Si l’ancienne Laiterie-Saint-Denis-de-l’Hôtel a pris le nom de LSDH dans le Loiret, c’est parce que son activité ne se résume plus au seul pôle laitier. Emmanuel Vasseneix en a fait un groupe agroalimentaire leader, fort de ces 2000 salariés pour 900 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pas étonnant qu’on surnomme « le Steve Jobs du lait » le créateur atypique d’une marque agroalimentaire militante.
Emmanuel Vasseneix est un patron atypique qui dirige une entreprise agroalimentaire de 2000 salariés et réalise quelques 900 millions d’euros. L’entrepreneur n’a pas toujours fait l’unanimité parmi ses pairs, ce qui ne l’a pas perturbé pour autant. Après tout, les résultats de l’entreprise sont là, il suffit de les examiner. Pour expliquer cette image à part dans le patronat français, ce PDG de 55 ans met en avant le fait qu’il n’a pas le profil habituel, celui de la grande école qui sous-tend la future carrière haut de gamme. Pourtant, il est bel et bien issu du moule. Du moule laitier en l’occurrence, son grand-père ayant fondé une laiterie, celle de Saint-Denis-de-l’Hôtel.
Des débuts tranquilles
Emmanuel Vasseneix était un lycéen moyen parmi d’autres qui entre après le brevet de troisième dans une école d’agriculture du Val-de-Loire, puis s’inscrit en BTS dans une école de laiterie en Savoie, suivant ainsi la voie paternelle. Rien de bien particulier si ce n’est qu’il rencontre la mère de ses trois futurs enfants. C’est dans les Vosges qu’il fait la connaissance de cette Bretonne à l’occasion d’un stage. Autre élément à ne pas négliger, ce patron n’est pas défini que par sa vie professionnelle : son séjour en Savoie l’a rendu définitivement amoureux de la montagne, lui qui vient d’une région à l’altitude peu impressionnante. Il foulera le sommet du Kilimandjaro quelques années plus tard, entouré d’un groupe de salariés de son entreprise, n’oubliant pas qu’un homme est fait aussi de toutes ses passions.
Dans le lait depuis toujours
Il ne quittera pas l’univers du lait dès son entrée dans la vie active : Triballat dans les Vosges puis Danone dans les Pyrénées lui permettent de se former au métier de façon concrète ainsi qu’aux méthodes de management. Son père l’intègre dans la structure qu’il dirige en 1992, à Saint-Denis-de-l’Hôtel. En 1996, le groupe Célia décide de vendre la société : Emmanuel rachète l’entreprise avec son père, jusqu’à reprendre la totalité des parts en 2007. Il prend la direction de la société, même si le « padre » restera présent jusqu’à sa retraite en 2002. Son frère Christophe et sa sœur Christel viennent compléter l’équipe.
Croissance à tout-va
Pendant une douzaine d’années, il se lance dans une belle croissance externe en rachetant les Jus de Fruits d’Alsace (avec des cadres), l’Abeille (les sodas) et les Crudettes ; changeant totalement la physionomie de l’entreprise qui devient la championne de l’embouteillage. Si on a souvent qualifié Emmanuel Vasseneix de patron humaniste, cela s’explique par le fait qu’il a toujours pour objectif de faire progresser l’entreprise dans sa globalité avec les hommes comme les idées, sans être un utopiste pour autant, sachant que l’argent et les résultats sont les éléments qui permettent d’atteindre ces objectifs.
« C’est qui le Patron ?! », un vrai buzz
L’entrepreneur fait partie de l’aventure lancée par le trublion Nicolas Chabanne depuis quatre ans autour de la marque « C’est qui le patron ?! », avec le succès que l’on connaît. Le lait est un peu plus cher, mais l’argent supplémentaire récolté permet de payer le producteur de façon plus cohérente. Cela signifie clairement que le client doit prendre conscience de sa responsabilité à chaque fois qu’il achète un produit. Emmanuel Vasseneix est fier de cette aventure : « cette marque reflète bien l’attachement des consommateurs aux produits français, à l’engagement vis- à-vis des filières, du local, du sens et de la vision que l’on veut donner. Le patron, c’est le consommateur car c’est lui qui achète nos produits ».
Le consommateur n’est pas qu’un client
Pour parvenir à ce but, il n’hésite pas à interpeller le consommateur, car c’est lui qui est à l’origine des changements. Nous ne sommes pas dans une société de pénurie, c’est au contraire le type d’achat qui conditionne l’offre. Selon Emmnauel Vasseinex, il faudrait apprendre à mieux consommer dès le plus jeune âge en sachant comment et pourquoi. C’est aussi le fondement principal de la marque « C’est qui le patron ?! » qui propose des produits répondant aux demandes de consommateurs ayant exprimé leur avis préalablement via des questionnaires en ligne. La digitalisation participe à cette démarche, en créant le buzz autour de la marque via des applications permettant un contact direct producteur/client.
Un militant du made in France
Depuis son village du Loiret, Emmanuel Vasseneix a prouvé qu’il était un véritable ambassadeur du made in France et un ardent défenseur de l’agroalimentaire français. Il profite de différentes tribunes pour mettre en avant ses convictions. Favorable à la souveraineté alimentaire, il a une vision large du monde agricole et du marché. Le bio oui, mais pas seulement, le circuit court oui, mais le commerce peut aussi voir plus loin, y compris à l’étranger. Il a déjà affirmé qu’il était adepte des compromis, pour parvenir à une agriculture raisonnée, accessible à tous, et rémunératrice pour les producteurs. Viser haut, oui, mais pas trop haut ni trop vite au risque de décourager les meilleures volontés, par exemple chez les agriculteurs dont les changements de méthode prennent du temps.
Une diversification pleinement réussie
Le nom Laiterie-Saint-Denis-de-l’Hôtel pour aussi joli qu’il soit peut prêter à confusion par rapport aux activités actuelles de l’entreprise, raison pour laquelle on l’a réduit à l’acronyme LSDH. En effet, si l’activité a démarré et s’est consolidée autour du pôle laitier, d’autres gammes de produits sont des secteurs importants avec l’essor récent par exemple des boissons végétales. L’entreprise est devenue un acteur incontournable en matière de laits de consommation, gamme dans laquelle elle s’est engagée dans des filières responsables et si possible courtes, qu’il s’agisse de lait, de quinoa ou de soja.
Pas de développement sans investissement
Pour parvenir à cette performance, la direction n’a cessé d’investir. En recherche et développement d’abord avec un budget de quasiment 100 millions d’euros en dix ans, mais aussi dans l’outil de production comme dans la logistique. Emmanuel Vasseneix continue à mettre en avant ses convictions, sans peur et sans reproche. N’oublions pas qu’il est un excellent cycliste amateur ; il a donc le souffle nécessaire pour continuer sur sa lancée à assurer la croissance de LSDH.
A.F.