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#Entrepreneurdelasemaine >> L’incroyable ascension de Jacques Veyrat


À la tête de sa holding d'investissement Impala, Jacques Veyrat, ancien dauphin de Robert Louis-Dreyfus, viré par sa veuve Margarita, a bâti en 5 ans un groupe industriel qui pèse plus de 800 M€.  

Entreprendre - #Entrepreneurdelasemaine >> L’incroyable ascension de Jacques Veyrat

À la tête de sa holding d’investissement Impala, Jacques Veyrat, ancien dauphin de Robert Louis-Dreyfus, viré par sa veuve Margarita, a bâti en 5 ans un groupe industriel qui pèse plus de 800 M€.
 

Vitesse et agilité

Jacques Veyrat n’a pas choisi par hasard le nom de sa holding, Impala, une «antilope réputée pour sa vitesse et son agilité à bondir». Cette holding s’appuie sur le fonds de crédit européen Eiffel Investment Group, créé du temps où il était patron de Louis-Dreyfus et spécialisé dans les instruments de dette d’entreprise.

Avec plus de 550 M€ de fonds propres, Impala cible principalement des prises de participations – toujours majoritaires – dans des sociétés cotées, notamment dans les secteurs de l’énergie et de l’identité-sécurité.

Success story française

Ce Savoyard d’origine aurait pu faire médecine, sa première vocation, comme ses parents. Après des études brillantes (X, Ponts), il aurait pu embrasser une carrière politique, une autre tradition familiale, lui qui est passé par le cabinet de Bernard Bosson, ministre de l’Équipement, des Transports et du Tourisme du gouvernement Balladur.

Jacques Veyrat a finalement choisi le monde de l’entreprise, ce qui ne lui a pas si mal réussi puisque, à 53 ans, sa fortune personnelle est estimée à 520 M€. Sa stratégie d’investissement lui a permis de tripler ses actifs.

Père spirituel

La rencontre avec Robert Louis-Dreyfus va changer sa vie. Sur les conseils d’Ambroise Roux, senior du corps des Ponts, il rejoint en 1995 la multinationale de plus de 30 Mds€ de CA, présente dans plus de 50 pays, avec 10.000 collaborateurs et spécialisée dans le négoce, l’immobilier et l’énergie.

Robert Louis-Dreyfus devient un mentor plus qu’un patron. «C’était un seigneur qui voyait loin et visait haut. Il n’avait peur de rien. Il m’a appris à décider vite». RLD, qui considérait Jacques Veyrat comme son «fils professionnel», en avait fait son successeur désigné.

Très malade, il lui confie la charge d’assurer la transition en douceur et de défendre les intérêts de sa femme et de ses enfants. À la suite du décès de Robert Louis-Dreyfus le 4 juillet 2009, il lui succède à la présidence du groupe.

Coup de génie

Chargé de développer un réseau de fibres optiques le long des voies maritimes, il a l’idée géniale de doubler celui-ci et de louer la bande passante à des opérateurs télécoms.

La filiale créée à cette occasion en 1998, LD Com, réalise de nombreuses opérations de croissance externe (Kertel, Belgacom France, 9 Telecom…) avant de fusionner avec Cegetel en 2005, prenant le nom de Neuf Cegetel. Cet opérateur, qui représente alors 20% du marché et 4 millions de clients résidentiels, sera revendu en 2008 à SFR pour 7,5 Mds€ !

Margarita 1 – Veyrat 0

Alors que la veuve de Robert Louis-Dreyfus, Margarita, n’avait jamais pris part aux affaires de son mari, elle s’oppose à l’introduction du groupe en Bourse prônée par Jacques Veyrat. Après quelques mois d’opposition feutrée, c’est la guerre ouverte entre la veuve et le fils spirituel. À la surprise générale, c’est lui qui perd.

En 2011, Jacques Veyrat annonce son départ… qui lui rapporte tout de même un joli pactole, estimé à près de 270 M€ sous la forme d’actions de diverses sociétés du groupe. Et la page semble tournée puisque la famille Louis-Dreyfus investit aujourd’hui à ses côtés.

Joli carnet d’adresses

Jacques Veyrat a toujours bénéficié de l’appui du milieu des affaires. Il est proche de Patrick Drahi, qu’il a connu sur les bancs de l’X, et de Stéphane Courbit, avec qui il a investi dans différents projets, notamment dans les énergies renouvelables. Comme Alexandre Bompard, le patron de la FNAC, il fait partie des «poulains» d’Alain Minc. Celui-ci lui a présenté Nicolas Sarkozy, qui lui aurait proposé de succéder à Didier Lombard à la présidence de France Télécom.

Causes (pas) perdues

«Je suis convaincu qu’avec de l’ambition, un bon management et le soutien d’un actionnaire expérimenté, de nombreux projets peuvent réussir même dans des secteurs réputés difficiles».

De ce credo, Jacques Veyrat a fait une stratégie d’investissement. Il a ainsi racheté le plus gros imprimeur de livres en Europe, CPI (351 M€ de CA), et le fabricant de cloisons mobiles de bureau Clestra (110 M€ de CA), en liquidation judiciaire. Des entreprises qu’il a réussi à redresser, confirmant qu’il est un entrepreneur avant d’être un investisseur.

Victime collatérale

En 2011, Margarita Louis-Dreyfus s’attaque à un dossier sensible, l’OM, prévenant qu’elle ne mettrait «plus un euro» dans le club de foot fétiche de son mari. Elle licencie le président, Jean-Claude Dassier, et le directeur général, Antoine Veyrat, frère cadet de Jacques. Un coup de force dans la bataille qui l’oppose à celui-ci.

Et les ennuis ne sont pas terminés : en octobre 2015, Antoine Veyrat a été mis en examen pour abus de biens sociaux, association de malfaiteurs, faux et usage de faux dans l’affaire des transferts présumés douteux du club marseillais.

Dessous chics

En 2014, le fabricant de lingerie de Rilleux-la-Pape (Rhône-Alpes) créé en 1930 était au bord du dépôt de bilan. Impala est devenue actionnaire majoritaire en toute discrétion pour accompagner le repreneur, Jean d’Arthuys, un ancien de M6. Une opération risquée en passe de réussir, puisqu’en 2015, la Maison Lejaby a réalisé 24 M€ de CA, dont 60% à l’international, ouvert des boutiques et s’est lancée sur Internet.

Le plein d’énergie

Dans sa corbeille de départ, Jacques Veyrat s’est vu attribuer les participations de Louis Dreyfus dans Direct Énergie. Après fusion avec Poweo en 2012, le fournisseur alternatif est aujourd’hui le 3ème acteur français de l’électricité, avec un CA de 1 Md€, 2 millions de clients et 5% de parts de marché.

Impala est aujourd’hui le premier actionnaire (35%) de Direct Énergie et détient également 59% des parts du producteur d’énergies renouvelables (solaire, éolien) Neoen. En 2015, le pôle énergie a progressé de 40%.

Dans les petits papiers

En 2015, la holding de Jacques Veyrat est devenue le 1er actionnaire du groupe papetier Sequana (3,3 Mds€ de CA), avec 20% du capital.

Une opération qui a surtout permis à l’entrepreneur de mettre la main sur les activités hautement stratégiques de deux filiales, Arjo Solutions et Arjo Systems, spécialisées dans les papiers sécurisés pour les documents d’identité et les étiquettes sécurisées. Après l’énergie, ce secteur est en effet défini comme une priorité pour Jacques Veyrat.

En quête d’identité

Allié au fonds d’investissement KKR, à Xavier Niel et Bernard Arnault, Jacques Veyrat était l’un des candidats à la reprise de Safran Identity & Security, la filiale d’identité et de sécurité du groupe aéronautique et de défense, valorisée plus de 2 Mds€.

Si l’opération n’a pas été concluante (c’est Oberthur qui l’a finalement remporté), cette tentative confirme l’importance du pôle identité et sécurité pour l’entrepreneur, autour d’Arjo Systems et d’Inexto (solutions de traçabilité).

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