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Emmanuel Pierrat, avocat touche-à-tout


Avocat aux multiples facettes, Emmanuel Pierrat dort deux heures par nuit, écrit de nombreux livres et tient un blog... . À 46 ans, Emmanuel Pierrat est l’avocat dont on parle…

Entreprendre - Emmanuel Pierrat, avocat touche-à-tout

Avocat aux multiples facettes, Emmanuel Pierrat dort deux heures par nuit, écrit de nombreux livres et tient un blog… . À 46 ans, Emmanuel Pierrat est l’avocat dont on parle…

Entreprendre : Est-ce que le sommeil vous ennuie à ce point que vous avez fait de l’éveil la clé de vos choix ?

Emmanuel Pierrat :

Oui, je crois que le sommeil m’ennuie parce qu’il m’est inutile. Je mets à profit les longues heures d’éveil. Pour tenir le coup, je me mets dans un état de sérénité et de repos physique tout en étant actif intellectuellement. Je ne me définis pas comme un « éveillé » au sens spirituel du mot bien que mon goût pour la culture tribale africaine participe d’une conscience autre, celle de la nuit, plus tournée vers une forme d’intériorisation.

Entreprendre : Vous dites dans votre livre Troublé de l’éveil  (Editions Fayard) que, la nuit, vous saluez avec dévotion les figures de votre collection tribale africaine. Est-ce pur jeu, pure politesse ou autre chose ?

Emmanuel Pierrat :

Je suis totalement athée. J’aime ces objets, ce qu’ils représentent. Ils sont liés à des cultes, à des symboles, aux ancêtres. Dans ma chambre, j’ai des crânes ornés d’ancêtres des Philippines. Je dors face à eux. Je me sentirais impoli si je ne les saluais pas. Quand on a de tels objets et qu’ils sont vrais, il y a une vibration. On ressent physiquement une osmose. Certains aiment parler à leurs plantes. Moi, j’aime parler à mes masques. Je cultive aussi des plantes mais je dois parler à mes sculptures, elles m’envoient des signes d’apaisement. 

Entreprendre : Vous publiez en même temps quatre ouvrages, Les arts premiers pour les nuls qui vient de sortir chez First, et à la rentrée, à la fois chez Lamartinière Peau d’âne, inspiré des contes de Charles Perrault, chez Holbecke, filiale de Gallimard, Cent chansons censurées, et enfin Brèves de prétoire. Si vous lisiez en même temps quatre livres, vous seriez ce que l’on appelle un lecteur boulimique. Comment définir un auteur qui produit dans un temps donné à peu près autant de livres qu’il n’en consomme ?

Emmanuel Pierrat :

Un polygraphe mais je ne suis pas sûr d’être à la hauteur des plus célèbres, Balzac et Alexandre Dumas que je chéris. Je ne m’en lasse jamais. Et puis, beaucoup d’autres, j’aime tant les livres ! Et Zola bien sûr qui, à 20 ans, fait le plan de 20 romans qui vont croquer la société française du second Empire, femmes, ouvriers, bourgeois etc. Je trouve incroyable et époustouflant ce pari réussi. Le style, c’est important. Il faut brosser vite. Tout va vite maintenant. Peau d’âne sort simultanément en six langues, français, chinois, russe, japonais, anglais, arabe du Moyen-Orient et en numérique. J’aime le papier mais aujourd’hui, il faut aussi passer en numérique en même temps. Je tiens d’ailleurs à titre personnel un blog hebdomadaire sur le site de Livres Hebdo.

Entreprendre : Vous condamnez sévèrement la « bienpensance » qui règne dans tous les domaines, édition, médias, érotisme, sectes, sexe… Qu’est-ce qui vous inspire ce jugement ?

Emmanuel Pierrat :

Les affaires que je traite et l’auto-censure que ça provoque. La bien-pensance s’impose comme une norme car chacun a accès à tout par Internet. Chacun s’autorise à croire qu’il est le destinataire des oeuvres produites. Autrefois, il y avait un décalage. Le public était averti. Des gens non concernés qui confondent les galeries d’art avec les pubs dans les abribus font interdire des spectacles parce qu’ils sont choqués. La bien-pensance, c’est l’uniformisation. Si la démocratie est formidable en politique, elle devient en culture le goût du public. Or, la culture doit se marquer par la diversité et l’ouverture. Notre société est une société qui recule.

Entreprendre : Pouvez-vous nous citer une ou deux chansons censurées et nous donner un extrait de vos brèves de prétoire ?

Emmanuel Pierrat :

« Les golfes clairs », la chanson de Bashung, est un exemple parmi d’autres d’une chanson qui a été censurée sur les radios publiques. Cela en raison de la guerre du Golfe. On pensait que ça pourrait être mal interprété. De même, « Désert » dont on croyait que les paroles démobiliseraient les troupes. Plaidant depuis 21 ans, j’ai pris des notes à partir desquelles j’ai fait ce livre Brèves de prétoire. On y trouve, entre autres perles, la question du Président à un prévenu : « Vous avez des antécédents » et sa réponse : « Non, je n’ai qu’une soeur ». Une des grandes scènes du prétoire c’est celle du tribunal qui s’endort. L’avocat tape sur la barre pour le réveiller et dit : « Je vois que le tribunal n’a pas peur du sommeil ». Réponse : « Non, mais il redoute les somnifères ». « La bien-pensance s’impose comme une norme car chacun a accès à tout par Internet. »

Entreprendre : Vous faites partie de ces hyper doués dont les médiocres disent qu’ils sont des touche-à-tout. Qu’avez-vous à leur répondre ?

Emmanuel Pierrat :

C’est mieux que de ne toucher à rien. Qui ne touche à rien n’est qu’un bon à rien. Ce n’est pas grave de toute façon. Il est vaniteux et vain de se concentrer sur une seule oeuvre pour qu’elle passe à la postérité.

Entreprendre : Pourrait-on dire que vous êtes un homme de la Renaissance ? Pas celle de Michel Ange ou de Montaigne, mais celle de notre époque dont nous parlons beaucoup mais que nous continuons d’attendre ?

Emmanuel Pierrat :

J’aimerais bien. C’est très flatteur. J’avoue que j’aime bien mon époque. Il faut la goûter, ne pas être dans la nostalgie permanente. Nous avons en même temps la liberté d’expression et l’auto censure.

Il s’agit en même temps d’être vigilant et conscient de ces libertés qui sont aujourd’hui au sommet. Il y a encore quelques années, il aurait été impensable de voir publier les photos volées de François Hollande venant rendre visite à l’actrice Julie Gayet. Mais à force d’ouvrir leur intimité à la presse, les politiques sont devenus des people comme les autres. Il n’y a donc désormais plus aucune barrière entre vie privée et vie publique.

Dans les années 50, les Présidents de la IVème République commencent, un peu, à mettre en scène leur intimité. C’est l’influence du modèle américain et l’émergence de la télévision. George Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing vont accélérer le mouvement et vont utiliser l’image de leur famille à des fins électorales. L’engrenage de la presse people pour l’instant ne fait que ternir la fonction présidentielle. Il finira par la décrédibiliser.

Entreprendre : L’un de vos livres s’appelle Histoire du sexe. Le dernier grand tabou serait- il le sexe ?

Emmanuel Pierrat :

Oui, ça reste un tabou permanent et immanent de l’humanité. De là ? l’exploitation du sexe parce que ce qui est interdit est plus que tout désirable. Donc, c’est un marché porteur.[FIN]

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