Qu’est-ce qui différencie Tenzing des autres cabinets de conseil ?
Elodie Baussand : La différence de Tenzing ne se mesure pas uniquement avec les autres cabinets, mais avec les entreprises en général. Nous interrogeons le rôle de l’entreprise au sein de la société, sans nous limiter à celles exerçant dans le secteur du conseil. Notre principal facteur différenciant est notre capacité à avoir intégré au cœur de notre modèle une réflexion autour d’un nouveau « contrat social ». Néanmoins, les deux différenciateurs forts par rapport aux autres cabinets de conseil résident dans une modification drastique du partage de la valeur créée et un mode de recrutement éloigné de l’élitisme traditionnel du secteur.
Kazem Tabrizi : Depuis notre création en 2016, nous nous attachons à faire la preuve concrète de notre singularité, au-delà des habituels discours marketing. Tenzing est un cabinet en stratégie opérationnelle, qui s’est créé autour de trois piliers : recruter des jeunes qui n’accèdent pas habituellement aux métiers du conseil ; reverser la totalité des dividendes à des associations qui œuvrent chaque jour pour l’égalité des chances ; et enfin, garantir un niveau d’excellence dans nos missions, au moins équivalent aux grands cabinets de conseil, pour faire la preuve que la mixité sociale apporte de la valeur.
Pouvez-vous revenir sur la genèse de la création du cabinet ?
Kazem T : Tenzing est le résultat de la rencontre entre Eric Delannoy et Thibaut Guilluy. Le premier vient du secteur du conseil. Le second de l’économie sociale et solidaire. À eux deux, ils ont ouvert la voie vers un modèle d’entreprise responsable visant à recruter des jeunes et à leur donner une chance d’exprimer leur potentiel dans un secteur jugé élitiste.
Elodie B : Nos deux fondateurs, avec leur expérience propre, ont souhaité construire ensemble une entreprise qui aspirerait à conjuguer sens et performance, tout en corrigeant un certain nombre d’inégalités sociales. Les outils principaux sont le recrutement s’affranchissant du diplôme de grandes écoles, afin de ne pas faire de notre métier une profession socialement réglementée et le partage de la valeur. Comme l’a dit Kazem, Tenzing ambitionnait, dès l’origine, d’ouvrir socialement le secteur du conseil, de promouvoir le recrutement et la formation en partant de situations de travail réelles et d’interroger l’idée de performance.
Comment parvenez-vous à concilier entreprise à mission qui œuvre activement pour l’égalité des chances et cabinet de conseil qui doit batailler pour gagner des contrats dans un univers concurrentiel ?
Elodie B : Ce n’est pas toujours simple à concilier ! Notre modèle s’inscrit à rebours de nombreuses croyances et conventions à l’œuvre dans l’entreprise et dans la manière de piloter une organisation. Social et solidarité semblent, par essence, contraires à la notion de concurrence. Mais nous n’avons pas une vision misérabiliste du social : dans le cas de Tenzing, agir pour l’égalité des chances, c’est avant tout sortir du déterminisme social, en détectant des jeunes de milieux populaires qui, malgré leurs compétences, restent enfermés dans une trajectoire de vie. Notre modèle d’entreprise à mission à finalité sociale provoque en réalité un surplus de motivation et d’engagement chez nos collaborateurs, qui nous positionne favorablement dans un univers concurrentiel. Nous sommes néanmoins amenés à procéder à des arbitrages, en refusant des missions allant à l’encontre des valeurs propres à notre modèle. Nous bataillons plutôt pour faire saisir les implications de notre modèle social et responsable dans la relation contractuelle.
Kazem T : Nous avons choisi de ne pas choisir entre nos engagements et notre métier, mais de les associer pour apporter davantage de sens dans nos projets. Nous maintenons l’excellence de notre métier avec un véritable engagement dont nous apportons la preuve tous les ans dans notre rapport de mission. Évidemment, au lancement de Tenzing, il a fallu faire la preuve que nous allions maintenir l’excellence du conseil tout en recrutant des jeunes, dont le cursus ne permettait traditionnellement pas d’accéder pas à ce métier. Ils étaient et sont accompagnés par une équipe managériale aguerrie au métier du conseil. C’est ce qui explique notre nom complet : « Tenzing, les Compagnons du conseil ».
Quels sont vos services et expertises phares ?
Kazem T : Notre modèle et notre expertise nous positionnent comme un acteur reconnu dans la transformation responsable des entreprises, qui sont à 70% dans les secteurs de la banque et de l’assurance. C’est un panel assez vaste de missions, qui inclut les missions traditionnelles du conseil en management et organisation ainsi que, plus spécifiquement l’élaboration des stratégies RSE, l’accompagnement à la définition de la raison d’être et des engagements, l’obtention de label type BCorp ou Engagé RSE ou encore la conduite du changement pour réussir l’appropriation de leurs transformations. Parmi nos autres expertises, citons l’expérience client, les ressources humaines ou le pilotage de projet et l’innovation.
Qu’attendez-vous de vos consultants ? Comment les sélectionnez-vous, les recrutez-vous ?
Elodie B : Nous les recrutons sur la base des compétences, en nous affranchissant du diplôme de grandes écoles. Nous avons créé un outil de sélection sur Internet qui permet d’apprécier les compétences pour être un bon consultant. Ceux qui réussissent les tests en ligne passent ensuite une série d’entretiens individuels. Nous recrutons également des consultants venant de cabinets concurrents, sensibles à nos modes d’interventions et nos expertises, et qui souhaitent par ailleurs partager l’aventure d’une entreprise qui cherche à promouvoir un capitalisme plus durable, notamment par la réduction des inégalités, un autre partage de la valeur, et des principes managériaux fondés sur le compagnonnage et le respect individuel.
De quoi êtes-vous le plus fiers en tant qu’associés fondateurs ?
Kazem T : Avant tout de la solidarité et de la force de notre collectif. Ensuite que notre modèle soit aujourd’hui de plus en plus « copié » par certains de nos confrères.
Elodie B : De la solidarité qui règne au sein de notre entreprise, évidemment. Mais aussi de réussir, au quotidien et dans la durée, à prouver par l’exemple qu’une autre voie est possible dans le rapport entre l’entreprise et la société.
EComment voyez-vous votre cabinet dans 5 ans ? Quels sont vos grands enjeux stratégiques ?
Elodie B : À horizon 5 ans, nous avons l’ambition de doubler de taille. Ce serait pour nous la meilleure démonstration que le sens et l’engagement nourrissent durablement la performance globale de l’entreprise. Notre enjeu majeur consiste à imbriquer de plus en plus nos engagements d’entreprise à mission avec notre métier de consultant. À la fois pour créer de nouvelles offres compatibles avec la spécificité de notre ADN et pour montrer que l’édification de nouvelles responsabilités des entreprises à l’aune des transitions écologiques et sociales permet de faire notre métier de consultant autrement et apporte plus de valeur à nos clients. Cela passe évidemment par un rayonnement institutionnel plus important et la recherche d’effets de levier majeurs pour maximiser notre impact en matière de lutte contre les inégalités sociales.
Kazem T : Nous sommes à un moment clé pour toute entreprise, en particulier pour un cabinet de conseil, car nous avons dépassé les 50 collaborateurs. Cela est évidemment une preuve de la solidité de notre modèle. Comme tout bon consultant, nous cherchons à anticiper, à nous projeter en nous fixant des objectifs ambitieux et réalistes. Clairement, notre objectif est de passer à une centaine de collaborateurs d’ici 5 ans et d’augmenter notre impact en cohérence avec notre raison d’être qui reflète parfaitement bien notre positionnement singulier sur notre marché : « Promouvoir la réussite scolaire et professionnelle des personnes faisant l’objet d’inégalités sociales ».