Tendance majeure, la France perd ses grandes entreprises et se démembre. Ses multinationales et ses ETI (entreprises de taille intermédiaire) se vendent et se délocalisent à mesure du temps. Ces affirmations résonnent brutalement, agitent les esprits et suscitent une certaine inquiétude.
Depuis les années 2000, la valse semble sans fin et la cadence est soutenue. En 2003, le groupe industriel français Pechiney était acquis par Alcan, ancienne entreprise d’aluminium et d’emballage. En 2010, le groupe sidérurgique Arcelor était absorbé par Mittal, tandis que Rhodia, un des principaux groupes de l’industrie chimique française, était repris par Solvay l’année suivante.
La délocalisation des centres de décision n’est pas en reste. En 2014, Publicis profite de sa fusion avec Omnicom pour préférer Londres et Amsterdam. Lafarge s’associe à Holcim et déménage à Zurich. Alstom, fleuron européen de l’industrie ferroviaire et de l’énergie, sur le point de revendre ses activités à GE, tire son épingle du jeu et s’expatrie aux Etats-Unis. Schneider, leader mondial de l’équipement électrique, a préféré délocaliser son board à Hong Kong.
Les mobilités s’enchaînent et l’inquiétude gronde, certains en appellent à des mesures protectionnistes pour stopper l’hémorragie ou à des interventions de l’Etat. Interdire la mobilité ne serait-elle pas la pire des mesures à prendre ? Comment expliquer la délocalisation et le déménagement des sièges sociaux ? Quelles en sont les raisons intrinsèques ?
Exode des entreprise : décrypter la situation
Au sujet de l’exode des entreprises françaises, les chiffres qui font autorité n’existent pas et lorsqu’ils ont été rassemblés ou étudiés par l’Etat ou à travers une mission récente de l’Inspection Générale des Finances, ils ne sont pas publiés. Il existe un vrai sujet lié à la complexité de cette question qui est autant celle de l’ouverture internationale de l’économie française sous toutes ses formes, voire même de la France, que celle de la perte ou de l’érosion de notre influence ou de notre attractivité.
Marc Lhermitte, Associé Ernst & Young et auteur du baromètre “Attractivité” précise que « lorsque l’on aborde le sujet à la fois sous l’angle de l’ouverture de notre économie à un monde très différent et celui de la perte de l’attractivité de notre territoire, nous avons déjà deux forces qui ne sont pas du tout les mêmes ».
« A l’intérieur de ces forces, on observe différentes situations qui ont conduits à publier un rapport en novembre dernier sur l’attractivité des pays et des grandes métropoles pour les talents. On s’est aperçu qu’il y avait peu d’inquiétude à avoir concernant l’exode, la fuite, l’exil et la perte de substances des étudiants internationaux. La question des étudiants internationaux témoigne d’une situation beaucoup plus positive que négative pour la France. » La mobilité née d’Erasmus est aujourd’hui devenue une quasi obligation dans les parcours universitaires et a fortiori dans les parcours des grandes écoles. L’étude d’Ernst & Young montre objectivement qu’il n’y a pas d’exil des étudiants. Le solde net pour la France est en effet très positif.
Beaucoup de fanstasmes sont entretenus
Les chercheurs internationaux représentent une deuxième catégorie autour de laquelle il existe de nombreux fantasmes entretenus. On constate certes quelques problèmes mais il n’est pas question d’exil massif. Marc Lhermitte précise le propos : « Nous ne nous heurtons pas aujourd’hui à un problème d’attractivité de la cible, au contraire, nous sommes dans une période de redressement et d’effet vertueux avec le Crédit d’impôt recherche (CIR), le regroupement de pôles universitaires, etc… »
On distingue une troisième catégorie beaucoup moins convoitée et qui ne fait pas l’objet d’inquiétudes graves à court terme : les classes créatives (designers, créatifs, artistes, intellectuels, enseignants, chercheurs, journalistes, leaders d’opinion). Richard Florida, un célèbre professeur américain, a beaucoup écrit sur les classes créatives qui font l’attractivité des grandes métropoles du monde. Pour Marc Lhermitte, les classes créatives sont « un moteur ou un des vecteurs principaux de cette concurrence entre les grandes métropoles et les grands territoires de concentration urbaine ».
Les études qui font le point sur les chiffres et les tendances de ces trois catégories souffrent d’un excès de paroles et d’arguments sans chiffres à l’appui. Marc Lhermitte dénonce une exagération importante de la distractivité de la France même s’il concède « qu’il existe des problèmes de coûts et de rémunération ». « Il faut à présent composer avec la qualité et non plus seulement jouer sur le volume, poursuit-il. La France était la 4ème économie mondiale, elle occupe à présent la 6ème place et bientôt la 10ème .»
Parmi tous les pays au monde, la France est celui où la capacité d’innovation est la plus grande. Ex-patron de Schneider, Didier Pineau-Valencienne indique « rencontrer beaucoup de jeunes qui, à titre individuel ou collectif, mènent des recherches pour trouver des solutions nouvelles, séduisantes et à valeur ajoutée ». « Ils sont, ou seront, les vrais créateurs de richesse, poursuit l’ancien PDF de Bull, et c’est cela qu’il faut favoriser. » On observe en France une imagination fertile et une qualité de services correspondant à la demande particulièrement attractives.
L’exode des entreprises françaises : un phénomène nouveau ?
A la relecture des mémoires de Saint-Simon, Didier Pineau-Valencienne précise que la gouvernance sous Louis XIV et la domination de la cour sur l’ensemble de la société que l’on y dépeint lui rappelle étrangement le modèle actuel. « En effet, constate-t-il, nous avons peu à peu reconstitué une nouvelle cour s’appelant l’énarchie. Les énarques se sont désignés pour tout gérer, contrôler et distribuer. En France, la gouvernance telle qu’elle est organisée aujourd’hui est un facteur de paralysie et de sclérose du système. »
Pour Marc Lhermitte, « les entreprises n’ont pas lâché ou abandonné la France ». Toutes les études sur les délocalisations qui ont fleuri au début des années 2000, destinées à faire peur, ont montré que les vraies délocalisations (fermer totalement une société en France et en ouvrir une exactement identique ailleurs) ne représentaient que 5 à 7% des effectifs industriels. « Le reste procédait de l’ouverture et de la dynamique des marchés des entreprises françaises, trop françaises à l’international et moins en France », analyse Marc Lhermitte.
Faut-il s’inquiéter du phénomène ?
Didier Pineau-Valencienne se désole de la situation en France, où « nous cumulons tous les désavantages : la fiscalité des personnes en première instance avec les impôts qui s’accumulent pour devenir finalement confiscation ».
« Lorsque vous percevez un revenu important, explique-t-il, vous en reversez près de 85%. Tout ce qui est au-dessus de 50% est confiscatoire. Beaucoup de pays autour de nous l’ont compris. » L’attractivité de la France à long terme ne va pas dans le bon sens et cet état de fait perdurera tant que le système de taxation du capital sur les plus-values, les droits de succession et la taxation sur les revenus ne seront pas modifiés. La France n’est pas attractive car elle fait le contraire de ce que font ses voisins.
Si tous les autres pays avaient le même système fiscal que la France, “DPV” est convaincu que « nous serions plus attractifs ». « Malheureusement, tous nos voisins ont compris et intégré qu’on ne crée de la richesse qu’avec des mesures favorables à la naissance et au développement du capital », poursuit-il. Ce constat est, selon cette fine larme de l’industrie, « fortement démotivant et décourageant ».
L’ex-membre du comité exécutif du groupe Rhone-Poulenc se dit aussi désespéré par un double phénomène. « D’une part, la disparition du patrimoine qui part à l’étranger, parfois avec les hommes et parfois sans. La richesse constituée se dissout. D’autre part, et celui-ci est beaucoup plus dangereux, les centres de décisions se déplacent. » Il ne se passe pas un mois en effet sans qu’une grande société française soit rachetée par une société étrangère, son centre de décision quittant alors notre pays. “DPV” est lucide sur l’intention des sociétés étrangères : « Elles font toutes les promesses possibles en s’engageant à développer en France. »
« Mais il n’en est rien, affirme-t-il, ces sociétés emportent toutes nos connaissances ainsi que nos brevets déposés pour les développer ailleurs. Il est plus facile, il est vrai, de les exploiter dans un autre pays que la France. » Les centres de décision de secteurs entiers ont disparu suite à la politique française de taxation du capital qui, de fait, renvoie à l’extérieur nos centres de décision, et par conséquent nos centres de développement et, à long terme, l’emploi. Didier Pineau-Valencienne poursuit son analyse, peu optimiste : « Nous observons également un exode des fortunes. Le patrimoine artistique qui, bien que n’étant pas soumis à l’ISF, est pris en compte dans les droits de succession. Ainsi, un nombre important d’œuvres d’art sont cédées lors de ventes officielles à l’étranger. »
Le problème existe aussi sur une catégorie d’enseignants-chercheurs qui sont mobiles au plan international. Il s’agit typiquement d’acteurs qui publient dans les journaux de référence dans leur domaine au niveau mondial, susceptibles de se faire chasser par les grandes institutions. Marc Lhermitte identifie « un véritable « gap » salarial lié à la rémunération nette proposée dans certains pays qui valorisent beaucoup mieux le travail des chercheurs, comme les USA, et à une fiscalité sociale et un niveau de charges élevé ». C’est un problème très transversal de la France par rapport au Royaume-Uni ou à la Suisse.
Ainsi, Emmanuel Macron essaye-t-il de trouver à travers la loi des dispositifs et des mécanismes permettant de valoriser la rémunération nette de ces chercheurs de haut niveau. Nous devons pouvoir rémunérer des chercheurs internationaux. L’auteur du baromètre de l’attractivité Ernst & Young précise que « l’étude tend à prouver que l’Île-de-France et certains pôles universitaires régionaux ont une véritable force de frappe mais reste cependant derrière le Grand Londres qui s’est positionné depuis une petite décennie devant le Grand Paris, cette situation écrasant et exagérant la question de la compétition et de la place de la France. »
Dans ce contexte, le nombre de sièges sociaux au Royaume-Uni a été multiplié par deux en deux ans (de 29 à 57) alors qu’il était divisé par deux en France (de 23 à 11). Alors qu’il y a deux ans, cinq pays étaient à peu près sur la même ligne concernant l’accueil des sièges sociaux, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Irlande et la France qui font partie du top 5 ont perdu du terrain par rapport au Royaume-Uni qui a donc conquis une véritable part de marché. Marc Lhermitte reste positif. « La situation n’est pas inarrêtable mais il existe un vrai « trend ». »
Une forte proportion des entrepreneurs dont les entreprises peuvent atteindre une dimension mondiale partent assez naturellement aux Etats-Unis qui est composé de deux foyers principaux : la Silicon Valley et New York. Marc Lhermitte précise que « le problème ne se réduit pas à une sorte de confrontation duale entre la France et la Silicon Valley ».
« La question, poursuit-il, est très prégnante dans l’esprit des parties prenantes à Milan, Bruxelles, Amsterdam, Berlin et à Londres et pas seulement à Paris. Il y a un tel effet d’attraction de la Silicon Valley qui est à la fois le cœur industriel de cette nouvelle industrie et offre une facilité d’accession aux fonds de capital développement et aux fonds de capital-risque. » Les États-Unis encouragent une culture du financement de la start-up axée sur la valorisation du risque et le risque entrepreneurial plutôt que sur la rentabilité et l’EBITA, métriques très courantes en Europe. Il existe un mouvement qui emporte les start-upeurs français. Marc Lhermitte affirme « ne pas avoir à juger de la qualité, de la légitimité et de la loyauté de cette décision qui leur appartient, ce sont eux qui prennent le risque ».
Il s’amuse de Niel et Mazzela fredonnant le slogan publicitaire « Reviens Léon, il y a les mêmes à la maison ». Il existe un véritable problème d’hyper domination des États-Unis et de quelques endroits en Asie en ce qui concerne les entrepreneurs du Net et de la Biotech dans une moindre mesure qui vont sur la côte californienne et pour partie à New York. On note un phénomène d’emportement et d’accélération forte à ce niveau.
Concernant ce qui procède aujourd’hui de l’internationalisation ou du transfert vers d’autres marchés et d’autres centres de décision qui sont devenus plus stratégiques pour les entreprises nées et développées en France, les exemples foisonnent : Lafarge fusionne avec Holcim, Alcatel est racheté par Nokia, Alstom power se rapproche de GE. Ces trois exemples d’acquisition de fleurons historiques de l’économie et de l’industrie françaises par des grands industriels étrangers sont porteurs de sens. Pour Marc Lhermitte, la question est ensuite « de savoir comment cette fusion transporte ou transfère les centres de pouvoir ». « Généralement, affine-t-il, les acquéreurs ont un peu plus d’influence dans les centres de décision. L’acquisition faite par nos groupes français à l’étranger produira les mêmes résultats. »
Comprendre la mobilité des entreprises
La complexité du système est majeure : chaque jour, de nouvelles lois rendent les mouvements plus compliqués. A cela s’ajoute une fiscalité, en particulier sur le capital, qui décourage sur le long terme les innovateurs et ceux qui créent. DPV nous confie en toute impunité : « A mon sens, si vous avez le projet de créer, il est préférable d’aller dans un des pays limitrophes de la France. » Dans certains de ces pays voisins, explique-t-il, il n’existe pas d’impôts sur la plus-value ; dans d’autres, il n’y a ni plus-value ni droits de succession, ce qui permet une importante souplesse et facilité pour transmettre les biens. »
L’ancien industriel invite à « se référer aux modèles belge, allemand ou anglais ». « Dans ces pays, argue-t-il, tout est mis en œuvre pour que la taxe sur le capital soit à un niveau acceptable. Je ne suis pas convaincu de l’efficacité du système de redistribution institué par nos énarques. A hauteur de 85%, il est, selon moi, confiscatoire. Je pense aussi qu’il y a énormément de gâchis. Dans les dépenses de l’Etat, le système des subventions est préjudiciable et fausse le jeu économique. On vous prend 100 euros dans la poche droite, puis on vous en redonne 20 dans la poche gauche par le biais d’une pure logique de clientélisme politique. »
A titre d’exemple, les investissements doivent être pensés de manière à ce qu’ils soient véritablement économiques et rentables et non seulement pour percevoir des subventions. DPV ne mâche ses mots et déclare que « le système est gangrené par le politique ». “J’ai en tête les dates tragiques de notre histoire : 1981, notamment, avec toute la modification du système fiscal contraire au capital ». « Le summum fut atteint, selon ses propos, avec la loi sur les 35 heures et les RTT à laquelle nous rajoutons aujourd’hui la pénibilité. Dans de telles conditions, il est difficile de créer de la croissance, donc de l’emploi en France. Au bout du compte, on a créé artificiellement des emplois via un système de redistribution et de subvention manipulé par les différents intervenants. »
Sortir de la sinistrise et faviriser l’attractivité de la France
Ce n’est pas grâce à la politique durant les vingt dernières années que nous changerons la dynamique de l’emploi dans notre pays. Didier Pineau-Valencienne décrit une situation où « tout est plus compliqué et une certaine flexibilité insuffisante ». « Nous ne sommes pas dans un modèle économique favorable à la création d’emplois, poursuit-il. Force est de constater que nous travaillons moins en France que dans les autres pays. En France, le temps de travail annuel moyen est de 1300 heures. Les Anglais et les Allemands sont sur une base de 1700 heures, tandis que ce chiffre grimpe à 2200 heures en Suisse. »
Les différences en termes d’ordre de grandeur sont considérables – l’heure effectivement prestée, charges sociales comprises, pour quelqu’un qui est peu qualifié et a 5 ans d’ancienneté coûte 34 euros en France contre 17 euros au Canada. Le travail nous coûte très cher car tout le système de redistribution du modèle social français est très coûteux. Quelle est la réponse de l’entreprise à cette situation ? Elle surinvestit en équipement, ce qui réduit les heures de travail.
DPV prend l’exemple de Schneider, dont il fut le PDG : « Le coût de la main d’œuvre dans le prix de revient était de 36%. Lorsque je suis parti, on était à 7% et, aujourd’hui, on avoisine les 5%. » Pour pouvoir rester compétitif sur le marché mondial tout en restant en France, l’entrepreneur modernise son appareil de production afin d’avoir le moins de main d’œuvre possible. « Cette théorie tue également l’emploi renforce-t-il. L’argent est réinvesti et redépensé dans les équipements qui eux n’ont pas de RTT. »
Il est intéressant de s’attarder sur la catégorie des dirigeants internationaux exerçant notamment leurs fonctions dans des sièges internationaux en Europe. Nous avons une vraie question qui est celle de l’attractivité de la France, de Paris et des grandes métropoles pour les fonctions stratégiques. Marc Lhermitte admet que nous rencontrons un réel problème sur ce sujet.
« C’est avéré au niveau de la concurrence fiscale et au niveau des coûts subis par un siège localisé en France par rapport aux différentes formes de siège qui peuvent être localisés dans le Grand Londres mais aussi à Dublin, à Luxembourg, à Amsterdam, à Francfort ou à Zurich. » Nous constatons des situations très différentes et les localisations des sièges sont de moins en moins motivées par une logique purement fiscale. Elles sont également de plus en plus attentives à la rémunération des dirigeants et des collaborateurs des sièges. C’est pour cette raison que sur ce sujet le Royaume-Uni « prend de l’importance et que l’attractivité du Grand Londres est croissante ».
« C’est une donnée très nouvelle, affirme-t-il, qui va se renforcer avec la diminution ou la réduction de la possibilité de faire des sièges purement fiscaux. » A titre d’exemple, il ne sera désormais plus possible pour une grosse entreprise américaine de e-commerce de domicilier son siège au Luxembourg sans aucun collaborateur (ou deux ou trois afin de satisfaire l’obligation). Tout ceci induit une réflexion sur la localisation des sièges dans des lieux ayant un sens économique pour l’entreprise, soit dans les grands pays d’implantation, soit dans des grandes capitales européennes et non des petites capitales fiscales.
Nous observons incontestablement une dynamique très favorable au Royaume-Uni et au Grand Londres, liée à la façon dont les décisions se prennent (accessibilité, marchés financiers, prestataires de grande qualité, etc…). Marc Lhermitte fait le constat « d’une attractivité singulière pour le Grand Londres et particulièrement pour les nouveaux investisseurs en Europe – notamment pour les acteurs du numérique – issus de pays émergeants tels que la Russie ou l’Inde ». « Ils trouvent dans le Grand Londres une facilité et surtout une capacité à réduire le coût, voire à mieux rémunérer leurs cadres dirigeants avec des stocks options et des systèmes qui sont fiscalisés au taux normal en France ».
Sur la catégorie des sièges des entreprises, il existe donc un véritable problème avéré qu’Emmanuel Macron a corroboré dans une interview accordée au Financial Times il y de cela quelques semaines. Le ministre de l’Economie relevait un problème sur la fiscalité et sur les sièges des sociétés.
Marc Lhermitte juge essentiel de « découper le sujet de l’exode des entreprises françaises en plusieurs morceaux afin de comprendre qu’il y a un mouvement normal, celui de l’ouverture de notre économie au monde, et un mouvement né de la concurrence entre les grandes métropoles et parfois entre les pays ». La capacité à favoriser la création et surtout le maintien d’entreprises innovantes de stature internationale qui ont rapidement vocation à se développer au plan mondial dans l’univers d’Internet, du e-commerce et des objets connectés constitue le dernier sujet sur lequel la France se heurte à un problème. Il existe des modèles économiques qui sont directement mondiaux.
Les entreprises sont elles coupables ?
Marc Lhermitte est affirmatif, « Tricoire, donc Schneider, à Hong Kong ou A-Systèmes, l’ETI française qui a la moitié de son Comex à Dubaï, est quelque chose de normal et de bon ». « Il est normal, commente-t-il, lorsque son marché n’est plus dominant en France ou dominé par le marché français, de se rapprocher, ne serait-ce que pour des raisons logistiques d’accès à des zones d’influence, de relais d’affaires situés dans d’autres zones du monde. Il faut conserver à l‘esprit les intérêts et l’histoire qu’ils ont encore en France. »
DPV, de son côté, assume pleinement sa position et nous explique : « Lorsque des jeunes me consultent pour savoir comment réaliser leur projet, je les invite à créer une holding au Luxembourg, en Hollande, en Belgique, etc… puis à développer une filiale d’exploitation en France ». « Ainsi, argumente-t-il, « la maison mère » bénéficiera de la fiscalité de nos voisins et ils n’auront pas de droits de succession ni d’impôt sur le capital. Rappelons que nous sommes les seuls à avoir un impôt sur la fortune. Ne me parlez pas de l’attractivité de la France : si vous tenez compte de tous les paramètres fiscaux qui, cumulés, découragent l’investissement en France, l’investisseur en France est défavorisé – il existe une exception : ceux, par exemple, qui créent une entreprise qui devient leur outil de travail, ils vivent alors dessus et leurs prélèvements fiscaux sont sensiblement réduits. »
Comment modéliser le changement ?
Didier Pineau-Valencienne crie l’impérieuse nécessité « de revoir notre système fiscal qui est paralysant et démotivant et faire en sorte que l’impôt sur le capital soit comparable à celui de nos voisins ». Nous devons aligner notre fiscalité sur les pays qui nous entourent pour qu’elle soit compétitive. Elle nous empêche de prendre des risques, or c’est précisément l’acceptation du risque qui est créatrice d’emplois.
L’analyse de l’ancien industriel est limpide : la situation « suppose une révision de notre modèle social ». « Il faut imaginer, poursuit-il, la manière de financer un modèle quasi identique mais qui ne soit pas construit à partir des salaires. C’est là toute la difficulté si on souhaite conserver ce modèle. Sinon, il faut être beaucoup plus exigeant. Il faut un changement de mentalité de la part de nos compatriotes. Je pense que c’est en bonne voie.
Mais il faut que ce discours politique soit entendu et accepté par tous afin que le pays comprenne que l’on ne peut continuer à fonctionner ainsi. Il faut aussi que les forces sociales évoluent. C’est la seule façon de s’en sortir si l’on souhaite créer de l’emploi en France et redynamiser l’économie. Nous ne pouvons pas être les seuls à prendre autant de congés tout en touchant autant que les autres. » Un changement profond de mentalité doit donc s’opérer supposant de sortir du système fiscal actuel et en particulier de la surtaxation du capital, tout en réinvestissant le travail comme valeur première.
Les résultats obtenus par l’Angleterre, notamment au niveau de son taux de chômage, sont un exemple probant. Cela ne peut se concevoir sur la base du modèle français existant mais sur un modèle nouveau, axé sur la valorisation et la rémunération du travail. DPV ne renie pas pour autant l’impôt : « Ceux sur les plus-values et sur les successions ne me dérangent pas mais ils ne doivent pas être confiscatoires et rester compétitifs par rapport à ce qui se pratique chez nos voisins ».