La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS
Être entrepreneur, c’est vivre une aventure. Qu’elle soit belle, rapide, semée d’embûches, ou encore utopique. Mais cette aventure pose nombre de questions : peut-elle être menée par tous ? Est-ce une question de timing ou de pugnacité ? De réseau et de soutien ? de chance… ? Ou bien est-ce tout simplement un mélange bien équilibré de tous ces facteurs ?
D’aucuns pensent même que c’est comme un virus (dont on ne pourrait se faire vacciner !). Ce qui expliquerait en partie pourquoi certains chefs d’entreprise vendent leur société pour se lancer dans un nouveau défi… L’esprit d’entreprise serait-il alors quelque chose d’inné, que l’on a dans le sang, ou la résultante d’acquis et d’addition de compétences et de qualités ? Tour d’horizon de ces femmes et hommes qui créent de la valeur en France.
Il n’y a pas de livres de recettes pour réussir, mais les ingrédients du succès sont invariablement les mêmes
Flavienne Huber en sait quelque chose. Cette « entrepreneuse » de 58 ans enchaîne les projets… tous autant couronnés de bonheur. Son histoire force le respect. Flavienne a d’abord lancé avec son mari une marque de produits régionaux, DMP, avant d’en faire une pépite de la cosmétique française, devenue rapidement référence dans son secteur. Ne souhaitant pas s’arrêter en si bon chemin, elle cherche alors à comprendre comment le secteur fonctionne, de la fabrication à la distribution. Elle sait ainsi que pour s’agrandir elle va devoir maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur de la création.
Elle acquiert donc son propre laboratoire cosmétique, maîtrisant alors la provenance et la fabrication de l’ensemble des produits et gammes développés. Après avoir décidé de vendre ses activités provençales, Flavienne décide de changer de domaine d’activité et de construire un nouveau projet : c’est alors qu’elle va reprendre La Marterie, domaine à proximité de Périgueux, lieu d’exception en Dordogne s’étalant sur 70 hectares pour pratiquer du golf. Peu satisfaite des services proposés, elle se lance dans la création de lodges, spas et restaurant. Cet espace nouvellement constitué est donc son Xème projet en seulement X années… et son lancement est d’ores et déjà remarquable.
Sa fibre entrepreneuriale n’est plus à démontrer et relever des défis et des challenges font partie de sa vie quotidienne. Elle continuera probablement sur sa lancée, et si vous en doutez, n’hésitez pas : faites le déplacement en Dordogne !
Son histoire est singulièrement inspirante. Mais elle n’est pas la seule dans ce cas. Nombre d’individus se sont lancés dans la création d’entreprise, par envie de « créer son propre emploi » ou bien pour se libérer d’un carcan hiérarchique, ou jouir d’une liberté d’action stratégique et commerciale.
Pour les créateurs d’entreprises, Mars 2020 n’est plus qu’un mauvais souvenir
Cette année est particulière pour les entrepreneurs. En effet, nous avons pu observer un double record simultané de créations et de radiations d’entreprises. C’est en effet près d’un million d’entreprises qui ont été créées ces douze derniers mois : une performance, malgré la crise sanitaire. Mais derrière ces chiffres impressionnants, des réalités disparates. Nous pouvons constater tout de même une certaine embellie et des tendances sérieuses : si le secteur des entreprises « classiques » (SA, SARL, etc.) affiche une hausse également, ce sont clairement les plus petites structures qui tirent ce chiffre vers le haut.
En effet, près des trois quarts de ce million de créations sont des entreprises individuelles et les deux tiers des autoentreprises (microentreprises). Ce résultat représente en effet une hausse de 18,8 % des créations comptabilisées par rapport au second semestre 2020, période récente la plus pertinente pour faire des comparaisons, notamment en raison du niveau particulièrement bas des créations pendant le premier confinement au printemps 2020. En revanche, les liquidations d’entreprises augmentent férocement depuis plusieurs mois et ne devraient pas s’arrêter e si tôt avec la fin des perfusions économiques de notre tissu entrepreneurial.
Quid des effets de la crise ?
La crise sanitaire n’aurait donc pas tari la volonté d’indépendance de ces pionniers même l’aurait sur-vitaminé. Le télétravail devenu une règle pendant de nombreux mois a permis à des créateurs de se lancer, et de quitter le salariat ou de panacher leurs activités.
Mais en règle générale, les intentions d’entreprendre des étudiants et lycées restent stables : 42% ont envie de se lancer, un jour. Les créations d’entreprises illustrent cette double tendance, entre contrainte et opportunisme. Trois créations sur quatre sont des entreprises individuelles. Ces entrepreneurs développent avant tout leur propre emploi. Parmi eux, les livreurs sont les plus nombreux. Dans un pays de service ou la restauration rapide est de plus en plus privilégiée, rien de surprenant. Concernant les tendances sectorielles, nous observons au premier trimestre 2021 que la création d’entreprise est en hausse par rapport à la même période de 2020 dans tous les secteurs, à l’exception des arts, spectacles et activités récréatives : la dynamique entrepreneuriale reste inchangée par rapport aux six derniers mois de 2020, avec une forte croissance des créations dans le transport et entreposage, dans la restauration et dans le commerce de gros (respectivement + 123 %, + 51 % et + 46 %).
Mais que signifie vraiment « être entrepreneur » ?
La définition de l’entrepreneuriat est simple : c’est créer une entreprise, reprendre une entreprise ou un projet déjà existant pour le développer et le faire évoluer. Un entrepreneur est un chef d’entreprise qui a les compétences et qualités nécessaires pour initier un projet économique dans un secteur d’activité donné. Cette définition est très classique et forcément castratrice car être entrepreneur c’est avant tout un état d’esprit, une philosophie de vie qui implique d’avoir un engagement total et sans limite pour un objectif défini. C’est avoir la passion de rassembler et stimuler un groupe de femmes et d’hommes dans un but commun et faire d’une initiative individuelle, une réussite collective.
Un entrepreneur doit savoir identifier rapidement les forces et les faiblesses pour de son environnement économique mais il doit aussi savoir se remettre en question en permanence pour ajuster ses orientations en fonction des différents éléments extérieurs qui pourraient entacher ou freiner le développement de l’entreprise. Il doit avoir de l’humilité pour écouter, accepter l’expertise et le savoir-faire quand il s’implique dans un nouveau métier.
Un entrepreneur vit constamment en mode « survie », il se nourrit et grandit de toute expérience chaque jour, il est et reste un éternel « apprenti » avec une vision 360 ° tournée vers l’avenir.
Être entrepreneur, c’est donc savoir prendre des décisions et accepter parfois qu’elles puissent être remises en question, et changer de « cap » quand cela s’impose. Un coup de cœur peut être un déclencheur d’un changement de vie et de secteur pour appliquer une nouvelle fois les expériences emmagasinées et relever un nouveau défi, l’ADN même de l’entrepreneur. En résumé ce n’est pas l’activité ou le secteur qui fait l’entrepreneur mais l’entrepreneur qui crée son « business ».
En conclusion, Il est évident que l’entrepreneuriat est une aventure qui n’est pas faite pour tout le monde. Mais est-ce pour autant inné, dans les gènes ? Ou bien est-ce un sens profond d’une personne à se dédier pour un projet qui la passionne tant ? Ce qui est certain, c’est quand on est entrepreneur un jour, on le reste pour toujours…