers les actions concrètes que nous allons poser.
Rendez-vous est donc pris sur le terrain, après les consultations électorales majeures de cette année 2020, pour apprécier concrètement nos actions lorsque les populations du Burkina Faso nous auront choisis pour gérer le pays.