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Entreprises : anticiper pour mieux transmettre


Un rapport au Sénat d’octobre 2022 montre une chute des cessions d’entreprise de 16% entre 2010 et 2021. Michèle Boonen, vous dirigez Brioso Capital. Praticienne de la PME et de la transmission, vous accompagnez cédants ou acquéreurs d’entreprises de 2 à 50 M€ de CA depuis plus de 10 ans....

Michèle Boonen

Un rapport au Sénat d’octobre 2022 montre une chute des cessions d’entreprise de 16% entre 2010 et 2021.

Michèle Boonen, vous dirigez Brioso Capital. Praticienne de la PME et de la transmission, vous accompagnez cédants ou acquéreurs d’entreprises de 2 à 50 M€ de CA depuis plus de 10 ans. Quels sont les enjeux d’une transmission d’entreprise ?

L’enjeu personnel pour le dirigeant est affectif et personnel : valoriser le travail d’une tranche de vie.

L’enjeu économique est double : l’emploi et le développement futur des entreprises. En Ile de France, près de 60% des entreprises de 10 à 49 salariés ont un dirigeant de plus de 55 ans, cela représente 422 580 emplois.

Quels sont les éléments clefs de la valorisation ?

L’aspect humain est primordial. Paradoxalement la valeur de l’entreprise est en relation inverse avec la capacité de celle-ci à fonctionner sans son dirigeant. Le drame des petites structures est que le dirigeant concentre le savoir-faire relationnel, technique voire la gestion. Il faut très en amont faire monter en compétence un second ou un binôme, repreneur potentiel ou non. Bien sûr, la rentabilité et les perspectives de croissance sont clefs.

Le contexte a-t-il changé ?

Le COVID a créé un traumatisme mais la confiance revenait avant la guerre en Ukraine. Depuis, l’incertitude domine ; inflation et remontée des taux impactent négativement les valorisations. Banques, acquéreurs et business plans sont plus prudents et les primes de risque exigées sont plus élevées. Pour les PME, cet aspect conjoncturel ne doit pas être un frein car reporter n’est pas la solution ; le travail de l’intermédiaire est en revanche plus complexe et plus long (12 à 18 mois).

Quels conseils donneriez-vous à un dirigeant ?

L’exercice est difficile : dès 50/55 ans, se projeter et avoir son plan de marche pour préparer sa cession. Plus le dirigeant anticipe, plus l’éventail des possibles est riche : transmission familiale, aux salariés, cession extérieure. Les deux premières voies nécessitent une préparation et il existe des outils pour les rendre réalisables, souvent en plusieurs étapes.

Nous rencontrer très en amont, c’est être aidé par un regard extérieur de praticien de la transmission pour réaliser un « bilan-transmission », travail qui se recoupe partiellement avec l’analyse stratégique qui devrait toujours accompagner une évaluation d’entreprise dans son environnement.

En quoi anticiper permet de mieux valoriser ?

C’est se donner le temps de remédier aux faiblesses détectées et de mettre en œuvre les dispositifs permettant d’optimiser la transmission (pacte Dutreil, constitution d’une holding…) en fonction des projets futurs du dirigeant.

Il s’agit aussi de ne pas détruire de la valeur : quand la nécessité de transmettre est évidente, les salariés clefs ont souvent anticipé et quitté l’entreprise.

Quelles pourraient être les voies à explorer pour faciliter la transmission d’entreprise ?

L’information obligatoire des salariés instaurée par la loi Hamon en 2014 peut déstabiliser l’entreprise. Au vu de l’évolution du nombre de cession, elle n’atteint pas son objectif et doit être abrogée. En revanche, pourquoi ne pas charger BPI d’accompagner en minoritaire les reprises par les salariés, dans des conditions privilégiées, en dotant un fonds « pérennité » qui doublerait leur apport ? Un chèque conseil-transmission (existant en Belgique) pourrait aussi être testé, à valoir entre 55 et 60 ans pour franchir le pas.

Contact : michele.boonen@briosocapital.fr

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